Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Chalon-sur-Saône (suite)

Les quais de Saône et l’île Saint-Laurent constituent un cadre empreint de noblesse et d’harmonie : ils portent la marque de l’urbanisme du xviiie s. Le centre des affaires n’a pourtant pas tiré profit de cet ensemble prestigieux. Il s’ordonne autour de la place de l’Obélisque, au nord de la ville médiévale, à la croisée des voies qui la desservent et du boulevard qui mène à la gare. Le décor urbain date là de la fin du siècle passé et témoigne de l’activité de la ville à cette époque.

La poussée urbaine a négligé longtemps les rives de la Saône : vers l’ouest, le canal et la voie ferrée créaient des coupures, cependant qu’au nord-est, et sur la rive gauche, prairies marécageuses et zones inondables décourageaient les efforts des constructeurs. Vers le nord au contraire, sur la terrasse sèche, l’extension était facile : au centre commercial succèdent des quartiers résidentiels et des installations industrielles, les verreries de Bourgogne par exemple.

Chalon connaît depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale un développement rapide : les destructions ont été vite réparées, et la ville a vu croître à la fois son rôle commercial et son activité industrielle. Elle est remarquablement desservie par les voies modernes : le chemin de fer est complété par l’autoroute Paris-Lyon-Méditerranée, cependant que la Saône reçoit les plus gros chalands. Des usines importantes ont été décentralisées là (Kodak par exemple). Le comblement du canal, un programme routier ambitieux ont permis de faire disparaître les contraintes de site et d’assurer l’extension urbaine dans un cadre aéré.

P. C.

➙ Bourgogne / Saône-et-Loire (départ. de).

Chamberlain

Famille qui a joué dans l’histoire de l’Angleterre contemporaine un rôle capital par la succession au pouvoir du père, Joseph, et des deux fils, Austen et Neville. Entre 1880 et 1940, rares sont les gouvernements où n’a pas siégé un Chamberlain ; leur influence s’est imposée même hors du gouvernement.



Joseph Chamberlain
(Londres 1836 - Birmingham 1914)


Famille et jeunesse

Originaire du Wiltshire, la famille Chamberlain s’était installée dans le courant du xviiie s. à Londres, où le père de Joseph avait trouvé le moyen de s’enrichir et de devenir un notable de la Cité. De cette lignée bourgeoise, travailleuse et économe, marquée par le puritanisme non conformiste (la famille appartenait à la secte unitarienne), « Joe » tirera toujours un vif orgueil, beaucoup plus que s’il avait pu se réclamer d’une ascendance aristocratique.

Avec ce parvenu, et qui est fier de l’être, c’est une nouvelle génération d’hommes politiques qui revendique le droit de cité en Angleterre. Le jeune Joseph n’a ni bénéficié d’une éducation raffinée ni été à l’Université (ce qui ne l’empêchera pas d’acquérir une vaste culture). Son école politique, c’est la vie, celle du monde des affaires et celle de la gestion municipale. De là son allure d’intrus dans le sanctuaire de Westminster, jusque-là réservé à l’élite, de là aussi ses apparences d’iconoclaste qui introduit des manières politiques nouvelles, une combativité brutale, voire agressive.

À la base de sa fortune, lorsqu’il s’installe à Birmingham à la tête d’une fabrique de vis et d’écrous, il y a l’astucieux achat de brevets américains, récemment présentés à Londres, qui révolutionnent les techniques de fabrication. Le flair commercial, la perspicacité technique, l’esprit de décision du jeune manufacturier portent rapidement leurs fruits : à l’âge de trente-huit ans, Chamberlain est en mesure de se retirer des affaires et de vendre sa part d’associé dans l’entreprise pour 120 000 livres sterling (3 millions de francs-or).


Le radical

C’est en 1869 que commence la carrière politique de Joseph Chamberlain : cette année-là, il est élu conseiller municipal de Birmingham. Actif dans la réorganisation du parti libéral local, il en devient l’un des leaders. En même temps, il se passionne pour la question scolaire : porte-parole des non-conformistes, il combat l’Église établie, qu’il déteste, et se fait l’avocat d’un enseignement neutre donné à tous. Mais son zèle réformateur va bien plus loin. Porté à la mairie de Birmingham en 1873, réélu à deux reprises, il se jure qu’on ne reconnaîtra bientôt plus sa ville. En quelques années se multiplient les réalisations municipales : démolition des taudis, percées nouvelles et espaces verts, municipalisation du gaz et de l’eau, extension des égouts, développement du musée et des bibliothèques. Modèle pour tous les réformateurs sociaux, Birmingham donne l’exemple d’une ville où une administration énergique, animée d’un souci démocratique, fait partager à tous un orgueil civique fondé sur des réalisations spectaculaires.

Chamberlain s’est acquis une réputation de « rouge » par son radicalisme avancé, par des revendications jugées incendiaires (« la liberté de l’Église, la liberté de l’école, la liberté de la terre, la liberté du travail ») et peut-être plus encore par son flirt avec le républicanisme, qui scandalise la bonne société autant que la reine Victoria. Aussi, quand il est élu au Parlement en 1876 à la faveur d’une élection partielle à Birmingham, est-il accueilli avec appréhension à Westminster. Mélange de brutalité et de souplesse, d’orgueil et de perspicacité, Chamberlain s’impose comme un debater de premier ordre, à l’éloquence claire, concise, vigoureuse. Il introduit un nouveau style de parole, qui allie aisance, élégance et puissance, et dont la rigueur et la précision se situent loin des envolées rhétoriques et parfois pompeuses d’un Gladstone ou d’un John Bright. Organisateur de la machine du parti libéral, le Caucus, il est l’un des artisans du succès électoral de 1880 : on l’a appelé « le Carnot de la victoire libérale ».

Devenu membre du gouvernement Gladstone en tant que ministre du Commerce (1880-1885), Chamberlain paraît à tous les observateurs l’homme qui monte dans le parti libéral. Chef incontesté de l’aile radicale du parti, suivi passionnément par tous les radicaux du pays, l’ancien « maire rouge » s’impose peu à peu comme le « dauphin » de Gladstone. Ses réalisations au ministère du Commerce comptent moins que ses interventions dans la question d’Irlande, où, opposé à la politique de force, il négocie avec Parnell une détente (traité de Kilmainham, 1882) et élabore un projet d’autonomie modérée et limitée pour les Irlandais. Chamberlain joue aussi un grand rôle dans la réforme électorale de 1883.