Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Céphalopodes (suite)

De mœurs totalement différentes, les Cranchia se comportent comme des ballons dérivants, et on les a même comparés à des bathyscaphes car, dans leur corps très dilaté où se produit une rétention d’ions ammonium qui assure la flottabilité, une compartimentation d’un type inhabituel isole des sortes de ballasts dont la compression, de nature péristaltique, chasse l’eau vers les branchies. Dolents, les Cranchia se meuvent par de faibles mouvements des nageoires, mais, en cas de danger, c’est à la propulsion par jet qu’ils ont recours.

Dans les fonds sablonneux, les petites Sépioles et les Rossia, plus sédentaires, chassent à l’affût en se recouvrant de sable.


Alimentation

Le régime alimentaire de la plupart des Céphalopodes n’est connu que par l’examen, toujours insuffisant, de leur contenu stomacal ; mais les proies de ces animaux exclusivement carnassiers — à l’exception d’une espèce dans laquelle on n’a trouvé que des Algues — varient avec l’âge des individus. Ce sont des Crustacés (Copépodes, Amphipodes, Décapodes), des Mollusques (Ptéropodes, larves méroplanctoniques), des Annélides (Tomopteris), des Chétognathes et, chez les grandes espèces surtout, des congénères ou des Poissons. Les modes de capture des proies varient. Certains Ommastrephes s’attaquent aux Thons ; les Illex illecerebrosus pourchassent les jeunes Maquereaux et les tuent d’une morsure en arrière de la tête. La Seiche chasse les Crevettes sur les fonds de sable.

Comme le montrent les nombreuses coquilles accumulées à l’entrée d’un « terrier » de Pieuvre, celle-ci consomme de très nombreux Mollusques, qu’elle ouvre ou dont elle brise la coquille. À l’égard des Crabes, son comportement est différent, car selon les circonstances elle saisit l’animal par la pointe de ses bras ou s’abat sur lui en écartant tous ses bras, ce qui tend la membrane qui relie leur base. C’est là une sorte de pêche à l’épervier. Le Crabe plaqué au sol est paralysé par la sécrétion très active des glandes salivaires, sécrétion qui semble être dirigée sur lui, mais non inoculée. La Pieuvre rompt la carapace à sa jonction avec l’abdomen et absorbe les tissus lysés. Les membres, non brisés, sont abandonnés, vides de leur contenu. Le bec de la Pieuvre a raison de gros Crustacés (Homards) ; son venin semble être plus actif que celui de la Seiche. Les Nautiles doivent en être dépourvus.

Chiroteuthis lacertosa pêche au fanal et à la ligne. Ses tentacules très longs et fins portent chacun un organe lumineux à leur pointe. Ces organes pourraient agir comme des leurres pour les proies, qui, arrêtées par les ventouses tentaculaires, sont ramenées vers la bouche comme par une ligne.


Reproduction

Les Céphalopodes sont tous unisexués et ils ne possèdent guère d’appareil copulateur de type classique. Les spermatozoïdes, contenus dans des étuis fort complexes, ou spermatophores, pouvant atteindre 18 centimètres (Architeuthis), sont transférés à la femelle par un bras modifié, l’hectocotyle, ou par deux hectocotyles. Chez le Nautile, un groupe de quatre tentacules internes transformés représente le spadix, ou organe copulateur. C’est ce spadix qui dépose les spermatophores sur une zone homologue, mais lamelleuse, de la couronne tentaculaire interne de la femelle.

Le bras hectocotylisé se situe selon les animaux à droite ou à gauche ; c’est par exemple le quatrième bras gauche (Seiche, Calmar) ou le troisième droit (Octopus, Elédone).

L’accouplement est souvent un acte brutal, violent, et l’on en connaît trois modalités. Dans un premier cas (Seiche, Calmar de la Méditerranée), le mâle saisit la femelle par la tête et dépose ses spermatophores sur la membrane buccale. Les spermatophores s’évagineront dans le tube digestif, et les spermatozoïdes gagneront le réceptacle séminal. Dans le second cas, le mâle vient au côté ventral de sa partenaire et l’enlace de ses tentacules, puis il introduit les spermatophores dans la cavité palléale (Calmar d’Amérique). Le troisième cas se voit chez les Sépioles. Le mâle retourne la femelle sur le dos et dépose aussi les spermatophores dans la cavité palléale.

Le mâle de l’Argonaute, qui est vingt fois plus petit que la femelle, doit agir d’une autre façon ; son hectocotyle se détache et se meut de façon autonome.

Les femelles des Céphalopodes meurent souvent après avoir pondu. Les œufs sont en général de taille petite ou moyenne, bien que ceux du Nautile atteignent 4 cm de long. Ils sont fixés en touffes, en grappes, en cordons ou en amas parfois volumineux aux algues ou aux anfractuosités des roches. Ceux des Pieuvres font l’objet de soins de la part de la mère. Les larves qui éclosent de ces œufs, presque toujours très différentes des adultes, mènent une vie planctonique plus ou moins longue ; celles des Pieuvres doivent vivre fort peu de temps dans le plancton.


Changement de couleur et de forme

À l’inverse des formes de profondeur, dont la teinte reste uniforme, beaucoup de Céphalopodes des couches moins profondes ont un tégument riche en chromatophores, plus particulièrement sur leur face dorsale, ce qui leur permet d’harmoniser leurs teintes avec celles du fond ou de changer de couleur. Les chromatophores sont de petits sacs à paroi élastique d’où s’irradient des prolongements musculeux ; ils contiennent des pigments jaunes, orangés, rouges, bruns ou violets. En l’absence de toute contraction musculaire, l’élasticité de ces poches les ramène à un volume minimal, d’où l’état clair du tégument ; mais par contraction elles s’agrandissent et le pigment s’étale, provoquant l’état coloré. Les modifications de l’état des chromatophores sont sous contrôle nerveux et vraisemblablement aussi hormonal.

On interprète en général les changements de couleur des Pieuvres, des Seiches comme l’expression d’un désir de camouflage. En fait (Packard et Saunders, 1969), ce comportement est plus complexe. En grandissant, une Pieuvre perfectionne ses moyens d’expression. On a reconnu chez les Pieuvres adultes des états très différents : « aspect chronique », ou « phases uniformes », avec corps finement tacheté ; « aspects aigus », brefs, avec posture caractéristique ; « ressemblance aiguë avec le milieu » ; « aspect flamboyant », « aspect dymantique », ou « démoniaque »... Même aveuglées, des Pieuvres adultes peuvent réaliser tous ces aspects.