Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Cendrars (Blaise) (suite)

Entre deux voyages, entre deux aventures, il trouve le temps de produire une œuvre abondante, en grande partie autobiographique. « Je ne trempe pas ma plume dans un encrier, mais dans la vie. » Il rapporte, par souci de littérature, mais préoccupé de l’authenticité de son témoignage, ses voyages et ses expériences diverses, tellement hors de l’ordinaire qu’elles semblent le fruit d’une imagination intarissable. Mais c’est bien la vie dont il est toujours question dans l’œuvre de Cendrars : « Vivre est une action magique. Vivre. » C’est en cela que la vie est poésie et qu’elle devient naturellement poème, indissociable du poème inséparable de la vie.

Cet homme de mouvement, qui a pu dire « seule l’action libère », n’est cependant pas sans s’interroger sur le sens de cette activité constante qui n’est pas l’agitation d’un homme cherchant à s’y perdre. Au-delà des pays qu’il traverse, des gens qu’il rencontre, cet homme du « monde entier » cherche le « cœur du monde ». Il recherche la permanence de l’être par-delà toutes les différences qui le fascinent, mais qui ne le détournent pas de sa volonté de ne pas se laisser prendre par la « roue des choses », de trouver « la vérité de l’homme », « le sens véritable de la vie ». Étrange paradoxe, aussi, que ce « bourlingueur » prenne la plume. « Pourquoi j’écris ?... parce que », dit-il. Peut-être parce qu’il désire communiquer ses expériences et manifester encore par l’écriture son goût de la vie, que la vie ne suffit pas à satisfaire (l’Or, 1925 ; Moravagine, 1926 ; Rhum, 1930 ; l’Homme foudroyé, 1945 ; Bourlinguer, 1948 ; le Lotissement du ciel, 1949). La littérature n’est jamais pour lui qu’une aventure supplémentaire, qui a seulement l’inconvénient de le tenir enfermé dans une pièce.

Bien que Cendrars n’ait jamais appartenu à aucune école, il a marqué de son influence la vie littéraire de son époque, plus particulièrement lorsqu’il écrivit les Pâques à New York (1912) et la Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France (1913). On a pu dire qu’Apollinaire s’était inspiré de ce dernier poème pour corriger « Zone ». Quoi qu’il en soit, Cendrars a contribué à l’élaboration de cet « esprit nouveau des poètes » qui fait du poème, du roman, du récit un art d’écrire comme on parle.

M. B.

 J. H. Levesque, Blaise Cendrars (Nouv. Revue critique, 1948). / L. Parrot, Blaise Cendrars (Seghers, 1948). / J. Buhler, Blaise Cendrars, l’homme et l’œuvre (Fischbacher, 1961). / Blaise Cendrars, 1867-1961 (Mercure de France, 1962). / J. C. Lovey, Situation de Blaise Cendrars (la Baconnière, Neuchâtel, 1965). / M. Poupon, Apollinaire et Cendrars (Lettres modernes, 1969). / A. T’Serstevens, l’Homme que fut Blaise Cendrars (Denoël, 1972).

censure

Examen préalable ou a posteriori auquel une autorité gouvernementale ou administrative soumet les journaux, les livres ou les spectacles et à la suite duquel il en interdit ou limite, éventuellement, la diffusion ou la représentation.


La censure proprement dite consiste en un contrôle organisé, préalable et systématique d’un moyen d’expression avant sa diffusion, mais s’y rattachent des mesures a posteriori, telles qu’interdiction ou saisie. Dans beaucoup de législations actuelles, la censure est conçue comme une mesure exceptionnelle réservée à des cas où une action préventive ou immédiate s’avère nécessaire dans l’intérêt général. Les restrictions apportées au rôle de la censure sont la conséquence du droit à la liberté d’expression, droit garanti par la Constitution de la plupart des États modernes. Cependant, la censure retrouve vigueur en cas de troubles graves de la vie nationale, par exemple en temps de guerre. En temps de paix, son régime diffère selon qu’il s’agit de la censure préalable ou d’un contrôle a posteriori.


La censure préalable

À l’époque contemporaine, elle apparaît limitée et n’a, généralement, été conservée que pour la protection de la décence et des bonnes mœurs.

En France, alors que, sous la monarchie, toute publication devait être soumise à un corps de censeurs royaux, le contrôle préalable a peu à peu disparu de la législation sur les moyens d’information. La charte de 1830, puis la loi du 29 juillet 1881 ont garanti la liberté de la presse. Depuis 1881, la censure préalable des écrits a disparu. Mais la création de journaux et de périodiques est astreinte à déclaration. Les œuvres littéraires, musicales, photographiques, audiovisuelles, etc., sont astreintes au dépôt légal. La censure sur le théâtre fut supprimée par une ordonnance du 13 octobre 1945, mais elle n’était plus pratiquée depuis qu’en 1906 le législateur avait supprimé du budget le traitement des censeurs. Le cinéma demeure un cas d’exception : le décret du 27 janvier 1956 (complété par un décret du 18 janvier 1961) stipule qu’aucun film ne peut être représenté sur le territoire français s’il n’a obtenu un visa décerné par le ministre des Affaires culturelles, après avis d’une commission de contrôle. Cette commission n’a qu’un rôle consultatif. La loi ne prévoit pas les critères de censure, mais ceux qui sont traditionnellement admis portent sur la moralité des films : 137 films ont été interdits sous la ive République. Le système d’interdiction aux mineurs de moins de treize ans ou même parfois de moins de dix-huit ans vise à protéger plus spécialement les jeunes devant un moyen de diffusion considéré comme exerçant une grande influence sur le public.

Une autre survivance de la censure concerne également la protection des mineurs ; elle porte sur les publications principalement destinées aux enfants et aux adolescents. La loi du 16 juillet 1949 complétée par une loi de novembre 1954 précise que ces publications ne doivent comporter « aucune illustration, aucun récit [...] présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous actes qualifiés crimes ou délits ou de nature à démoraliser l’enfance ou la jeunesse » ; s’y ajoutent les insertions tendant « à inspirer ou entretenir des préjugés ethniques ». Cinq exemplaires des publications visées doivent être déposés au ministère de la Justice pour être soumis à une Commission de surveillance et de contrôle. L’article 14 de ce même texte (article modifié par une ordonnance du 23 décembre 1958 et une loi du 6 janvier 1967) vise les « publications de toute nature présentant un danger pour la jeunesse en raison de leur caractère licencieux ou pornographique ou de la place faite au crime » et non plus seulement destinées à la jeunesse. Une interdiction de vente aux mineurs ainsi que de toute publicité peut être décidée par le ministre de l’Intérieur ; en outre, la saisie des publications avant toute poursuite judiciaire est possible. Lorsqu’un éditeur a été frappé trois fois en douze mois par cette interdiction, il est tenu pendant cinq ans à un dépôt préalable de ses publications au ministère de la Justice.

Par ailleurs, la loi des 16 et 24 août 1790 soumet à l’autorisation préalable des maires la représentation de « spectacles de curiosités » sur le territoire de leur commune.