Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Afrique noire (suite)

Dans l’histoire, les royaumes d’Ife et du Bénin sont liés par des traditions politiques et artistiques. L’essor du Bénin vers le xiiie s. a commencé avec la fondation d’une nouvelle dynastie par un prince yorouba venu d’Ife. C’est également d’Ife que vint, à cette époque, Igue-igha, le fondeur qui apprit aux Binis l’art du bronze. Organisés en corporations et habitant des quartiers réservés de la ville royale, les artistes binis ont façonné des objets divers en ivoire, en fer, en bois et en perles, mais ce sont surtout les statues, les têtes et les plaques en bronze qui témoignent de l’évolution de leur art. Jusqu’à la fin du xive s., l’art du Bénin était encore tributaire d’Ife. Les œuvres des xve et xvie s., créées sous les règnes des rois Ewuare et Esigie, sont d’une facture très fine et légère. Les têtes des reines mères, attribuées à la première moitié du xvie s., sont de tendance « naturaliste » malgré la stylisation des yeux, des oreilles et du nez. La fécondité de la période qui s’étend de la fin du xvie s. au commencement du xviiie s’explique par les rapports établis entre le Bénin et les Portugais, et par des modifications dans la situation politique. Ce qui domine cette période, c’est l’affirmation solennelle de la personne royale : les œuvres consacrées à sa gloire, d’abord harmonieuses, sont devenues de plus en plus lourdes, l’accent étant porté sur la décoration, les insignes et la dimension plutôt que sur la qualité plastique de la représentation. Le déclin des arts du bronze s’amorce dès la fin du xviiie s. Depuis l’expédition punitive des Anglais en 1897, il ne reste pratiquement rien du palais du Bénin, dont les galeries étaient soutenues par des piliers en bois recouverts de plaques en bronze.

Les pierres d’Esié, au Nigeria, ainsi que des sites au Mali et en Mauritanie devraient être mentionnés pour terminer ce bref parcours archéologique de l’Afrique.

L’art pariétal africain

Au Sahara, dans le Hoggar, le Tibesti et l’Ennedi, de nombreuses peintures et gravures exécutées sur les parois des grottes ou sur des auvents rocheux ont été relevées. La datation absolue de ces œuvres est fort difficile : la superposition des peintures, grâce à laquelle on peut distinguer des périodes, ne permet qu’une approche relative ; l’analyse d’éléments thématiques — bovidés, chevaux, scènes villageoises, chasseurs et guerriers — renvoie à notre connaissance de l’assèchement du Sahara. Les dates limites ainsi établies pour toute la série s’étendent du Ve millénaire jusque vers 1200 avant notre ère. L’identité des auteurs reste également problématique : le type de personnage représenté, les éléments de coiffure et de parure, les vêtements et les arcs suggèrent toutefois un rapport avec les populations noires d’aujourd’hui. À la station d’Aouanrhet, dans le Tassili, on trouve une représentation de danseur masqué ; à la station de Séfar, une frise présente trois masques. D’autres peintures pariétales, qui dateraient de 4500 av. J.-C., ont été récemment découvertes dans la province du Katanga, au Congo-Kinshasa. Le sud de l’Afrique est riche en gravures et en peintures rupestres, le style, le coloris et l’âge variant selon la région. Seules les œuvres les plus récentes, notamment dans le massif du Brandberg, seraient dues aux Bochimans du désert du Kalahari.


Arts et peuples

La production artistique traditionnelle de chaque peuple africain manifeste un ensemble de traits constants qui relèvent autant des principes d’agencement esthétique que des matériaux et des techniques mis en œuvre. Difficiles à définir au moyen du langage verbal, certains traits, môme les plus distinctifs, peuvent être partagés par plusieurs peuples en raison d’une histoire commune, d’une situation écologique similaire, de leur voisinage ou de leurs échanges socio-économiques. Ces mêmes raisons peuvent être à la base d’oppositions stylistiques et de sous-styles. Toujours est-il que l’identification de certaines œuvres par leur seul style est très malaisée, voire impossible. La notion de région stylistique, qui serait l’espace social étendu dans lequel un ensemble de peuples s’expriment par leurs œuvres plastiques, devrait éventuellement permettre la localisation de nombreux objets et la définition des principes qui ont présidé à leur création.

Les auteurs des œuvres les plus connues de la savane soudanaise, en bordure méridionale du Sahara, sont d’une part les Bambaras, les Bozos, les Dogons de la boucle du Niger et, plus au sud, les Sénoufos, d’autre part les Lobis, les Mossis, les Bobos et les Kouroumbas des régions voltaïques. Le style dominant de la statuaire en bois des Bambaras, des Dogons et des Sénoufos est à tendance géométrisante, privilégiant les lignes verticales du tronc d’arbre originel. Les ancêtres mythiques aux bras levés des Dogons et les grandes statues-pilons des Sénoufos en sont de bons exemples. Par contre, la statuaire lobi, qui représente souvent des personnages en mouvement, des figures assises, accouplées, des têtes de profil, s’écartant ainsi de la loi de frontalité assez caractéristique de la statuaire soudanaise, paraît appliquer des principes plus naturalistes dans sa figuration de l’homme. Bien que certains masques dogons soient peints, par exemple le grand masque dit « à étages », ceux des peuples voltaïques s’affirment plus spécialement comme des œuvres destinées à la polychromie. Les masques bobos (bwas), à têtes en forme de disque muni d’un bec de calao et surmonté d’une haute planche, sont découpés, ajourés et gravés de motifs décoratifs pour être ensuite peints. Les célèbres sommets de coiffure bambara figurant des antilopes sont traités plutôt en deux dimensions, s’opposant ainsi aux antilopes polychromes des Kouroumbas, traitées en ronde bosse. Plus à l’est, dans la région de la Bénoué, les œuvres des Tivs, des Jukuns, des Marnas, des Montols, des Chambas et des Mumuyés manifestent une continuité avec la tradition plastique soudanaise. Pourtant, il faudrait remarquer dans leur travail, surtout celui des Mumuyés, une tendance à affirmer des relations plus complètes de l’œuvre avec le milieu environnant au moyen des rapports de pleins et de vides articulés à l’intérieur de l’espace sculptural total.