Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chine (suite)

L’une de ces dynasties parviendra, néanmoins, à réunifier le Nord et à féconder une certaine renaissance : celle des Wei du Nord, ou Bei Wei (Pei-Wei, v. 380 - v. 550), fondée par des Tabghatchs (en chinois Toba [T’o-pa]), sans doute des Turcs. Établis dès la fin du iiie s. dans l’extrême nord du Shānxi, dans la région de Datong (Ta-t’ong), les Tabghatchs parviennent à repousser vers les terres ingrates du Gobi de nouveaux intrus, les Rouruan (Jeou-jouan), appelés aussi Ruanruan (Jouan-jouan), peuples proto-mongols comme les Xianbei (Sien-pei), et tiennent à distance les Murong (Mou-jong), installés dans le Liaodong (Leao-tong). Vers 440, ils sont à la tête de l’État le plus puissant de toute l’Asie orientale, et leur autorité s’exerce depuis le Gansu (Kan-sou), à l’ouest, jusqu’à la vallée de la Huai (Houai), au sud-est. Ils s’assimilent très vite les principes de la culture chinoise, et c’est sans doute là une des raisons de leurs rapides succès.

La relance de l’agriculture est stimulée par la promulgation d’un statut agraire original qui vise à établir un système de concessions viagères redistribuées à chaque génération. La capitale est d’abord située au Shānxi, à Pingcheng (P’ing-tch’eng), l’actuelle Datong (Ta-t’ong) ; en 494, elle est transférée à Luoyang, qui connaît alors un nouvel essor. Les architectes de la nouvelle ville s’inspirent fortement du plan de Jiankang (l’actuelle Nankin), la capitale méridionale ; la population s’y trouve répartie en 220 quartiers (ou li) ; une auberge spéciale est réservée aux marchands d’Occident venus d’Asie centrale, et l’on y dénombre plus de 1 300 temples bouddhiques. Les souverains Wei se font, eux aussi, les défenseurs du bouddhisme, qu’ils déclarent religion d’État. En 533, l’empereur Xiaowu (Hiao-wou) fait paraître une autre édition du Tripitaka ; de nombreux moines indiens viennent alors prêcher la loi en Chine du Nord, et les fondations pieuses se multiplient.


Deuxième unification : les Sui (Souei) et les Tang (T’ang) [vie-ixe s.]

Vers la fin du vie s., les terres chinoises vont se trouver de nouveau réunies sous une même autorité. En 581, Yang Jian (Yang Kien), un ministre d’origine chinoise, parvient à rétablir à son bénéfice l’unité du Nord (de nouveau compromise par l’effritement de la dynastie des Bei Wei), et, en 589, ses armées s’emparent de Jiankang. Il fonde une nouvelle dynastie, celle des Sui, et règne sous le nom de Wendi (Wen-ti, 589-604).

Son fils et successeur Yangdi (Yang-ti, 605-616), pour sceller le rétablissement de l’unité, fait creuser le Grand Canal, qui permet désormais le transport des céréales des régions productrices du bas Yangzi en direction des centres consommateurs du moyen fleuve Jaune ; il éblouit par son faste et sa magnificence. Il se lance néanmoins dans une politique aventureuse en Corée et ne parvient pas à avoir raison des rébellions qui s’allument à l’est (à partir de 615). En 618, une famille d’officiers, celle des Li, prend le pouvoir et fonde la nouvelle dynastie des Tang, qui ne fera, d’ailleurs, que continuer l’œuvre de centralisation et d’unification.

Deux grandes figures sont à signaler durant les premiers temps de l’empire des Tang. Li Shimin (Li Che-min) — l’empereur Taizong (T’ai-tsong) de 627 à 649 — parvient à triompher aussi bien des Turcs que des armées de Yangdi ; il met tout d’abord son père, Li Yuan, sur le trône, mais c’est en fait lui qui exerce la réalité du pouvoir ; en 626, il supprime deux de ses frères (en qui il voit des rivaux), et son père, intimidé, abdique en sa faveur ; Li Shimin réorganise la monnaie et l’administration, et reprend la guerre contre les Turcs et les Coréens. L’impératrice Wu Zetian (Wou Tsö-t’ien, 683-705), femme secondaire de Li Shimin, puis de Gaozong (Kao-tsong, 650-683), fils de celui-ci, déclare d’abord son fils héritier, puis s’intronise elle-même. S’appuyant sur les grandes familles de l’Est, favorables à l’Église bouddhique, elle transfère sa capitale de Chang’an (Tch’ang-ngan) — auj. Xi’an — à Luoyang et entreprend à Longmen (Long-men), site déjà choisi par les Bei Wei, l’aménagement d’un vaste sanctuaire avec statues colossales taillées dans la falaise.

Au viie s. et pendant la première moitié du viiie s., la Chine des Tang est à son apogée. L’Empire doit compter alors 50 millions d’habitants (chiffre assez voisin de celui de l’époque Han). Chang’an (l’actuelle Xi’an) compte alors plus d’un million d’habitants ; elle forme un vaste rectangle de 9,7 km de long sur 8,6 km de large, entouré de remparts et sillonné de rues se coupant à angle droit ; on y trouve deux grands marchés, une cité administrative, réservée aux fonctionnaires, et, au nord, le palais impérial, qui donne sur un parc immense ; dans les environs sont aménagés plusieurs résidences de plaisance, un terrain pour jouer au polo ainsi que les grands tumulus où les souverains sont inhumés.

Si les centres vitaux de l’Empire sont de nouveau situés, comme sous les Zhou et les Han, dans les antiques régions du fleuve Jaune et de la rivière Wei, la région du bas Yangzi n’en continue pas moins à se développer, et le Grand Canal, amélioré à plusieurs reprises, reste l’artère primordiale qu’il a été sous les Sui. Le gouvernement cherche à étendre son autorité au nord-est, par des campagnes contre la Corée, au sud-ouest, en luttant contre la confédération du Nanzhao (Nan-tchao) au Yunnan (Yun-nan), et surtout au nord-ouest, en se substituant aux Turcs dans les oasis du Tarim. Les marchands profitent au premier chef de l’unification et de l’extension de l’Empire ; ils sont en relation aussi bien avec l’Asie centrale qu’avec les mers du Sud (une communauté importante de marchands musulmans s’installe à Canton, et l’on a retrouvé des monnaies arabes, perses et byzantines dans le sol d’un des marchés de Chang’an).

Fait capital, on assiste à l’essor d’une économie monétaire ; l’État n’arrive même pas toujours à frapper toute la monnaie nécessaire, et il est forcé parfois de recourir à la dévaluation, voire à la confiscation des cloches et des statues en bronze des temples bouddhiques. Les impôts sont prélevés en monnaie et non plus en nature ; les commerçants organisent des banques et utilisent un genre de lettre de change qui est une première forme de monnaie fiduciaire.