Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Champagne (suite)

En fait, la Champagne a été l’un des principaux terrains d’expériences de l’architecture gothique. Les églises de Troyes, notamment, apportent un exemple de son évolution : du xiie s. reste une partie de l’église Sainte-Madeleine, qui conserve d’autre part un beau jubé de 1517 ; à la fin du xiiie s. se construisaient les arcs-boutants de Saint-Urbain, chef-d’œuvre du système gothique étudié pour contre-buter une force énorme ; l’architecte qui, au xve s., dota la cathédrale de ses beaux arcs-boutants à double volée reliée par une arcature trilobée s’est montré moins hardi ; à Troyes encore se distinguait la petite église Saint-Gilles, élevée en pans de bois à la fin du xive s., mais que la Seconde Guerre mondiale a détruite. De 1410 à 1470 a été bâtie l’église de pèlerinage Notre-Dame-de-l’Epine à Lépine, joyau du style flamboyant, complétée de 1520 à 1524 par ses chapelles rayonnantes. Plus anciennes, datant du xiiie s. et construites sans interruption, sont la vaste abbatiale de Mouzon (Ardennes), l’église bénédictine d’Orbais, élevée de 1180 à 1210, et l’église Saint-Yved de Braine, dont une tour massive domine la croisée du transept, relié au chœur par l’échelonnement de chapelles orientées à 45° ; plus anciennes encore, remontant à la fin du xiie s., sont les deux églises de Provins, Saint-Ayoul et Saint-Quiriace (à voûte octopartite sur le chœur). À la sévérité du style romano-gothique s’opposent la luxuriance de la chapelle cimétérale d’Avioth, la Recevresse, et l’ingénieux système des « clés pendantes » appliqué à Notre-Dame de Mézières. À la fin du xvie s. se manifeste l’influence classique : l’avant-porche de l’église d’Hermonville (Marne) évoque le narthex des anciennes basiliques.

L’architecture civile offre des solutions non moins intéressantes. La Renaissance a laissé de beaux hôtels à Troyes, à Sens, à Reims, à Langres, tandis que le château du Pailly (Haute-Marne) était transformé à partir de 1563 dans un style savant qui n’exclut pas l’opulence du décor. Du xviie s. sont la Place ducale de Charleville* (1611), les hôtels de ville de Reims (v. 1630) et de Troyes (1624-1670), le château de Montmirail, bâti en pierre et en brique. Au xviiie s. appartient l’hôtel des Intendants de Champagne à Châlons.

La sculpture champenoise, comme l’architecture, ressortit au style proprement français. Les statues-colonnes de Saint-Loup-de-Naud et de Châlons (ancien cloître de Notre-Dame-en-Vaux) dérivent de celles de Saint-Denis et de Chartres. Mais, à la cathédrale de Reims, la statuaire du xiiie s. va trouver son expression la plus haute, témoin le tympan du Jugement dernier, le célèbre groupe de la Visitation et l’Ange au sourire. Le beau Jugement dernier de Rampillon s’apparente au précédent. L’étude du réel, la sincérité dont témoigne cette sculpture se retrouvent au xve s. dans l’émouvant Christ de pitié de Saint-Nizier de Troyes. Mais bientôt l’italianisme est introduit en Champagne par Domenico Del Barbiere, dit Dominique Florentin (v. 1506 - apr. 1565), qui s’établit à Troyes et y forme notamment François Gentil (v. 1510-1588).

Les arts du décor se sont manifestés avec éclat dans le vitrail. Les églises champenoises en conservent de nombreux et précieux témoins depuis les xiie et xiiie s. jusqu’au xvie (première moitié surtout), époque particulièrement prolifique pour les verriers troyens, spécialistes des vitraux « légendaires » juxtaposant de nombreuses scènes au style d’imagerie familière.

G. J.

➙ Foire.

 H. d’Arbois de Jubainville, Histoire des ducs et comtes de Champagne (A. Durand, Troyes, 1859-1869 ; 7 vol.). / F. Bourquelot, Études sur les foires de Champagne (Imprimerie impériale, 1865 ; 2 vol.). / M. Poinsignon, Histoire générale de la Champagne et de la Brie (Martin frères, Châlons-sur-Marne, 1885-1886 ; 3 vol.). / A. Babeau, l’Art de la Champagne (De Boccard, 1919). / R. Crozet, Histoire de la Champagne (Boivin, 1933). / G. Boussinesq et G. Laurent, Histoire de Reims (Matot-Braine, Reims, 1934 ; 3 vol.). / M. Crubellier et C. Juillard, Histoire de la Champagne (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1952 ; 2e éd., 1969). / R. Héron de Villefosse, les Grandes Heures de la Champagne (Perrin, 1971). / M. Crubellier (sous la dir. de), Histoire de la Champagne (Privat, Toulouse, 1975).

Champagne-Ardenne

Région économique groupant les départements des Ardennes, de l’Aube, de la Marne et de la Haute-Marne.


Elle couvre 25 600 km2 et rassemble 1 336 832 habitants. Son chef-lieu est Châlons-sur-Marne* (65 000 hab.), qui est la plus petite préfecture régionale de France ; mais trois agglomérations sont plus grandes que celle de Châlons : Reims* (200 000 hab.), Troyes* (130 000 hab.), Charleville-Mézières* (70 000 hab.).


Les paysages

La Région est située dans l’est du Bassin parisien, de part et d’autre de la plaine champenoise, s’étirant sur près de 300 km dans le sens nord-sud. Elle comprend ainsi plusieurs unités géographiques distinctes :
— à l’ouest, une petite partie des plateaux de Brie et du Tardenois ;
— la côte de l’Île-de-France, qui porte le vignoble champenois ;
— la riche plaine de Champagne crayeuse (de 70 à 200 m d’altitude), qui s’étend en arc de cercle sur trois départements ; elle se termine à l’est par une côte très effacée, qui ne prend de l’ampleur que tout au sud, dans le pays d’Othe ;
— la plaine de Champagne humide (de 100 à 180 m), étroite au nord de Vitry-le-François (Vallage d’Argonne), qui s’épanouit dans le vaste cône alluvial du Perthois et se poursuit assez élargie au sud, où elle demeure très boisée (forêts du Der, d’Orient, d’Aumont) ;
— au nord, une série de dépressions humides, de plateaux étroits et boisés et de côtes qui forment les crêtes préardennaises ; à l’extrémité occidentale de celles-ci se trouve une petite partie du bocage de Thiérache ; les crêtes précèdent le massif ancien de l’Ardenne, qui forme un plateau boisé s’inclinant doucement vers le sud (500 m au nord), éventré de Mézières à Givet par la vallée industrielle de la Meuse, aux profonds méandres ; entre ces deux ensembles se trouve un sillon évidé dans des terrains tendres, emprunté par la grande voie ferrée Valenciennes-Thionville et par la Meuse en amont de Mézières ;
— à l’est, le petit massif boisé de l’Argonne, modelé dans des grès (la gaize) et qui marque une nette limite topographique et climatique (maximum 303 m) ;
— enfin, au sud-est, un vaste ensemble de plateaux calcaires boisés et céréaliers qui s’élèvent lentement jusqu’aux environs de Langres, y atteignant 516 m ; ces plateaux sont interrompus dans le sens sud-ouest - nord-est par quelques petites plaines discontinues au pied des côtes ; tout à l’extrémité sud-est, ces dernières dominent une dépression herbagère qui annonce la Lorraine méridionale (Bassigny). Ces plateaux sont morcelés par les hautes vallées de la Seine, de l’Aube et de la Marne.