Châlons-sur-Marne (suite)
L’agglomération a crû longtemps à un rythme élevé (de l’ordre de 3,5 p. 100 par an, l’un des plus forts du Bassin parisien), fortement ralenti au début des années 70. Il s’agit d’une population à revenus plutôt modestes, car les emplois créés n’exigent pas une grande qualification ; 45 p. 100 sont ainsi occupés par des femmes. Par ailleurs, Châlons doit partager ses fonctions régionales avec Reims, dont l’expansion lui enlève aussi une partie de sa clientèle commerciale. Mais les deux villes sont de plus en plus solidaires, et les migrations du travail sont actives dans les deux sens. L’ouverture de l’autoroute pourrait, à terme, en faire un véritable doublet.
R. B.
➙ Champagne-Ardenne / Marne (dép. de la).
Châlons-sur-Marne, ville d’art
La cathédrale et les églises de Châlons présentent une importance notable pour l’étude du passage de l’architecture monastique romane à l’architecture gothique.
En 1147, saint Bernard avait prêché la deuxième croisade en une première cathédrale, détruite, à l’exception d’une tour, par un incendie en 1230 ; l’édifice était reconstruit dès la fin du siècle. Comme toutes les grandes églises du domaine royal, Saint-Étienne comporte un triforium, chemin de ronde courant au-dessous des grandes verrières. Les chapiteaux des colonnettes formant son arcature — à claire-voie — sont vus de bas en haut, et presque sans recul ; l’esprit logique des maîtres d’œuvre conjura les déformations perspectives en réduisant les saillies et en augmentant la hauteur des « corbeilles » : exemple typique de cette subordination de la forme réelle à l’effet. Le vitrage de la cathédrale comporte quelques éléments réemployés du xiie s., plusieurs verrières du xiiie et celles qu’exécutèrent au xvie s. les ateliers troyens.
La belle église Notre-Dame-en-Vaux, élevée vers 1130, s’écroula partiellement en 1157 et fut reconstruite pour l’essentiel dans la seconde moitié du siècle. Comme à Saint-Remi de Reims, des voûtes gothiques remplacèrent la couverture en charpente de la nef, et le chœur reçut des chapelles rayonnantes. L’architecte de Notre-Dame paraît avoir tiré profit de l’expérience rémoise : il a conçu les arcs-boutants de sa nef de manière à créer pour eux, à différents niveaux, de véritables culées se lestant l’une l’autre. Il n’a pas été moins habile à couvrir les aires rayonnantes du déambulatoire de voûtains trapézoïdaux, dont les nervures sont portées par d’élégantes colonnettes. L’église conserve de remarquables vitraux du xvie s. (Couronnement de la Vierge d’après Dürer, 1526). Des fouilles effectuées de 1963 à 1967 sur l’emplacement de l’ancien cloître, démoli dans le courant du xviiie s., ont permis de reconstituer notamment plus de cinquante statues-colonnes qui en formaient les supports. L’ensemble représentait un programme iconographique ambitieux, mis en œuvre vers 1160-1180 (Châlons, dépôt des Monuments historiques).
La petite église Saint-Jean-Baptiste, dont la nef remonte aux xie et xiie s., se recommande par la charpente d’une extrême légèreté enjambant sa nef. Les fermes en sont raidies par deux contre-fiches courbes croisées qui s’opposent au fléchissement. L’église Saint-Alpin (xiie et xvie s.) conserve, avec de beaux vitraux en grisaille de style raphaélesque, celui qui figure l’entrevue du saint éponyme avec Attila.
L’architecture classique est brillamment représentée par l’ancien hôtel des Intendants (v. 1760), devenu préfecture, par l’hôtel de ville (1771) et par l’ancien hôtel des Finances, converti en bibliothèque municipale. Non loin de la préfecture se dresse la porte Sainte-Croix, construite en six semaines, en 1770, pour l’entrée triomphale de la Dauphine Marie-Antoinette.
G. J.
G. Maillet, la Cathédrale de Châlons-sur-Marne (Laurens, 1946).