Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

chemin de fer (suite)

Développement du chemin de fer

En 1801 est délivrée la première autorisation pour la construction d’un chemin de fer public dont les voitures sont traînées par des chevaux sur les 16 km séparant Wandsworth de Croydon, en Angleterre. Sa mise en service n’a lieu que trois ans plus tard : le 27 septembre 1825, la locomotive Locomotion de Stephenson remorque le premier train à vapeur qu’ait jamais utilisé dans le monde une compagnie d’intérêt public. L’année suivante commence la construction de la première grande ligne spécialement établie pour l’exploitation des transports des marchandises et des voyageurs. Cette ligne de 58 km, reliant Liverpool à Manchester, est l’œuvre de George Stephenson et la plus remarquable de ses réalisations. Elle est inaugurée le 15 septembre 1830 et connaît un immense succès grâce aux progrès réalisés par la locomotive à vapeur, à laquelle Stephenson applique de nombreux perfectionnements, dont la chaudière tubulaire inventée en 1827 par le Français Marc Seguin (1786-1875). Les pays étrangers observent avec le plus grand intérêt les expériences et les réalisations qui s’accomplissent en Angleterre. Mais, tandis que le développement des chemins de fer britanniques est entièrement laissé aux soins d’entreprises privées, les choses se passent différemment selon les pays. La Belgique est la première à établir un réseau national de grandes artères, et l’État se charge de l’exploitation. L’Allemagne, formée à l’époque d’une juxtaposition de petits États, possède des lignes ferroviaires dépendantes du gouvernement de chaque État. En Russie, malgré la décision du tsar de laisser l’initiative aux intérêts privés, l’État doit montrer l’exemple et se charge de créer la ligne Saint-Pétersbourg-Moscou. Aux États-Unis, l’initiative reste aux compagnies privées, mais c’est le gouvernement qui fournit la majorité des capitaux. La construction se développe à un rythme accéléré, et c’est le chemin de fer qui permet le développement de l’Amérique et assure son expansion. En 1835, sur les 1 574 km de voies ferrées qui existent dans le monde, les États-Unis en possèdent 1 290. Le réseau ferré mondial s’élabore en quelques dizaines d’années, et la progression est très rapide. On compte 7 700 km en 1840, 790 000 en 1900 et 1 130 000 en 1955. Les voies ferrées sont très inégalement réparties sur le globe : 422 000 km en Amérique du Nord (dont 345 000 pour les seuls États-Unis), 258 000 pour l’Europe (sans l’U. R. S. S.). 130 000 pour l’U. R. S. S., 120 000 pour l’Asie (sans la partie soviétique), 100 000 pour l’Amérique du Sud, 75 000 pour l’Afrique et 20 000 pour l’Australie. Des réseaux ferrés denses, formés d’une armature de lignes principales sur lesquelles se greffent des relations de second ordre, n’existent que dans quelques régions au peuplement continu et à l’économie industrielle développée (Europe, États-Unis, Japon). Dans le reste du monde, des lignes isolées parcourent d’immenses espaces ; elles servent de base à la formation de réseaux locaux dans les régions où s’épanouissent les activités humaines, et les constructions se multiplient dans les États où l’économie industrielle se développe, notamment en Chine, en U. R. S. S., dans l’Inde et en Amérique latine. Au contraire, la tendance est à la réduction dans les pays qui furent les premiers équipés (États-Unis et Europe). Si les États-Unis ont conservé le régime des compagnies, un très grand nombre de pays ont créé des réseaux d’État ou nationalisé les anciens réseaux. C’est le cas de presque toutes les nations industrialisées.

Naissance et extension du chemin de fer en France

La première ligne est concédée par ordonnance royale du 26 février 1823, à la demande de Beaunier (1779-1835). Elle relie Saint-Étienne à Andrézieux (17 km environ) et est ouverte le 1er octobre 1828. Deux autres lignes sont concédées aux frères Seguin en 1826 et en 1828, pour les parcours de Saint-Étienne à Lyon par Rive-de-Gier et Givors et d’Andrézieux à Roanne. Ces lignes, ouvertes la première entre 1832 et 1833, la seconde en 1834, servent uniquement aux transports de la houille entre les mines de Saint-Étienne et la Loire, dans des wagons traînés par des chevaux. Ce n’est qu’en 1844 qu’on adopte définitivement entre Saint-Étienne et Lyon la traction à l’aide de locomotives à vapeur et que l’on y assure un service régulier de transport de voyageurs. Dix ans après l’ouverture de cette ligne, l’extraction du charbon a doublé dans le bassin de Saint-Étienne, et les industries s’y sont multipliées rapidement. La conception du réseau ferré français en étoile rayonnante autour de Paris est due à un haut fonctionnaire de Louis-Philippe, Victor Legrand (1791-1848). C’est lui qui, en 1835, accorde à Jacob Émile Pereire (1800-1875) la concession du premier chemin de fer aboutissant à Paris. Cette ligne, ouverte jusqu’au Pecq, est inaugurée le 26 août 1837. Les comparaisons que l’on fait alors entre les systèmes anglais (construction laissée à l’initiative privée) et belge (réseau national), les discussions et les hésitations qui s’ensuivent retardent les réalisations, et il faut attendre la charte de 1842 pour que se développent les compagnies et que se construisent les grandes lignes reliant la capitale aux grandes villes de France.

Sous le second Empire, l’essor du chemin de fer est foudroyant, en même temps que se réalisent d’heureuses fusions de compagnies. Les conventions de 1857 et de 1859 assurent l’intervention régulatrice de l’État. Après la guerre franco-allemande de 1870, de nombreuses petites lignes se construisent pour desservir toutes les sous-préfectures de France et la plupart des chefs-lieux de canton. Sous la IIIe République, la longueur du réseau passe de 17 440 km en 1870 à près de 50 000 km en 1914, se répartissant entre les compagnies du Nord, de l’Est, le Paris-Lyon-Méditerranée (P. L. M.), le Paris-Orléans (P. O.), le Midi et l’Ouest-État, cette compagnie résultant de la fusion des réseaux de l’Ouest et de l’État en 1908. La Première Guerre mondiale et la reconstruction qui s’ensuit, en imposant un effort énorme aux compagnies, rendent difficile leur équilibre financier. À partir de 1930, certaines petites lignes disparaissent sous l’influence de la concurrence routière, et la nationalisation complète du réseau intervient en 1937.