Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Charles XII (suite)

Débarquées dans l’île de Sjaelland, ses troupes vont mettre le siège devant Copenhague, lorsque le roi de Danemark signe la paix de Travendal (18 août 1700), qui rétablit le duc de Holstein-Gottorp dans tous ses droits. Dans cette première expédition, Charles XII montre cette grande intelligence, cette bravoure et cette folle audace qui vont assurer sa renommée et sa popularité auprès de ses soldats, les « Carolins ».

Après avoir battu le Danemark, le roi de Suède ne perd pas de temps et se tourne contre ses autres ennemis. Il passe en Livonie avec 20 000 hommes et va au-devant des Russes de Pierre le Grand, qui se sont retranchés au nombre de 80 000 derrière les murs de Narva. Là, le 30 novembre 1700, avec 10 000 Suédois, il s’empare de la ville, où 30 000 Russes périssent.


De Narva à Poltava

Narva fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le Nord, et la nouvelle s’en répand dans tout le continent, où les différents États qui s’engagent dans la guerre de la Succession d’Espagne essaient alors, mais sans succès, de s’attacher une si importante force et de faire de son chef, comme de son ancêtre Gustave-Adolphe, le champion des puissances protestantes contre Louis XIV. Charles XII ne se laisse pas séduire et dirige ses troupes contre le roi Auguste II de Pologne, qui s’empresse de lever le siège de Riga. Après avoir franchi la Dvina en juillet 1701, les Suédois remportent une victoire complète sur les Saxons.

Charles XII est à l’apogée de sa puissance, et l’un de ses ministres, Bengt Gabrielsson Oxenstierna (1623-1702), le conjure de conclure une paix qui ferait de la Suède l’arbitre du Nord et peut-être aussi celui de l’Europe. Mais le jeune prince a d’autres projets. Il poursuit le roi Auguste en Pologne, où les Suédois remportent la décisive bataille de Kliszów (1702). Après cette victoire, il dépose le roi et fait élire Stanislas Leszczyński roi de Pologne ; il poursuit ensuite Auguste jusque dans son électorat de Saxe, où il le force à signer le 24 septembre 1706 le traité d’Altranstädt, par lequel Auguste renonce au trône de Pologne et rompt son alliance avec les Russes.

À Altranstädt, une dernière fois, l’Angleterre sollicite Charles XII, mais en vain, car des tâches plus urgentes l’attendent. En effet, après Narva, Pierre Ier de Russie a réoccupé presque toutes les provinces baltes qui appartenaient à la Suède et, en Ingrie, il a fondé en 1703 la ville qui sera Saint-Pétersbourg. Aussi, les Suédois sortent-ils de Saxe en 1707 avec 43 000 hommes bien équipés ; 6 000 ont été laissés à Stanislas pour défendre son trône. Le dessein de Charles XII, c’est de frapper la Russie au cœur en s’emparant de Moscou, ambition qui sera aussi celle de Napoléon, puis de Hitler et dont tous deux, comme Charles XII, périront.

Après un succès contre les Russes près de Moguilev en Lituanie, le roi apprend que l’armée de renfort et le convoi de vivres que devait lui amener de Livonie le général Adam Ludvig Lewenhaupt (1659-1719) ont été décimés. C’est alors qu’avec des forces moindres que celles qu’il avait escomptées il infléchit sa route vers le sud, vers l’Ukraine, où Mazeppa, le chef des cosaques révoltés, lui a proposé son alliance. Mais le froid, les maladies, les privations affaiblissent son armée. Malgré tout, en 1709, Charles XII assiège Poltava ; une blessure reçue au siège l’empêche de prendre le commandement de son armée, lorsque Pierre le Grand arrive devant Poltava avec 70 000 hommes. C’est dans ces conditions que, le 8 juillet 1709, est livrée la célèbre bataille qui change la fortune du héros suédois et les destinées du Nord. Les Russes remportent une victoire complète.


La fin du règne

Charles XII est obligé de fuir jusqu’à Bender (auj. Bendery, U. R. S. S.) chez les Turcs, auxquels il demande asile. Durant cinq ans (1709-1714), tantôt allié avec les Turcs contre les Russes, tantôt brouillé avec eux, mais toujours leur prisonnier, il se débat dans les intrigues. Durant ce temps, les anciens vaincus mettent à profit son absence pour reprendre la lutte contre la Suède. Auguste déchire le traité d’Altranstädt et récupère son trône polonais, que le faible Stanislas défend mal. Pierre de Russie occupe de nouveau la Livonie, et le roi de Danemark débarque en Suède même, dans la province de Scanie.

La régence au pouvoir à Stockholm se met en mesure de défendre au moins le sol national, et le général Magnus Stenbock (v. 1665-1717), à la tête d’une milice composée de paysans, bat les Danois près d’Hälsingborg (févr. 1710) et les oblige à repasser le détroit. Mais les autres entreprises échouent ; quelques détachements ne réussissent pas à enrayer l’avance russe en Finlande, et Stenbock ne peut sauver les provinces suédoises d’Allemagne, des divergences avec le Conseil de régence l’en empêchant. L’absence de Charles XII et, partant, de l’unité de commandement se fait sentir, car, entre le roi et sa capitale, les courriers sont parfois interceptés ou bien certains mettent un an à faire le voyage.

En 1711, Charles XII a pourtant réussi à gagner l’alliance des Turcs contre Pierre Ier, qui est vaincu sur les rives du Prout, mais ensuite les négociations avec le grand vizir, qui traite avec les Russes, anéantissent les espérances du souverain suédois. Dès lors, celui-ci songe à regagner son pays. En 1714, il parvient à s’enfuir de Turquie et, après une folle équipée à travers l’Allemagne, arrive à Stralsund, dernière place forte suédoise sur le continent. Il essaie de la défendre jusqu’en 1715 contre une armée combinée de Danois, de Russes, de Saxons et de Prussiens. Après la perte de Stralsund, il revient en Suède et entreprend deux expéditions en Norvège pour affaiblir le roi de Danemark, qui en est le souverain.

Il caresse en même temps le projet de débarquer en Écosse pour y détrôner le roi George Ier, qui, en tant qu’Électeur de Hanovre, s’est déclaré contre lui. Son ministre Georg Heinrich Görtz (1668-1719) a même signé à Paris un traité avec les représentants du prétendant Stuart. Il a l’habileté de procurer au roi des ressources en créant une monnaie fictive adaptée au temps de crise ; il fait aussi lever des contributions extraordinaires, que le peuple paie avec difficulté et qui rendent ce ministre fort impopulaire.