Champagne (suite)
En fait, la Champagne a été l’un des principaux terrains d’expériences de l’architecture gothique. Les églises de Troyes, notamment, apportent un exemple de son évolution : du xiie s. reste une partie de l’église Sainte-Madeleine, qui conserve d’autre part un beau jubé de 1517 ; à la fin du xiiie s. se construisaient les arcs-boutants de Saint-Urbain, chef-d’œuvre du système gothique étudié pour contre-buter une force énorme ; l’architecte qui, au xve s., dota la cathédrale de ses beaux arcs-boutants à double volée reliée par une arcature trilobée s’est montré moins hardi ; à Troyes encore se distinguait la petite église Saint-Gilles, élevée en pans de bois à la fin du xive s., mais que la Seconde Guerre mondiale a détruite. De 1410 à 1470 a été bâtie l’église de pèlerinage Notre-Dame-de-l’Epine à Lépine, joyau du style flamboyant, complétée de 1520 à 1524 par ses chapelles rayonnantes. Plus anciennes, datant du xiiie s. et construites sans interruption, sont la vaste abbatiale de Mouzon (Ardennes), l’église bénédictine d’Orbais, élevée de 1180 à 1210, et l’église Saint-Yved de Braine, dont une tour massive domine la croisée du transept, relié au chœur par l’échelonnement de chapelles orientées à 45° ; plus anciennes encore, remontant à la fin du xiie s., sont les deux églises de Provins, Saint-Ayoul et Saint-Quiriace (à voûte octopartite sur le chœur). À la sévérité du style romano-gothique s’opposent la luxuriance de la chapelle cimétérale d’Avioth, la Recevresse, et l’ingénieux système des « clés pendantes » appliqué à Notre-Dame de Mézières. À la fin du xvie s. se manifeste l’influence classique : l’avant-porche de l’église d’Hermonville (Marne) évoque le narthex des anciennes basiliques.
L’architecture civile offre des solutions non moins intéressantes. La Renaissance a laissé de beaux hôtels à Troyes, à Sens, à Reims, à Langres, tandis que le château du Pailly (Haute-Marne) était transformé à partir de 1563 dans un style savant qui n’exclut pas l’opulence du décor. Du xviie s. sont la Place ducale de Charleville* (1611), les hôtels de ville de Reims (v. 1630) et de Troyes (1624-1670), le château de Montmirail, bâti en pierre et en brique. Au xviiie s. appartient l’hôtel des Intendants de Champagne à Châlons.
La sculpture champenoise, comme l’architecture, ressortit au style proprement français. Les statues-colonnes de Saint-Loup-de-Naud et de Châlons (ancien cloître de Notre-Dame-en-Vaux) dérivent de celles de Saint-Denis et de Chartres. Mais, à la cathédrale de Reims, la statuaire du xiiie s. va trouver son expression la plus haute, témoin le tympan du Jugement dernier, le célèbre groupe de la Visitation et l’Ange au sourire. Le beau Jugement dernier de Rampillon s’apparente au précédent. L’étude du réel, la sincérité dont témoigne cette sculpture se retrouvent au xve s. dans l’émouvant Christ de pitié de Saint-Nizier de Troyes. Mais bientôt l’italianisme est introduit en Champagne par Domenico Del Barbiere, dit Dominique Florentin (v. 1506 - apr. 1565), qui s’établit à Troyes et y forme notamment François Gentil (v. 1510-1588).
Les arts du décor se sont manifestés avec éclat dans le vitrail. Les églises champenoises en conservent de nombreux et précieux témoins depuis les xiie et xiiie s. jusqu’au xvie (première moitié surtout), époque particulièrement prolifique pour les verriers troyens, spécialistes des vitraux « légendaires » juxtaposant de nombreuses scènes au style d’imagerie familière.
G. J.
➙ Foire.
H. d’Arbois de Jubainville, Histoire des ducs et comtes de Champagne (A. Durand, Troyes, 1859-1869 ; 7 vol.). / F. Bourquelot, Études sur les foires de Champagne (Imprimerie impériale, 1865 ; 2 vol.). / M. Poinsignon, Histoire générale de la Champagne et de la Brie (Martin frères, Châlons-sur-Marne, 1885-1886 ; 3 vol.). / A. Babeau, l’Art de la Champagne (De Boccard, 1919). / R. Crozet, Histoire de la Champagne (Boivin, 1933). / G. Boussinesq et G. Laurent, Histoire de Reims (Matot-Braine, Reims, 1934 ; 3 vol.). / M. Crubellier et C. Juillard, Histoire de la Champagne (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1952 ; 2e éd., 1969). / R. Héron de Villefosse, les Grandes Heures de la Champagne (Perrin, 1971). / M. Crubellier (sous la dir. de), Histoire de la Champagne (Privat, Toulouse, 1975).