Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chine (suite)

Les grandes années de la littérature nouvelle sont les années 30, pendant lesquelles paraissent les meilleurs des romans, des pièces de théâtre et des poèmes. Mao Dun (Mao Touen, né en 1896) publie Minuit, longue fresque de la vie mouvementée et hétéroclite de Shanghai (Chang-hai) dans les milieux d’affaires. Lao She (Lao Che, 1899-1966) fait paraître Chameau Xiangzi, histoire de l’échec de l’individualisme. Sans se soucier de propagande politique, il décrit avec tendresse et humour la décadence d’un tireur de pousse-pousse : malgré courage, force et ambition, il se fait voler son pousse-pousse qu’il avait eu tant de mal à acquérir et finit par suivre les enterrements en portant des pancartes. Dans la vaste trilogie Famille, Printemps et Automne, Ba Jin (Pa Kin, né en 1905) raconte la révolte d’un jeune homme contre sa famille, traditionnelle, étouffante, puis contre la société, tout aussi sclérosée. Citons encore Guo Moruo (Kouo Mo-jo, né en 1892), auteur de poèmes, de récits, de drames historiques et surtout de travaux historiques.

À cette époque, le théâtre chinois, en marge des œuvres traditionnelles de l’Opéra de Pékin, se lance dans l’imitation du théâtre occidental. Dans ses drames psychologiques, Cao Yu (Ts’ao Yu, né en 1910), dont la meilleure pièce est l’Orage, reste profondément influencé par Ibsen et Wilde. Malgré une certaine adaptation à la chinoise, ses pièces n’obtinrent jamais le succès populaire et restent de la littérature pour intellectuels.

La poésie contemporaine chinoise cherche encore sa voie. Jetée dans l’anarchie par l’abandon de la langue classique et des règles qui en formaient l’ossature, ce ne fut d’abord qu’une imitation désordonnée en vers libres des poètes occidentaux, romantiques, réalistes ou symbolistes. Grâce à Xu Zhimo (Hiu Tche-mo, 1895-1931) et Wen Yiduo (Wen Yi-to, 1899-1946), la poésie en langue parlée obtient des règles de prosodie et de rythme qui lui donnent un peu de consistance. Ce sont les deux seuls poètes qui méritent d’être cités. Plus tard, la profusion des versificateurs, depuis les lettrés jusqu’aux paysans, depuis Mao Zedong (Mao Tsö-tong) jusqu’aux enfants, rend difficile la tâche de discerner les vrais talents.

D. B.-W.

➙ Confucianisme / Han Yu / K’iu Yuan / Kouan Han-k’ing / Lao Che / Li Po / Li Ts’ing-tchao / Lo Kouan-tchong / Lou Siun / Lou Yeou / Ngeou-yang Sieou / Pa Kin / Po Kiu-yi / P’ou Song-ling / Si K’ang / Sou Tong-p’o / Sseu-ma Siang-jou / Sseu-ma Ts’ien / Taoïsme / T’ao Yuan-ming / Tou Fou / Ts’ao Siuek’in.

 Sung-Nien Hsu, Anthologie de la littérature chinoise des origines à nos jours (Delagrave, 1933). / O. Kaltenmark, la Littérature chinoise (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1948 ; 3e éd., 1967). / G. Margouliès, Anthologie raisonnée de la littérature chinoise (Payot, 1948). / J. R. Hightower, Topics in Chinese Literature (Cambridge, Mass., 1950). / P. Guillermaz, la Poésie chinoise. Anthologie des origines à nos jours (Seghers, 1957). / Chow Tse-tsung, The May Fourth Movement : Intellectual Revolution in Modern China (Cambridge, Mass., 1960). / P. Demiéville, Anthologie de la poésie chinoise classique (Gallimard, 1962). / C. et W. Chai (sous la dir. de), A Treasury of Chinese Literature (New York, 1965). / Lai Ming, A History of Chinese Literature (New York, 1966). / Liu Wu-chi, An Introduction to Chinese Literature (Bloomington, Indiana, 1966). / La Chine, anthologie (Mazenod, 1970). / A. Lévy, Études sur le conte et le roman chinois (A. Maisonneuve, 1971). / B. Belpaire, Anthologie chinoise des ve et vie siècles (Éd. universitaires, 1974).


La philosophie chinoise

La pensée chinoise est dominée essentiellement par trois courants : le confucianisme*, le taoïsme* et le bouddhisme*. Le confucianisme et le taoïsme, nés sensiblement vers la même époque, sont des philosophies, bien que, par la suite, il ait existé une forme religieuse pour le taoïsme. Le bouddhisme pénétra en Chine en tant que religion, mais une philosophie bouddhiste proprement chinoise s’y développa. Ces trois courants, s’ils s’opposent d’abord ou même se heurtent, finissent par devenir des systèmes qui se complètent. Et le fait même qu’ils coexistent tout au long des siècles montre que, dans l’esprit d’un Chinois, ils ne sont pas sentis comme foncièrement irréconciliables. Il n’est pas rare de voir un Chinois qui se déclare « adepte » de deux, voire des trois philosophies à la fois, sans éprouver aucun sentiment de contradiction ou de déchirement. Le confucianisme, préoccupé avant tout des problèmes éthiques et sociaux, lui procure des règles de conduite dans sa vie en société ; le taoïsme, recherchant l’identification de l’homme avec l’univers, lui permet de rester libre au milieu des contraintes de la vie et d’être en communion avec la nature ; le bouddhisme, posant la question de la finalité et du salut, répond à sa soif métaphysique. Ces écoles ne restent d’ailleurs pas fermées sur elles-mêmes. Tout en se défendant, chacune essaie d’assimiler les éléments positifs des autres et d’élargir son horizon. On ne peut pas parler de néo-taoïsme sans tenir compte des éléments empruntés au confucianisme. De même, le néo-confucianisme serait difficile à comprendre sans une connaissance préalable du bouddhisme.


L’essor

L’essor de la pensée chinoise se situe à l’époque où l’ordre féodal établi par la dynastie des Zhou (Tcheou) se désagrège : la Chine se divise en différents États, qui luttent pour la suprématie. Cette époque, agitée mais prodigieusement féconde sur le plan de la pensée, commence vers le viie s. avant notre ère et ne se termine qu’avec l’unification de la Chine par les Qin (Ts’in), en 221 av. J.-C. ; elle est appelée par les Chinois : période des Printemps et Automnes, pour la première phase, et période des Royaumes combattants, pour la seconde.

La rivalité entre les États, le progrès technique, l’émergence de classes nouvelles favorisent l’épanouissement de la pensée. Les porte-parole des différentes couches de la société défendent chacun leur point de vue, tandis que philosophes et théoriciens voyagent d’État en État pour faire valoir leurs idées. Les conflits de plus en plus sanglants les incitent à réfléchir sur les problèmes essentiels de la vie, sur une éthique valable et une société idéale. Autour d’un maître ou sur la base d’une doctrine, les écoles se forment. Il en existe tant à cette époque que les historiens, pour qualifier leur nombre, utilisent l’expression de Cent Écoles. Parmi les dix écoles qu’a distinguées le grand compilateur des Han, Liu Xin (Lieou Hin) [v. 46 av. J.-C. - 23 apr. J.-C.], nous en retiendrons sept.