Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Champlain (Samuel de) (suite)

Premiers voyages

La jeunesse de Champlain est mal connue : il sert dans l’armée royale, contre la Ligue, jusqu’en 1598, puis voyage en Espagne. D’après un manuscrit qu’il ne publiera pas et dont l’original n’a pas été conservé, il prétend avoir été aux Indes occidentales peu après : il ne s’agit sans doute, en fait, que d’un écrit destiné à la Cour et qui doit prouver sa connaissance de l’Amérique par une compilation de renseignements puisés à diverses sources. Toujours est-il qu’il participe à une première expédition commerciale, à titre privé : il part d’Honfleur le 15 mars 1603 avec François Gravé Du Pont (ou Dupont-Gravé), qui est chargé de développer le commerce des peaux avec les indigènes du Saint-Laurent. On fait escale à Tadoussac du 26 mai au 18 juin, sur la rive nord du fleuve, à l’embouchure du Saguenay, rivière que Champlain remonte pendant 12 lieues. Puis on gagne le site de Québec et les rapides situés en amont d’Hochelaga (Montréal). Après son retour en France (20 sept.), Champlain commence à se faire connaître en publiant une relation du voyage, Des sauvages.

Chargé peut-être par le roi d’un rapport géographique, il s’embarque à nouveau en 1604, avec Pierre Du Gua de Monts, qui vient d’obtenir le privilège de la traite, à charge pour lui d’établir soixante colons en Nouvelle-France. L’Acadie est choisie aux dépens du « Canada ». En chaloupe, Champlain explore la côte acadienne et préconise l’établissement sur l’île Sainte-Croix (auj. île Dochet, dans la rivière Sainte-Croix). Après un dur hivernage, il effectue, à partir du 17 juin 1605, une reconnaissance détaillée de tout le littoral de la future Nouvelle-Angleterre, au-delà du cap Cod. Le deuxième hivernage, dans le nouveau site de Port-Royal (Annapolis Royal), est moins pénible que le premier. Pendant l’été de 1606, Champlain retourne vers le sud, jusqu’à l’actuelle île de Martha’s Vineyard. Après un troisième hivernage (1606-07), pendant lequel les conditions matérielles sont devenues fort agréables, on apprend que le privilège de De Monts est révoqué : la petite colonie rentre en France.


La fondation de Québec et les grandes explorations

Nommé lieutenant de De Monts et enfin pourvu d’une fonction officielle, Champlain repart avec ce dernier pour le Saint-Laurent le 13 avril 1608. Venu de Tadoussac en barque, il établit une « habitation » au site de la pointe de Québec le 3 juillet. Après un hivernage au cours duquel le scorbut ravage le petit établissement (seize victimes sur vingt-cinq colons...), Champlain entreprend en juin 1609 la découverte du pays des Iroquois. Accompagnant divers ennemis de ces derniers (Algonquins, Hurons et Montagnais), il parvient par la rivière Richelieu jusqu’au grand lac auquel il a donné son nom. Son arquebuse terrifie les Iroquois et donne la victoire à ses alliés. Une nouvelle victoire sur les Iroquois est acquise en 1610. De retour en France cette même année, Champlain y signe en décembre son contrat de mariage. Après le nouveau séjour canadien de 1611, les mémoires qu’il rédige lui valent d’être nommé lieutenant du nouveau lieutenant général en Nouvelle-France, Charles de Bourbon, comte de Soissons. Mais ce dernier meurt peu après. La charge est transmise par Louis XIII au prince de Condé, Henri de Bourbon, qui portera le titre de vice-roi. Celui-ci confirme Champlain dans sa fonction (22 nov. 1612). La réputation du Saintongeais est encore accrue par la publication de ses Voyages (janv. 1613).

Embarqué à Honfleur en mars 1613, Champlain remonte, à partir de fin mai, la rivière des Outaouais (l’Ottawa) jusqu’au lac aux Allumettes (à la hauteur de l’actuelle Pembroke). Il reprend le chemin de l’Europe dès le mois d’août.

Son voyage de 1615-16 est marqué par sa plus grande exploration : à partir de juillet 1615, parti de la rivière des Outaouais, il atteint le lac des Népissingues (lac Nipissing), puis le lac Huron et franchit la partie orientale du lac Ontario. Avec ses alliés hurons, il tente sans succès d’enlever une place forte iroquoise au sud du lac Oneida (probablement près de Perryville, État de New York). Il passe l’hiver chez les Hurons, visite leur pays et revient enfin pendant l’été 1616 à Québec, d’où il s’embarque pour Honfleur.


Première colonisation

En France, Condé vient d’être arrêté, mais le nouveau vice-roi, le maréchal de Thémines, confirme Champlain dans sa charge. Un mémoire de février 1618 plaide encore pour la Nouvelle-France : Champlain y fait miroiter aux yeux du roi les immenses profits que donnerait une douane établie à Québec, sur la route encore espérée de l’Orient... Il reste cependant réaliste en traçant aussi le programme d’une véritable colonisation de la Nouvelle-France. Après un court séjour canadien (1618), il est retardé par des chicaneries avec les bénéficiaires de la traite, puis confirmé encore dans sa charge par le vice-roi, le duc Henri de Montmorency (1619).

À partir de 1620, il se consacre exclusivement à la mise en valeur de la Nouvelle-France. Il apaise les conflits entre les divers traitants français et parvient à établir un véritable protectorat sur les indigènes en obtenant de ces derniers qu’ils ne choisissent pour chef que celui qui est accepté par les Français. Il fait construire des chemins, multiplie les « habitations » ; en 1628, ses colons commencent à utiliser la charrue pour l’agriculture.

Après la vice-royauté du duc de Ventadour (Henri de Lévis), de 1625 à 1627, Richelieu prend la Nouvelle-France sous sa juridiction immédiate, et Champlain connaît, le 21 mars 1629, une nouvelle promotion en devenant « commandant en la Nouvelle-France en l’absence » [du cardinal] : sans en avoir formellement le titre, il devient en fait gouverneur du pays. Créée en 1627, la Compagnie des Cent-Associés, dont Champlain est membre, doit donner un nouvel essor au territoire. En fait, la guerre avec les Anglais vaut à Québec un blocus, qui met le poste au bord de la famine. Le 19 juillet 1629, son fondateur est contraint de livrer la place aux Anglais de Kirke. Le traité de Saint-Germain-en-Laye n’est signé qu’en 1632, et Champlain doit attendre le printemps de 1633 pour retrouver sa fonction en Nouvelle-France, relever Québec de ses ruines et recommencer son œuvre de mise en valeur. Mais sa santé décline rapidement en 1635, et il meurt à Québec le 25 décembre. Il laisse une colonie bien petite (150 personnes environ) si on la compare à celle de la Nouvelle-Angleterre (2 000 colons à l’époque). Elle n’en est pas moins à l’origine d’un peuple comptant plus de 6 millions d’âmes.

S. L.

➙ Canada / Québec.