Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

chambres à traces

Instruments servant à détecter des particules élémentaires et à analyser leurs propriétés.


Ils permettent de procéder à des constatations de natures variées concernant en particulier :
— la présence de particules chargées électriquement ;
— le parcours de la particule, notamment son aptitude à traverser des écrans de matière ;
— éventuellement la courbure de la trajectoire en présence d’un champ magnétique, donc le signe de la charge électrique et la quantité de mouvement de la particule ;
— la présence de particules neutres décelée par l’apparition de particules chargées produites dans un choc ou à la suite d’une désintégration ;
— l’origine commune de plusieurs particules issues d’un événement unique.


Chambres à brouillard et chambres à bulles


Chambre de Wilson

La chambre à brouillard, inventée en 1912 par C. T. R. Wilson, est l’ancêtre des chambres à traces. Le recul d’un piston assure la détente d’une vapeur saturante contenue dans la chambre. La vapeur refroidie se trouve alors en état de sursaturation, et, si une particule chargée traverse à ce moment la chambre, elle y produit des ions* qui provoquent l’apparition de gouttes liquides. Ces gouttes matérialisent la trajectoire de la particule, qui peut être enregistrée par photographie. On peut déclencher la détente et commander la photographie sur l’indication de compteurs de particules placés au voisinage de la chambre.

Une version perfectionnée, due à Langsdorf (1936), est la chambre à diffusion, qui opère en continu et non pas au seul déclenchement de la détente : ici, la variation de température s’établit dans un mélange de gaz et de vapeur provenant de deux zones où ils se trouvent liquéfiés.


Chambre à bulles

Au contraire de la chambre de Wilson, la chambre à bulles, inventée par Glaser en 1952, matérialise les trajectoires des particules par l’apparition de bulles de gaz dans un liquide surchauffé.

L’usage des chambres à bulles a, pour l’essentiel, remplacé celui des émulsions photographiques nucléaires, qui, sous l’impulsion de C. F. Powell, avaient permis la découverte des pions et celle des particules* étranges. Les chambres à bulles ont le grand avantage d’être employées en présence d’un champ magnétique qui permet de courber les trajectoires, donc d’évaluer la quantité de mouvement des particules. De plus, elles permettent de disposer d’un grand pouvoir absorbant grâce à l’utilisation de liquides lourds. On peut, notamment, associer l’hydrogène liquide, intéressant comme cible, au néon, utile comme absorbant.

Le fonctionnement d’une chambre à bulles est cyclique ; sa période est de l’ordre de la seconde, et il comprend successivement :
— une phase de chauffage du liquide jusqu’à dépasser le point d’ébullition, en maintenant une pression supérieure à la pression de vapeur saturante ;
— une phase de diminution rapide de la pression, durant laquelle le liquide est surchauffé, ce qui permet l’apparition de bulles à l’emplacement des ions ;
— une phase de compression intervenant assez vite pour éviter l’ébullition généralisée.

Le champ magnétique est assuré par des électro-aimants dont l’importance est comparable à ceux d’un cyclotron ou, mieux encore, par des bobinages supraconducteurs.

Le dépouillement des clichés obtenus en photographiant les trajectoires au moment de la formation des bulles est accompli à l’aide de systèmes de lecture très automatisés et dont la complexité est à la mesure des centaines de milliers ou des millions de clichés qu’il faut analyser dans une seule expérience.

Pour l’étude des particules de très grande énergie, on est amené à construire des chambres de très grandes dimensions, ayant une dizaine de mètres cubes de volume utile.

Parmi les chambres à bulles à liquides légers (hydrogène, deutérium, hélium), qui sont des cibles simples pour l’étude des particules, mais qui exigent toutes les ressources de la cryogénie, citons la chambre à bulles à hydrogène liquide « Mirabelle », construite en France, d’une hauteur totale de 15 m et pesant 2 000 t.

Parmi les chambres à bulles à liquides lourds (propane, néon, xénon, etc.), la chambre à bulles « Gargamelle », construite en France, est prévue pour un remplissage au fréon (CF3Br) ou au propane.


Chambres à décharge dans les gaz


Chambre à étincelles

La trajectoire d’une particule est ici rendue visible par l’apparition d’étincelles, à l’emplacement où la particule a créé des ions dans le gaz de remplissage (un gaz rare), sous l’action d’un fort champ électrique. À cet effet, l’indication de passage de la particule étant donnée par des compteurs, on applique alors pendant une fraction de microseconde une impulsion de haute tension entre des électrodes.

Une chambre présentant la finesse d’analyse de la chambre à bulles et acceptant, comme cette dernière, un remplissage en hydrogène servant de cible aux particules est la nouvelle chambre à dards (à streamers), due à P. Rice-Evans (1969). Ici, la décharge se développant une dizaine de fois plus vite que l’avalanche produite par l’ionisation initiale fait apparaître des « dards » parallèlement au champ électrique. On observe ainsi des points lumineux dans un plan perpendiculaire au champ électrique.

Mais le repérage des traces dans les chambres à étincelles ne s’effectue pas seulement par des méthodes visuelles (photographiques). Ces appareils se prêtent aussi à des méthodes automatiques de codage des coordonnées des points des trajectoires. On fait appel :
— à l’utilisation de tubes à images ;
— à la détection du bruit de l’étincelle (chambres soniques) ;
— au quadrillage de l’espace de la chambre par un jeu de fils qui constituent les électrodes.

La chambre à étincelles à fils a été découverte au Cern par F. Krienen (1961). Ici, il s’agit de détecter sur les fils l’emplacement où s’est produite une étincelle. Deux méthodes principales ont d’abord été employées pour localiser l’impulsion électrique induite sur des fils :
— l’impulsion est détectée dans une mémoire à tores de ferrites ;
— l’impulsion est détectée par magnétostriction dans un fil spécial croisant les fils-électrodes, système économiquement avantageux pour les chambres géantes.