Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

chanteurs et chanteuses (suite)

Dans les pays de langue allemande

Dans les pays de langue allemande, de grands noms ont illustré le passé : Ludwig Fischer (1745-1825), le premier Osmin de l’Enlèvement au sérail (Vienne, 1782), Gertrud Mara (1749-1833), vedette internationale à la voix très étendue (sol grave au contre-fa), le baryton de l’Opéra de Vienne Johann Michael Vogl (1768-1840), ami et interprète de Schubert, Anna Milder-Hauptmann (1785-1838), créatrice de Fidelio (Vienne, 1805), Carolina Unger (1803-1877), premier contralto soliste de la 9e symphonie de Beethoven, Wilhelmine Schröder-Devrient (1804-1860), interprète de Weber et des premiers opéras wagnériens, et le soprano léger Henriette Sontag (1806-1854), première interprète de l’Euryanthe de Weber. L’école germanique devait encore s’affirmer avec Wagner, qui sut tirer parti de toutes les possibilités de la langue allemande et donner au chant, sans se référer au bel canto, une autre dimension.

C’est avec les opéras de Richard Wagner qu’une nouvelle génération de chanteurs s’imposa : les ténors Joseph Aloys Tichatschek (1807-1886), créateur de Rienzi (Dresde, 1842) et de Tannhäuser (1845), Albert Niemann (1831-1917), créateur de Tannhäuser (1861) à Paris, Ludwig Schnorr von Carolsfeld (1836-1865), premier titulaire avec sa femme Malvina Guarrigues (1825-1904) des rôles de Tristan et Isolde (Munich, 1865), et Georg Unger (1837-1887), créateur du rôle de Siegfried (Bayreuth, 1876) : le baryton Franz Betz (1835-1900), créateur des rôles de Hans Sachs (Munich, 1868) et de Wotan (Bayreuth, 1876) ; le ténor Heinrich Gudehus (1845-1909), premier Parsifal (Bayreuth, 1882) ; le contralto Marianne Brandt (1842-1921), qui chanta à Bayreuth et au Metropolitan Opera de New York ; enfin Lili Lehmann (1848-1929), qui, grâce à l’étendue, à la légèreté et à la puissance de sa voix, chanta plus de 170 rôles (de Mozart à Wagner) et acquit indiscutablement une renommée mondiale.

Au xxe s., de grands interprètes prirent la relève. Il est impossible d’en dresser la liste complète.

On peut cependant citer les ténors wagnériens Lauritz Melchior et Max Lorentz, les sopranos Lotte Lehmann, créatrice de nombreuses œuvres de Richard Strauss, Elisabeth Schumann (1885-1952), Erna Sack (née en 1908), et plus près de nous les ténors Wolfgang Windgassen et Ernst Haefliger, les sopranos Martha Moedl, Irmgard Seefried, Elisabeth Schwarzkopf et Astrid Varnay, le baryton Dietrich Fischer-Dieskau et la basse Otto Edelmann.


Dans les autres pays

Des artistes originaires d’autres pays connurent ou connaissent une renommée mondiale : la Portugaise Luísa Todi (1753-1833), la Suédoise Jenny Lind (1820-1887), élève de García et l’une des plus grandes interprètes du xixe s., la Tchèque Tereza Stolzová (1834-1922), célèbre interprète de Verdi, le baryton hollandais Anton Van Rooy (1870-1932), le Russe Fiodor Chaliapine (1873-1938), la plus illustre basse de tous les temps, l’Espagnole María Barrientos (1884-1946), la Norvégienne Kirsten Flagstad, la basse bulgare Boris Christoff, les Anglaises Kathleen Ferrier et Joan Sutherland, les Espagnoles Teresa Berganza et Montserrat Caballé, la Suédoise Birgit Nilsson, les Américaines Marian Anderson et Grace Bumbry et la Grecque Maria Callas, la plus grande tragédienne lyrique d’aujourd’hui. Helga Pilarczyk et Cathy Berberian consacrent leur talent à la musique contemporaine.

A. V.

 H. Prunières, l’Opéra italien en France avant Lulli (H. Champion, 1913). / J.-G. Prod’homme, l’Opéra (Delagrave, 1925). / R. Bouvier, Farinelli, le chanteur des rois (A. Michel, 1943). / A. J. Heriot, The Castrati in Opera (Londres, 1956). / R. Celletti, I Grandi Voci (Rome, 1965). / H. Pleasant, The Great Singers (New York, 1966). / R. Mancini, l’Art du chant (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1969).


Chanteurs et chanteuses de jazz

Permettant de communiquer avec l’auditeur de façon plus directe, plus immédiate, de rendre plus explicite ce qui, souvent, échappe dans le discours instrumental, le chant (en tout cas jusqu’à l’apparition du free jazz au début des années soixante) occupe une place essentielle dans l’histoire du jazz, dans la mesure surtout où cette musique — grâce aux chanteurs et aux chanteuses — a pu atteindre une dimension véritablement populaire et, de ce fait, dépasser les frontières d’une sorte de ghetto culturel.

Utilisant, outre des compositions originales, des romances et des airs à la mode qu’ils transforment ou adaptent de manière plus ou moins radicale (cette « jazzification » d’un quelconque matériau thématique comportant essentiellement un nouveau découpage rythmique et un enrichissement de la ligne mélodique), les chanteurs sont en grande partie responsables de la disparition ou de l’atténuation de certaines résistances du public, confronté avec un nouveau style de jazz qui vient bouleverser ses habitudes (auditives, esthétiques).

C’est la raison pour laquelle — en dehors des chanteurs de blues* et de negro spirituals* — la limite de la création jazzique (où s’arrête le jazz ? où commence la « chansonnette » ? et l’inverse) est difficile à préciser, surtout lorsqu’elle passe à travers l’œuvre d’un même artiste. On peut cependant considérer que l’histoire du jazz vocal suit celle du jazz instrumental, car, comme l’a écrit Joachim Ernst Berendt, « le jazz tout entier a des origines vocales et le jazz vocal tout entier a des origines instrumentales ».


1920-1930
Sous le règne d’Armstrong

Au début du jazz, outre d’innombrables spécialistes du blues (en majorité des femmes, d’ailleurs), les vocalistes sont surtout des duettistes, héritiers plus ou moins directs des minstrels du xixe s. (Butterbeans et Suzie, Coot Grant et Sox Wilson), et quelques instrumentistes (notamment le trombone Jack Teagarden et Red McKenzie, un virtuose du kazoo, sorte de mirliton utilisé dans les orchestres campagnards du sud des États-Unis) qui s’amusent à vocaliser un thème — et souvent de façon burlesque. Il n’y a à cette époque, en fait, qu’une véritable personnalité capable de transformer n’importe quel thème en une œuvre originale : Louis Armstrong*. Jamais assujetti à la mode ou au matériel thématique qu’il choisit, créateur à tout moment, il fut et reste l’exemple parfait du chanteur de jazz. Sans atteindre au génie d’Armstrong et moins passionnée qu’une Bessie Smith (dont toute la carrière, toute la vie furent consacrées au blues). Ethel Waters, elle, fut à l’origine, par le phrasé et le timbre, d’un style vocal assez proche de l’opérette, style qu’elle rendit populaire à force de charme et de swing.