Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

chaîne de montagnes (suite)

La marque de la trame structurale

• La zonation du relief des chaînes de montagnes. Elle est en étroit rapport avec leur architecture géologique : chaque zone se définit par un style morphologique commandé en grande partie par le type de déformations tectoniques (plis de couverture, nappes de charriage, plis de fond, etc.), lui-même conditionné par le contenu lithologique (séries sédimentaires rigides ou plastiques, unités métamorphiques, etc.).

Or, la nature lithologique des séries plissées est le fidèle reflet des modalités de leur genèse. Autrement dit, en dernière analyse, la zonation du relief des chaînes de montagnes est une lointaine conséquence de la paléogéographie.

À cet égard, une distinction fondamentale doit être établie entre les chaînes géosynclinales et les chaînes intracontinentales. Ces dernières, incluses dans les socles continentaux, naissent sur l’emplacement de bassins subsidents de forme allongée, qui sont le siège d’une épaisse sédimentation de calcaires, marnes ou argiles, et qui correspondent à l’effondrement prononcé d’un panneau de socle. Lors du plissement, les mouvements verticaux, auxquels participe le socle, ont autant d’importance que les poussées latérales ; selon que la couverture présente ou non des variations d’épaisseur liées à une subsidence différenciée pendant la phase sédimentaire et que la surrection du socle est plus ou moins énergique, la zonation est plus ou moins marquée : ainsi, dans les Pyrénées, le relief de la zone axiale, fragment de socle hercynien, s’individualise nettement par rapport à celui des plis de couverture qui la flanquent au nord et au sud. Dans les monts Ibériques, en revanche, le socle n’affleure qu’à la faveur de quelques boutonnières ouvertes par l’érosion, et seule la présence de bassins d’effondrement permet de distinguer une branche castillane d’une branche aragonaise, au style de relief pourtant très comparable.

Les chaînes géosynclinales sont engendrées dans des zones particulièrement instables de l’écorce terrestre, localisées à la marge des masses continentales consolidées. Là se forment des fosses très profondes où les venues magmatiques se mêlent fréquemment aux sédiments pélagiques qu’affecte plus ou moins le métamorphisme (zones internes). La bordure du continent n’est pas épargnée par ces graves perturbations : une fosse moins profonde s’y constitue généralement où la sédimentation présente des aspects différenciés en fonction de l’inégale subsidence (zones externes). Dans les édifices qui naissent de la compression de ces systèmes géosynclinaux et dont l’architecture tectonique est d’autant plus complexe que le serrage est plus intense, la zonation est donc bien marquée. Une coupe à travers les chaînes du nord de la Grèce en donne un bel exemple : aux reliefs tabulaires des îles de la mer Ionienne succèdent, dans les chaînes littorales, un relief calqué sur des plis souples, puis de lourds bombements faillés de calcaires karstifiés (massif du Gavrovo), la chaîne finement ciselée du Pinde et, au-delà d’un grand couloir molassique, une mosaïque de blocs cristallins à couverture rigide (Olympe) retombant sur la plaine d’effondrement de Thessalie.

• Le relief de chaînons orientés. Caractéristique à l’échelle du massif, il résulte de la mise en valeur par l’érosion différentielle de la structure plissée. Il n’est pas toujours évident, soit que la roche, éminemment plastique, se soit plutôt froissée que plissée, soit que la dissection par le réseau hydrographique d’une série lithologiquement homogène ait effacé toute influence de la trame plissée.

Dans les plis de couverture souples à couches alternativement dures et tendres, le relief peut être classé en trois types : conforme, dérivé et inversé. S’il est demeuré conforme aux données de la tectonique, comme dans le Jura par exemple, les chaînons correspondent à des anticlinaux (monts) et les vallées à des synclinaux (vaux). Mais l’érosion, après avoir crevé la carapace résistante des anticlinaux, creuse dans les terrains tendres sous-jacents des dépressions appelées « combes », que dominent des crêts. Dès lors, le relief est de type dérivé : les chaînons correspondent soit à des monts, dont certains dégagés par l’érosion au sein des combes, soit à des crêts, et les vallées soit à des vaux, soit à des combes, ou encore à des dépressions monoclinales logées entre un crêt et un mont dérivé. Tel est le type de relief des Baronnies dans les Préalpes du Sud. Lorsque, enfin, les roches tendres sont suffisamment épaisses, l’érosion peut avoir progressé très vite dans les combes et avoir mis en saillie les fonds de synclinaux, auxquels on donne alors le nom de « vaux perchés ». Le relief est alors inversé. Le massif de la Chartreuse illustre parfaitement ce type de relief.

Lorsque les poussées ont été plus énergiques, les plis sont souvent compliqués de failles plus ou moins chevauchantes. Il en résulte des reliefs dissymétriques, les escarpements de chevauchement. Dans les structures rigides, ce type d’accidents devient prépondérant et peut engendrer un relief d’écailles, blocs plus ou moins dissymétriques délimités par des failles inverses, dont l’Apennin calcaire donne un bon exemple.

Certains massifs présentent un relief de dômes et de cuvettes : des chaînons courts, monts ou crêts, divergent de dômes anticlinaux et entourent des cuvettes synclinales ou des combes grossièrement circulaires. Lié à des structures à anticlinaux et synclinaux courts, ce type de relief est réalisé dans le massif préalpin du Diois par exemple.

Les formes développées en structure charriée sont d’une grande diversité : chaque nappe de charriage imprime en effet au paysage un cachet particulier en fonction de sa nature lithologique et de son style tectonique. Parfois, le relief de la nappe, régulièrement plissée, ne se distingue en rien de celui qui caractérise les plis de couverture autochtones : c’est le cas de la nappe des Préalpes médianes dans le massif du Chablais. Cependant, les efforts tectoniques enregistrés par les nappes sont souvent si intenses que les accidents s’y sont multipliés, particulièrement dans les séries rigides : les Préalpes calcaires des Alpes orientales sont un véritable chaos de blocs au sujet duquel on a proposé l’expression de « style en glaçons ». Lorsque le matériel charrié présente à l’origine une structure lenticulaire, les décollements se généralisent et engendrent un grand désordre tectonique : dans ces conditions, le relief semble échapper à toute analyse logique. Tel est le cas des nappes de flysch du Campo de Gibraltar, où des chicots rocheux surgissent çà et là d’un moutonnement de collines sur lesquelles flottent des paquets gréseux.