Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chine (suite)

Dans le même temps, les coopératives « semi-socialistes » se transforment en « coopératives socialistes » ou « de type supérieur », où la terre est devenue propriété collective et où le travail fourni est la seule source de revenu ou, du moins, la source essentielle, la propriété privée se limitant à l’habitation, à un jardin (les lopins privés constituent de 2 à 5 p. 100 de la surface cultivée des coopératives), à quelques arbres et aux animaux de basse-cour.

Les résultats de la reconstruction industrielle entreprise de 1949 à 1952 permettent d’envisager un véritable développement de l’industrie chinoise dans le cadre d’un plan quinquennal qui prend effet théoriquement en 1953, mais qui ne sera définitivement mis au point qu’en mars 1955, quelques mois après la conclusion de l’accord d’assistance économique sino-soviétique. Ce plan est étroitement inspiré du modèle soviétique, donnant la priorité au développement de l’industrie lourde et assurant une « industrialisation par en haut » grâce à l’implantation de grandes unités modernes. Au cours de ce plan, le rythme de progression annuel moyen de la production industrielle a été de 18 p. 100 (25 p. 100 pour le secteur A [biens d’équipement], 13 p. 100 pour le secteur B [biens de consommation]), et la plupart des objectifs fixés ont été dépassés. Ainsi, en 1957, la valeur brute de la production industrielle compte pour 52 p. 100 du total, contre 36 p. 100 en 1952.

L’aide soviétique a été un des facteurs essentiels de ce développement industriel, grâce à la fourniture d’équipements, de machines et de brevets, grâce à la construction de 200 « entreprises au-dessus de la norme » (d’une valeur totale de plus de 5 milliards de roubles sous forme de prêt remboursable par l’exportation de produits agricoles), grâce aussi à la formation en Union soviétique de près de 40 000 ouvriers, techniciens et étudiants chinois, tandis que 11 000 experts soviétiques (dont 50 p. 100 pour le secteur industriel) étaient envoyés en Chine.

La réalisation du plan s’est accompagnée d’une transformation profonde des structures industrielles, préparée par la campagne dite « des cinq anti » (contre la corruption, la fraude, le vol de la propriété d’État, l’évasion fiscale, le vol des secrets économiques de l’État), qui s’est déroulée en 1954-55 pour accélérer l’intervention étatique dans le secteur industriel. En 1957, à côté du secteur nationalisé, il ne subsiste alors plus que des « sociétés mixtes », totalement prises en charge par l’État, leurs anciens propriétaires devant recevoir jusqu’en 1962 un intérêt annuel de 5 p. 100 du capital investi.


Le « grand bond en avant », les communes populaires et l’abandon du modèle soviétique

Tandis que le taux moyen de croissance industrielle s’est élevé à 18 p. 100 au cours du premier plan quinquennal, le taux moyen d’accroissement de la production agricole n’a été que de 4,5 p. 100, les récoltes des années 1953 et 1954 ont été médiocres, et les résultats de 1956 alarmants (conséquences de la collectivisation accélérée et de graves calamités naturelles). Or, l’agriculture fournit 80 p. 100 des matières premières de l’industrie légère, alimente 75 p. 100 des exportations, permet le remboursement de l’aide soviétique, et la Chine, d’autre part, doit nourrir de 15 à 20 millions de bouches supplémentaires chaque année. Ainsi, l’accroissement de la production industrielle et des recettes budgétaires dépend-il étroitement du développement d’une agriculture qui reste extrêmement vulnérable aux calamités naturelles. La maîtrise de l’eau, en particulier, est une condition essentielle du développement agricole, mais qui ne peut avoir quelque efficacité qu’entreprise sur une grande échelle. Au cours de l’hiver 1957-58 est organisée une vaste campagne de travaux hydrauliques, à laquelle participent plus de 100 millions de paysans ; bientôt, l’ensemble de la paysannerie est mobilisé pour une mise en valeur intensive des campagnes, mais on se heurte au cadre encore trop restreint des coopératives. L’établissement de « communes populaires », dont les premières ont vu le jour en avril 1958 dans la province du Henan (Ho-nan), est alors décidé par le Comité central du P. C. C. le 29 août 1958. Unités de grande dimension (26 000 communes populaires regroupent les 750 000 coopératives), les communes populaires prennent en main tous les aspects de la vie et de l’activité économique à la campagne : fonctions politiques, administratives (elles se confondent avec le canton rural), militaires (elles ont leur propre milice), sociales (hôpitaux, crèches, cantines), économiques (production agricole et aussi industrielle). Dans la fièvre du « grand bond en avant », on a cru trouver dans les communes populaires les conditions et la formule d’un passage accéléré vers le communisme, et ce fut dans un premier temps l’abolition de toute propriété privée, l’instauration d’une vie communautaire extrêmement poussée, la gratuité de l’alimentation dans bien des cas. Les objectifs industriels du second plan quinquennal (1958-1962), élaboré en 1956 selon les mêmes principes que ceux du premier plan, sont atteints dès 1960, mais ce plan n’apparaît plus qu’à titre de référence à partir de 1958, où la voie soviétique du développement économique est abandonnée pour être remplacée par la politique des « cinq développements simultanés » : développement simultané de l’industrie et de l’agriculture ; développement simultané des industries du secteur A et du secteur B ; développement simultané des grandes et des petites entreprises ; développement simultané des industries nationales et des industries locales ; développement simultané des techniques modernes et des techniques traditionnelles.

Cette nouvelle stratégie du développement (illustrée par le slogan « marcher sur les deux jambes ») a été préparée par toute une série de mesures de « décentralisation » prises en 1957, qui ont confié aux autorités locales le contrôle et la gestion de 80 p. 100 des entreprises industrielles.

Une des conséquences les plus spectaculaires de cette politique de « marche sur les deux jambes » fut le mouvement généralisé d’industrialisation des campagnes, dans le cadre des communes populaires, et en particulier la construction de plus d’un million de « hauts fourneaux de poche » (capacité allant jusqu’à 1,5 m3) à travers toute la Chine.