Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chine (suite)

Tout comme le peuplement, l’urbanisation est très inégale à travers le territoire : le Nord-Est (Mandchourie) est la région la plus urbanisée, avec une population urbaine qui représente plus de 30 p. 100 de la population totale. Les taux restent supérieurs à 20 p. 100 dans les provinces du Hebei (Ho-pei) [avec Pékin] et du Jiang-su (Kiang-sou) [avec Shanghai], mais ne dépassent guère 10 p. 100 dans les régions occidentales et sont inférieurs à 5 p. 100 dans le Sud-Ouest.

Toutefois, les neuf villes « millionnaires » totalisaient en 1953 le quart de la population urbaine de la Chine ; elles sont dix-sept vers 1960, mais ne représentent encore que le tiers de la population urbaine totale. Ces quelques données dénotent une croissance à peu près aussi rapide et générale des villes petites et moyennes, phénomène de nature à modifier la répartition régionale urbaine beaucoup plus rapidement que ne se transforme la répartition générale du peuplement.

P. T.


L’économie chinoise


La transformation des structures


La réforme agraire et la reconstruction industrielle (1949-1952)

Les quatre premières années de la Chine populaire constituent une période de transition au cours de laquelle une réforme agraire prépare les conditions d’une transformation future de la société et de l’économie rurales, tandis qu’une politique de « compromis » permet de remettre sur pied le secteur industriel.

La loi de juin 1950 étend à l’ensemble du pays (à l’exclusion des minorités nationales) la réforme agraire déjà réalisée dans les « zones libérées » (tenues par les armées communistes avant 1949) du Nord-Est et du Nord : les terres et le matériel des propriétaires fonciers (moins de 10 p. 100 de la population rurale et 45 p. 100 environ des terres cultivées) ainsi que les terres que les paysans riches ne cultivent pas eux-mêmes sont confisqués et redistribués aux paysans sans terres et aux paysans pauvres : au total, 47 millions d’hectares environ (107 millions d’hectares cultivés en Chine à l’époque) sont répartis entre 300 millions de paysans. D’une portée politique considérable — assurant l’appui des masses paysannes au nouveau régime —, une telle réforme ne résout pas toutefois deux problèmes essentiels : les anciens « paysans riches » disposent encore de 25 p. 100 des terres environ (restant donc beaucoup mieux pourvus que la majorité des bénéficiaires de la réforme), et surtout la répartition de 47 millions d’hectares entre 300 millions de personnes (soit 15 ares en moyenne par tête) aboutit à la constitution d’une marqueterie de minuscules propriétés difficilement viables et peu propices au développement de la productivité de l’agriculture.

Face à une telle situation et à la faveur d’une vieille tradition de la paysannerie chinoise, on encourage la création d’« équipes d’entraide saisonnières », constituées de quelques familles (de 3 à 6 en moyenne, 10 au maximum) qui échangent à l’occasion des gros travaux (labours, récoltes) leur main-d’œuvre, leur matériel, leurs animaux de trait. Dans le domaine industriel, cinq grands secteurs, dont l’activité est coordonnée par les pouvoirs publics, participent conjointement à la production, conformément aux principes de la « nouvelle démocratie » définis par Mao Zedong (Mao Tsö-tong) en 1940 :
— le secteur public : firmes étrangères, entreprises appartenant aux industriels reconnus coupables de « collaboration » avec le Japon, entreprises relevant du « capitalisme bureaucratique » (firmes d’État du Guomindang [Kouo-min-tang]), qui ont été nationalisées ;
— le « capitalisme d’État » : firmes privées, qui passent des contrats avec l’État ou dont l’État achète toute la production ;
— le « capitalisme national » : entreprises qui appartiennent à la moyenne bourgeoisie industrielle et qui restent purement privées ;
— les coopératives artisanales, encore fort peu nombreuses ;
— l’artisanat individuel, qui reste très important.

Ainsi, tout en développant l’interventionnisme étatique, le nouveau régime a pu s’assurer le concours des capitaux et des compétences de la bourgeoisie industrielle chinoise, et une telle politique porte rapidement ses fruits, puisque, de 1950 à 1952, le rythme de croissance de la production industrielle est de 35 p. 100, si bien qu’au terme de cette période la production des principales branches industrielles rattrape ou dépasse celle des meilleures années antérieures à 1949. La production d’électricité dépasse 7 TWh, celle de charbon 65 Mt, celle d’acier 1,5 Mt.


L’évolution vers le socialisme et le premier plan quinquennal (1953-1957)

Le faible nombre (le tiers seulement des familles paysannes) et l’efficacité très limitée des équipes d’entraide saisonnières laissent l’agriculture dans une situation extrêmement préoccupante à l’issue de la réforme agraire. En conséquence, le 15 février 1953, le Comité central du parti communiste chinois recommande la transformation des équipes saisonnières en « équipes d’entraide permanentes », au sein desquelles chaque famille reste encore propriétaire de ses moyens de production, mais où la réalisation en commun des tâches de production doit permettre de mieux fixer les objectifs et d’arriver à constituer un petit capital commun (le revenu n’étant plus entièrement redistribué) pour l’achat de matériel, le développement de l’élevage et autres réalisations indispensables pour l’amélioration de la productivité de cette agriculture. En 1954, sur 117 millions de familles paysannes au total, 68 500 000 étaient organisées en équipes d’entraide, dont 30 700 000 en équipes permanentes et 37 800 000 en équipes saisonnières. C’est encore très insuffisant au regard des autorités, et, le 16 décembre 1953, le Comité central du P. C. C. adopte la « Décision sur le développement des coopératives agricoles de production », qui marque le véritable premier pas vers la collectivisation de l’agriculture. Dans ces coopératives (qui correspondent à une ou plusieurs équipes d’entraide), les terres sont gérées et travaillées collectivement, mais chaque famille perçoit un loyer de sa terre, qui ne peut, toutefois, excéder la moitié des recettes nettes du paysan. Ainsi ces coopératives sont-elles qualifiées de semi-socialistes ou de type inférieur, le revenu de chacun étant fonction non seulement du travail fourni, mais aussi de l’importance des biens mis à la disposition de la coopérative. Elles seront 634 000 en juin 1955, groupant 17 millions de familles, soit seulement 15 p. 100 de la paysannerie chinoise. Le processus se révèle donc extrêmement lent, et le président Mao intervient lui-même le 21 juillet 1955 pour l’accélérer, demandant qu’au printemps 1958 ces coopératives regroupent au moins la moitié de la paysannerie chinoise. Ce sera alors en fait un véritable « raz de marée » : 80 p. 100 en 1956 et 100 p. 100 en 1957.