Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chine (suite)

À signaler parallèlement une reprise de l’agriculture ; un statut agraire, inspiré en partie de celui des Bei Wei, est promulgué en 624. Cependant, l’autorité centrale ne parviendra pas à freiner une double tendance qui, à partir du milieu du viiie s., va ruiner peu à peu l’équilibre précaire des campagnes : les migrations de paysans, qui cherchent à échapper à une écrasante fiscalité en allant chercher ailleurs, et notamment dans les terres encore libres du Sud, de nouveaux moyens de subsistance ; l’extension des grands domaines, dont les propriétaires essaient constamment d’échapper au contrôle des fonctionnaires de l’Administration centrale, constituant ainsi une force centrifuge permanente.

Le règne de l’empereur Xuanzong (Hiuan-tsong, 713-756) marque un tournant important dans l’histoire de la dynastie. Les Ouïgours constituent en Asie centrale une dangereuse confédération, menace pour l’expansion chinoise. L’année 751 voit une double défaite des armées Tang : face au Nanzhao, dans le Yunnan, et face aux troupes musulmanes sur le Talas (actuellement en Union soviétique). À l’intérieur, les difficultés surgissent aussi en la personne d’un général d’origine turque, An Lushan (Ngan Lou-chan), gouverneur de la région de Pékin, qui se révolte et marche sur la capitale Chang’an, où il entre avec ses troupes en 755. Xuanzong s’enfuit et cherche à gagner le Sichuan, tandis que son escorte contraint au suicide sa concubine préférée, la célèbre Yang Guifei (Yang kouei-fei), tenue pour responsable de la catastrophe (thème qui sera repris plus d’une fois dans la littérature).

La rébellion d’An Lushan est un événement lourd de conséquences ; les loyalistes rétablissent sur le trône le fils de Xuanzong (756), mais l’autorité des Tang ne parviendra jamais à s’affirmer complètement ; ils auront à lutter pratiquement sans trêve contre les généraux rebelles ou contre les Ouïgours et les Tibétains (qui pillent Chang’an en 763). Plusieurs essais de réformes sont tentés néanmoins : on remplace l’impôt sur les personnes par un impôt sur les terres et l’on instaure plusieurs taxes indirectes, sur l’alcool, le thé et le sel ; on s’en prend aux immunités du clergé bouddhique, en confisquant les domaines, parfois immenses, des monastères et en contraignant moines et nonnes à rentrer dans la laïcité.

Ces mesures, notamment l’institution de la gabelle, sont impopulaires ; en 875 éclate un soulèvement paysan que dirige bientôt un lettré du Henan qui a échoué aux examens impériaux, Huang Chao (Houang Tch’ao). Il se dirige d’abord vers le Sud, gagne Fuzhou (Fou-tcheou), puis Canton, où ses hommes massacrent la riche colonie de marchands musulmans ; de là, il regagne le Nord et s’empare de Luoyang (Lo-yang), puis de Chang’an (Tch’ang-ngan) [881]. Il est finalement contraint au suicide, mais il n’est plus question désormais pour les Tang de rétablir l’unité ; le dernier empereur est détrôné en 907.

Sous les Tang, la culture chinoise atteint un de ses sommets, et l’on a pu parler d’« âge d’or ». Il faut signaler d’abord l’importance des influences étrangères, venues surtout de l’Ouest, par le relais de l’Asie centrale. Le long des routes qui partent de l’Inde et du Moyen-Orient, idées et esthétiques circulent avec les caravanes. Grâce à la tolérance cosmopolite des empereurs apparaissent dans la capitale des temples mazdéens et manichéens ainsi qu’une église nestorienne, dont témoigne la célèbre « stèle de Xi’an fu (Si-ngan-fou) », rédigée en chinois et en syriaque et datée de 781 ; au xviie s., les missionnaires européens insisteront sur ce témoignage d’une antique « christianisation ». C’est à cette époque que sont érigées également les premières mosquées (à Chang’an comme à Canton).

Mais, parmi ces idéologies étrangères, c’est au bouddhisme qu’il convient de faire la première place. Au viie s., deux célèbres pèlerins chinois se rendent au pays du Bouddha. Xuan Zang (Hiuan Tsang) quitte la capitale en 629 et rentre seize ans plus tard, pour occuper les dernières années de sa vie à traduire du sanskrit en chinois le texte des Sūtra, qu’il a rapportés avec lui. Yijing (Yi-tsing, 635-713) va en Inde par les mers du Sud ; parti en 671, il aborde dans le golfe du Bengale, reste longtemps en Inde centrale et à Ceylan, puis rentre en Chine en 695. En Chine même, les monastères bouddhiques sont d’actifs foyers culturels ; on y réfléchit sur la pensée indienne, et diverses tendances se précisent, notamment celle de l’école du Chan (Tch’an), ou de la « méditation » (dhyāna en sanskrit), qui deviendra le zen des Japonais.

Parallèlement, la classe des fonctionnaires lettrés se reconstitue et cimente ses rangs. La pensée confucéenne est de nouveau à l’honneur et constitue la base de l’éducation. Certains compilent de gros ouvrages d’érudition : manuels de politique, histoires ou encyclopédies. D’autres développent une littérature de délassement ; le conte en prose apparaît, et la poésie atteint alors un de ses sommets ; trois grands poètes sont restés particulièrement célèbres : Li Bo (Li Po), Du Fu (Tou Fou) et Bo Juyi (Po Kiu-yi). Les sciences progressent également, notamment la médecine, la cartographie et l’astronomie. La xylographie apparaît, utilisée au début pour multiplier des textes bouddhiques ; ses progrès vont bientôt permettre une plus rapide propagation des connaissances.


Les Song et les Yuan (xe-xive s.)

De 907 à 960, l’espace chinois est une fois de plus partagé. Profitant du désordre intérieur, les peuples de la steppe font sentir leur présence. C’est une période de transition, de gestation, connue dans les Histoires officielles sous le nom de « période des Cinq Dynasties ». Durant ce demi-siècle, en effet, cinq « dynasties » font parler d’elles en Chine du Nord. En 936, par exemple, un Turc sinisé, Shi Jingtang (Che King-t’ang), fonde la dynastie éphémère des Jin (Tsin) postérieurs ; fait important, il transfère sa capitale à Bianzhou (Pien-tcheou), l’actuelle Kaifeng (K’ai-fong), abandonnant aux Khitans (Kitat), des « Barbares » apparentés aux Mongols, la région de Pékin ; ceux-ci fondent une nouvelle dynastie sur le modèle chinois, celle des Liao (Leao), et vont bientôt se lancer dans de nouvelles conquêtes. Dans le Sud apparaissent plusieurs petits royaumes distincts, mais la division politique ne correspond pas cette fois à une régression économique ; les régions du bas Yangzi et du Sichuan continuent à se développer (fabrication de la porcelaine, commerce du thé), et les riches tombeaux récemment découverts dans les environs de Nankin et de Chengdu (Tch’eng-tou) peuvent donner une idée du luxe qui existait alors dans ces villes. C’est alors que se généralisent l’usage de la monnaie fiduciaire ainsi que celui de l’imprimerie.