Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Charles II (suite)

La succession d’Espagne

Les dernières années de Charles II sont assombries par les querelles qui surgissent dans toutes les chancelleries d’Europe au sujet de la succession espagnole. Trois prétendants entrent en lice : Philippe d’Anjou, fils du Dauphin de France et petit-fils de Louis XIV et de Marie-Thérèse, sœur aînée du roi d’Espagne ; l’archiduc Charles, second fils de l’empereur Léopold Ier et arrière-petit-fils de Philippe III d’Espagne ; enfin Joseph-Ferdinand de Bavière, petit-fils de Marguerite-Thérèse — elle-même sœur cadette de Charles II et épouse de l’empereur Léopold Ier — et fils de Marie-Antoinette et de Maximilien-Emmanuel, Électeur de Bavière. Marie-Thérèse ayant renoncé à ses droits aux termes de la paix des Pyrénées (1659), Charles II accorde sa préférence à Joseph-Ferdinand de Bavière. La mort prématurée de celui-ci (1699) l’oblige à changer ses projets. C’est alors que, dans son testament, il désigne comme successeur Philippe d’Anjou (2 oct. 1700), pensant que seule la France sera capable de garantir à la monarchie espagnole son intégrité. Quelques jours plus tard (1er nov. 1700) disparaît le dernier représentant en Espagne de la maison d’Autriche ; aussitôt, le pays se trouve engagé dans la guerre de la Succession, qui durera jusqu’en 1713.

R. G.-P.

 L. Pfandl, Carlos II (Madrid, 1947). / Duc de Maura, Vida y reinado de Carlos II (Madrid, 1954 ; 2 vol.). / J. Nada, Carlos the Bewitched, the Last Spanish Hapsburg (Londres, 1963).

Charles III

(Madrid 1716 - id. 1788), roi d’Espagne (1759-1788), roi (Charles Ier) de Parme et de Plaisance (1731-1735), roi (Charles VII) de Naples et de Sicile (1734-1759).


Fils de Philippe V (1683-1746) et d’Élisabeth Farnèse (1692-1766), Charles III succède sur le trône d’Espagne à son frère Ferdinand VI (1759), mort sans enfants. Il a alors quarante-trois ans. C’est la troisième couronne que porte ce souverain, puisqu’il a régné précédemment sur le duché de Parme, puis sur le royaume de Naples et de Sicile.


Le pacte de famille

Charles III arrive à Madrid en décembre 1759. Il trouve des sujets las de la longue agonie de Ferdinand VI et remplis d’espoir par sa venue, car les commentaires sur sa gestion à Naples sont extrêmement élogieux.

Au début de son règne, il garde les ministres de Ferdinand VI ; cependant, il place un Italien, Leopoldo de Gregorio, marquis d’Esquilache (1700-1785), aux Finances. Influencée par Choiseul, ministre de Louis XV, et par l’ambassadeur d’Espagne à Paris, Jérónimo Grimaldi (1720-1786), sa politique extérieure est immédiatement dirigée contre l’Angleterre, qui lutte alors contre la France dans la guerre de Sept Ans (1756-1763). Afin d’apporter son aide au pays voisin, Charles souscrit au pacte de famille de 1761, alliance offensive et défensive passée entre l’Espagne et la France, à laquelle viendront se joindre plus tard les Bourbons qui président aux destinées de Naples et de Parme. Ce pacte est également un traité économique destiné à contrebalancer le poids du bloc anglais. La rupture avec l’Angleterre, qui ne cesse de harceler les colonies espagnoles situées dans le Nouveau Monde, et avec le Portugal ne se fait pas attendre. Les Anglais s’emparent de La Havane et de Manille (1762), mais le traité de Paris (1763) rend à l’Espagne ce qu’elle avait perdu à Cuba et aux Philippines, tout en livrant à l’Angleterre la Floride. En échange, les Français donnent la Louisiane aux Espagnols. Le conflit avec le Portugal au sujet de la colonie du Sacramentel (dans l’actuel Uruguay) est résolu par le traité de San Ildefonso (1777), aux termes duquel l’Espagne reçoit ce territoire ainsi que les îles de Fernando Póo et d’Annobón, dans le golfe de Guinée, alors que le Portugal se voit attribuer les régions de Santa Catarina et du Rio Grande, au sud du Brésil.

Charles III tente de profiter de sa médiation bénévole entre l’Angleterre et les colonies britanniques de l’Amérique du Nord soulevées contre leur métropole pour récupérer Minorque et Gibraltar, devenues possessions anglaises depuis la guerre de la Succession d’Espagne (1713). Ses efforts n’aboutissant pas au résultat escompté, il s’allie de nouveau avec la France et prend Minorque par la force (1782). La reconnaissance par l’Angleterre de l’indépendance des États-Unis amène la signature du traité de Versailles (1783). L’Espagne recouvre Minorque, la Floride et d’autres territoires au Honduras et dans le Campeche (Mexique), mais elle doit renoncer à Gibraltar.


Le despotisme éclairé

C’est à cette époque que pénètrent en Espagne les idées des encyclopédistes français et le despotisme éclairé. Ce mouvement se fonde à la fois sur l’absolutisme monarchique et sur le profond désir d’apporter le bien-être par des réformes et par des progrès économiques et culturels.

Charles III, aidé par des ministres habiles et dévoués (entre autres le marquis d’Esquilache, le comte de Floridablanca José Moñino [1728-1808], l’économiste Pedro Rodríguez Campomanes [1723-1803], le comte d’Aranda Pedro Pablo Abarca de Bolea [1719-1798] et Gaspar Melchor de Jovellanos [1744-1811]), entreprend d’importantes transformations, dont un grand nombre lèsent les intérêts des classes privilégiées et du clergé. Il élargit l’aristocratie en anoblissant des membres de la classe moyenne, crée un régiment où le recrutement n’est plus fondé sur les quartiers de noblesse, mais uniquement sur le mérite, oblige les ecclésiastiques qui ne font rien à la Cour à regagner leur paroisse ou leur domicile, limite le pouvoir des juges diocésains et déclare les biens de l’Église soumis aux mêmes impôts que ceux des laïcs.

Cette politique fait des mécontents, auxquels vient se joindre le peuple, qui souffre depuis 1760 de la disette par suite de la sécheresse et qui en rend responsable l’Administration. Une ordonnance dictée par Esquilache et interdisant le port de la cape et du grand chapeau sous prétexte qu’ils permettent de dissimuler le visage met le feu aux poudres. L’émeute éclate quelques jours plus tard (mars 1766). Esquilache doit s’exiler, et le roi, bien qu’il ait annulé l’ordonnance, quitte Madrid pour aller s’installer à Aranjuez. Grimaldi remplace Esquilache, et le comte d’Aranda est nommé à la présidence du Conseil de Castille.