Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Charles II le Chauve (suite)

Seul l’appui du clergé, aidé de la chance, sauve le souverain : en 859, le clergé, sous la conduite de l’archevêque de Reims, Hincmar, contraint le roi de Germanie à la retraite ; en le débarrassant des empereurs Lothaire II (mort en 869) et Louis II (mort en 875), la chance agit en la faveur de Charles le Chauve, qui obtient d’abort la moitié occidentale de la Lotharingie par le traité de Meerssen, conclu avec Louis le Germanique le 8 août 870. Surtout, au terme d’une rapide expédition menée en Italie en accord avec le pape Jean VIII, il accède enfin à l’Empire. Sacré et couronné par le souverain pontife à Rome le 25 décembre 875, élu roi d’Italie par les grands de ce royaume en février 876, il semble sur le point de rétablir à son profit l’unité de l’Empire lorsqu’il envahit la Germanie à la mort de Louis le Germanique, le 26 août 876. Mais vaincu par Louis le Jeune à Andernach le 8 octobre 876, il renonce à la Francia orientalis pour se porter au secours de la papauté, menacée par les Sarrasins : aussi se rend-il en 877 en Italie, après avoir acheté le départ d’une nouvelle flotte normande qui ravageait les pays de la Seine et surtout après avoir réglé en juin 877, par le capitulaire de Quierzy, la marche du gouvernement pendant son absence. Mais en réservant par ce texte les droits des fils des comtes à l’éventuelle succession des fonctions paternelles, Charles le Chauve consacre en fait la division du royaume en de nombreuses principautés territoriales. La révolte de leurs chefs oblige d’ailleurs Charles le Chauve, qui est déjà en Italie (sept. 877), à repasser les Alpes, où il meurt le 6 octobre à la descente du mont Cenis.

P. T.

➙ Carolingiens.

 F. Lot et L. Halphen, Annales de l’histoire de France à l’époque carolingienne. Le règne de Charles le Chauve ; Ire partie, 840-851 (Champion, 1909). / H. Lévy-Bruhl, Étude sur les élections abbatiales en France jusqu’à la fin du règne de Charles le Chauve (A. Rousseau, 1913). / A. Giry, M. Prou, G. Tessier et coll., Recueil des acres de Charles II le Chauve roi de France (Imprimerie nationale et C. Klincksieck, 1943-1956 ; 3 vol.). / L. Halphen, Charlemagne et l’Empire carolingien (A. Michel, coll. « Évolution de l’humanité », 1947). / P. Zumthor, Charles le Chauve (Club français du Livre, 1957).

Charles III le Gros

(Neidingen 839 - id. 888), roi d’Alamannie (876-882), roi d’Italie (879-887), empereur d’Occident (881-887), roi de Germanie (882-887), roi de France (884-887).


Fils cadet de Louis le Germanique, qui l’envoie en vain au sud des Alpes barrer la route de Rome à Charles le Chauve en 875, Charles le Gros hérite à la mort de son père (août 876) de la Souabe (Alamannie), de l’Alsace et peut-être de la Rhétie ; en même temps, il reçoit la Lotharingie en indivision avec ses frères Carloman et Louis le Jeune.

Avec ses cousins Louis II le Bègue et Carloman, il combat en 880 Boson, qui s’est proclamé roi de Provence, et reçoit finalement le diocèse de Lyon ainsi que les provinces de Vienne, de Besançon et de Tarentaise. Après s’être abstenu de se rendre au concile de Troyes, où le convoquait le pape Jean VIII, désireux de recevoir son appui contre les entreprises menaçantes des musulmans et du duc Lambert de Spolète (août 878), Charles le Gros répond finalement à son appel en 879 après que son frère aîné Carloman lui eut cédé pendant l’été ses droits sur l’Italie du Nord, qu’il occupe en octobre et où il se fait reconnaître aussitôt comme roi. Après un bref séjour en Bavière, où il est allé recueillir avec Louis le Jeune l’héritage de leur frère Carloman, mort le 22 mars 880, Charles le Gros regagne l’Italie et entre à Rome, où Jean VIII le sacre empereur aux environs du 12 février 881, non sans lui avoir sans doute imposé au préalable la reconnaissance des droits de l’Église romaine.

Se désintéressant en fait de l’Italie du Sud, où il laisse désormais le pape seul aux prises avec les Sarrasins, Charles le Gros songe surtout à imposer son autorité en Italie du Nord, où il séjourne à plusieurs reprises, en Germanie, qu’il réunifie à son profit après la mort de Louis le Jeune, le 20 janvier 882, en Francia occidentalis, enfin, où l’archevêque de Reims, Hincmar, réclame le retour à l’unité de l’empire chrétien d’Occident, unité que semble avoir préparée la campagne commune (mais vaine) menée en Provence contre Boson en 880 par les forces de Louis III, de Carloman et de Louis le Jeune, auxquelles se sont jointes celles de Charles le Gros, venues d’Italie. Le décès du roi de France du Nord, Louis III (5 août 882), l’ultime appel que lance Hincmar aux rois carolingiens, auxquels il demande de restaurer la grandeur de la dynastie dans son De ordine palatii, où il brosse un tableau idéalisé de l’empire de Charlemagne, la nécessité enfin de faire appel à l’empereur pour lutter contre la grande armée normande, dont il achète d’ailleurs également le départ (paiement de tribut, cession de la Frise en bénéfice à Gotfrid), tous ces facteurs contribuent à la restauration de l’unité de l’Empire carolingien, qui devient effective à la mort de Carloman, le 12 décembre 884. Reconnu roi de Francia occidentalis par les grands du royaume, recevant leurs hommages à Ponthion en juin 885, Charles le Gros règne théoriquement sur la totalité de l’héritage carolingien. Brisant par l’arrestation la révolte de Hugues le Bâtard en Lotharingie et par l’assassinat celle de Gotfrid, duc normand de Frise, il remporte d’abord quelques succès. Mais, faute de moyens, il subit ensuite partout des échecs. En Germanie, d’abord, où il ne peut empêcher les grands de régler par les armes leurs querelles, que ce soit en Thuringe en 882 et en 883 ou en Bavière et en Pannonie, que les Normands ravagent de 882 à 884 et où il doit se contenter de confirmer dans sa charge le comte Aribo et de recevoir l’hommage de Svatopluk en 884. En Italie, après avoir renouvelé l’accord commercial qui unissait l’Empire à Venise en 880, puis en 883, il confisque vainement les biens de Gui de Spolète, que le pape Étienne V doit finalement adopter. Enfin, en France, il ne peut qu’acheter en octobre 886 le départ des Normands, qui assiègent vainement depuis novembre 885 la ville de Paris, défendue avec vigueur par le fils de Robert le Fort, le comte Eudes — futur roi de France —, auquel il confie alors le ducatus de la région parisienne.