Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Charlemagne ou Charles Ier le Grand

En lat. Carolus Magnus (742 - Aix-la-Chapelle 814), roi des Francs (768-814) et empereur d’Occident (800-814).



La jeunesse

Né avant le mariage de ses parents, Pépin le Bref et Bertrade, Charles apparaît pour la première fois dans l’histoire lorsque son père Pépin le Bref le charge d’aller au-devant du pape Étienne II, qui vient le rencontrer à Ponthion le 6 janvier 754. Quelques mois après, le jeune prince est sacré une première fois ainsi que son frère Carloman par le souverain pontife le jour même où celui-ci renouvelle à Saint-Denis, au bénéfice de leur père Pépin le Bref, l’onction sainte par laquelle saint Boniface avait fait de ce dernier l’élu de Dieu. Par ce geste spectaculaire, l’évêque de Rome « qualifiait la famille carolingienne tout entière et définitivement pour la royauté » (Louis Halphen) et fondait en droit le pouvoir à venir de Charlemagne, qu’il élevait en même temps, ainsi que son père et son frère, à la dignité de « patricius Romanorum ».


Le temps du partage : Charles et Carloman (768-771)

Malgré ces dignités, Charlemagne ne semble pourtant pas avoir joué un rôle politique important avant la disparition de son père (24 sept. 768), qui vient de lui léguer la majeure partie de l’Austrasie, de la Neustrie et la partie occidentale de la riche Aquitaine, Carloman recevant en compensation la fraction orientale de ce duché ainsi que la Provence, la Septimanie, la Bourgogne, l’Alsace, l’Alémannie et les territoires austrasiens et neustriens non compris dans le royaume de son frère.

Sacré une seconde fois à Noyon le 9 octobre suivant, alors que Carloman l’est à Soissons le même jour, Charles entre rapidement en conflit avec son frère qui, lors de l’entrevue de Duasdives (aujourd’hui Moncontour), refuse de l’aider à réprimer la révolte de l’Aquitaine, dirigée par Hunaud (769). Agissant seul, le jeune souverain réussit à venir à bout de son adversaire. Momentanément réconcilié avec Carloman, sans doute sous l’influence de sa mère Bertrade, Charles se trouve de nouveau en désaccord avec lui lorsque cette dernière l’amène à établir sur des bases pacifiques ses rapports avec le duc de Bavière Tassilon et surtout avec le beau-père de ce dernier, le roi des Lombards Didier (770). Répudiant alors sa première femme, la Franque Himiltrude, il épouse Désirée, la troisième fille de Didier, au grand mécontentement du pape Étienne III. Par ailleurs, cette politique inquiète Carloman, dont le royaume, moins cohérent que celui de Charles, se trouve dangereusement enserré entre les possessions de son frère et celles du roi des Lombards.

Afin d’apaiser le souverain pontife, Charles intervient auprès de Didier pour qu’il lui restitue les cités et les « patrimonia » contestés. Mais cette promesse n’ayant eu d’autre effet que de renforcer la position du Lombard à Rome, le roi franc répudie Désirée pour épouser une jeune fille de treize ans, Hildegarde, issue de la maison ducale alamanne (771). Cela ne peut qu’accentuer le conflit qui l’oppose à son frère, dont le royaume se trouve encore plus étroitement encerclé par les possessions de Charles. La mort de Carloman, le 4 décembre 771, empêche la guerre d’éclater et permet à son frère aîné de reconstituer immédiatement l’unité du regnum Francorum. En fait, pour parvenir à un tel résultat, il lui faut écarter du trône les deux fils en bas âge du défunt, qui se réfugient avec leur mère et tutrice à la cour du roi des Lombards, Didier ; ce dernier s’attache aussitôt à préparer un coup d’État en leur faveur dans le royaume franc afin d’éviter une intervention de Charles à l’est des Alpes.


Le conquérant

Refusant de sacrer les fils de Carloman comme le lui demande Didier, qui s’empare en même temps à son détriment de Faenza, de Comacchio et du duché de Ferrare, le pape Adrien Ier (de 772 à 795) fait appel à Charlemagne.

L’envoyé du souverain pontife rencontre le roi des Francs à Thionville en janvier 773. Retenu en Germanie par le danger saxon, celui-ci tente de négocier avec le roi des Lombards. Ayant échoué, il se résout à intervenir en Italie. Les troupes franques sont concentrées à Genève en mai 773 et franchissent les Alpes au col du Grand-Saint-Bernard et au col du Mont-Cenis. Très vite, elles s’emparent de Vérone, où elles capturent Adalgise, le fils du roi des Lombards, ainsi que la veuve de Carloman, Gerberge, et ses deux fils ; par contre, ce n’est qu’au terme d’un long siège (sept. 773 — juin 774) que Pavie capitule. Didier et les siens, enfin capturés, sont alors envoyés en captivité à Liège.

Plutôt que d’annexer le royaume de Didier, Charlemagne se proclame lui-même roi des Lombards : les actes officiels lui accordent à dater du 5 juin 774 le double titre de rex Francorum et Langobardorum, auquel il ajoute, dès le 16 juillet suivant, celui de patricius Romanorum, qui lui a été attribué par Étienne II en 754, au nom de qui il vient de se faire recevoir à Rome par Adrien Ier.

Respectant l’autonomie institutionnelle des Lombards, il se contente de nommer quelques comtes francs à la tête des grandes divisions administratives de ce royaume et de mettre à leur disposition la garnison de Pavie. À la fin de 775, le duc de Frioul se révolte pourtant, mais sa tentative est rapidement brisée et l’Italie du Nord définitivement soumise, bien avant que le duché de Bénévent ne soit réduit en 786-87 à la condition d’État tributaire.

Libre d’agir, Charlemagne peut reprendre la politique d’expansion et de pacification qu’il a entreprise antérieurement au nord et à l’ouest des Alpes. Brisant par la force les oppositions armées, pratiquant une politique de présence personnelle à la tête de troupes nombreuses pour empêcher toute révolte, s’efforçant enfin de donner satisfaction aux particularismes locaux dans le cadre unificateur du regnum Francorum, Charlemagne mène à bien l’achèvement territorial de ce dernier.