Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

cavernicole (faune)

Ensemble des organismes vivant dans les cavernes, organismes pour la plupart animaux, puisque les végétaux, exception faite des Bactéries, de certains Champignons et de certaines Algues (bleues ou rouges), ne peuvent se passer de lumière.



Diversité

La population des cavernes est très hétérogène, formée d’espèces appartenant aux groupes les plus divers, entrées sous terre à des époques et par des voies différentes, et ayant, par ailleurs, subi des changements physiologiques ou éthologiques extrêmement variés qui leur permettent de survivre dans ce domaine particulier, caractérisé par une assez grande uniformité des conditions d’existence : température constante de l’air et des eaux d’infiltration, calme de l’air, se renouvelant avec une vitesse presque insensible, constance du degré hygrométrique de l’air et enfin obscurité totale, celle-ci n’ayant pas l’influence déterminante que voulurent lui attribuer les premiers auteurs.

On peut distinguer trois grandes catégories éthologiques.


Les troglobies

Ce sont les espèces le plus étroitement adaptées à la vie dans le milieu souterrain, où elles sont cantonnées. Elles ne peuvent ni vivre ni se reproduire ailleurs. Elles présentent un ensemble de caractères communs : dépigmentation, cécité partielle ou absolue, atrophie des ailes, allongement du corps et des appendices, ralentissement plus ou moins accentué du métabolisme, etc. Les troglobies sont essentiellement représentés par des Arthropodes, des Vers ou des Mollusques. Les Vertébrés troglobies sont peu nombreux : une quarantaine de Poissons et quelques Batraciens Urodèles.

Tous les troglobies ne sont pas comparables entre eux. Les uns ont de très proches parents dans la faune extérieure actuelle : certains Coléoptères (Trechus, Bathysciola), beaucoup d’Aranéides, d’Isopodes terrestres, etc. Ces espèces se différencient par certains caractères résultant de l’isolement. Ce sont en somme des troglobies récents.

D’autres n’ont plus aucun proche parent dans la faune extérieure actuelle. Ce sont des survivants de lignées anciennes disparues ; l’intensité de leurs caractères évolutifs montre qu’ils sont soumis depuis très longtemps à l’influence des conditions particulières du milieu souterrain, auquel ils sont si étroitement adaptés qu’ils ne pourraient plus vivre ailleurs. Ces troglobies anciens, ou troglobies reliques, sont les plus importants dans la faune cavernicole. En raison des nombreux problèmes phylogénétiques et paléogéographiques que suscite leur étude, on peut, avec René Jeannel, les qualifier de « fossiles vivants », puisqu’ils nous éclairent sur l’histoire des continents au cours des temps géologiques.


Les troglophiles

Ces espèces recherchent le milieu relativement froid et humide des grottes, où elles peuvent vivre et se reproduire. Les troglophiles peuvent se rencontrer dans le milieu extérieur lorsqu’ils y trouvent des conditions analogues : celliers, caves, dessous de pierres, mousses, litière des forêts, etc. Si certains se reproduisent indifféremment dans le milieu extérieur et dans le milieu souterrain, d’autres ne se reproduisent que dans les cavernes (Gryllacrides, Chauves-Souris*), ne quittant le domaine souterrain que pour aller à la recherche de nourriture (végétaux ou Insectes suivant leur régime).

Cependant, certaines associations sont si bien spécialisées que les espèces qui les composent peuvent ne plus se retrouver au-dehors : cas d’espèces vivant dans le guano (dites « guanobies »). On ne peut qualifier celles-ci de troglobies, car elles sont sous la dépendance biologique d’un autre animal, en l’occurrence la Chauve-Souris. La démarcation entre troglophiles et troglobies est donc parfois difficile.


Les trogloxènes

Ce sont des hôtes occasionnels et d’origines diverses. Les uns recherchent les cavernes et y pénètrent volontairement par hygrotaxie ou phototaxie : Diptères, Phryganes, Papillons, Aranéides, parfois excessivement abondants, mais qui appartiennent tous à un petit nombre d’espèces, toujours les mêmes. Ils sont considérés comme des « trogloxènes réguliers ».

D’autres sont introduits par hasard dans les grottes, parfois à l’état d’œufs ou de larves, qui trouvent là des conditions suffisantes pour achever leur développement. Ce sont des « trogloxènes irréguliers » (Diptères, Collemboles ou Acariens éclos de larves développées dans les débris ligneux introduits du milieu extérieur).

Enfin, certains sont des animaux égarés, tombés dans les avens ou entraînés sous terre par les eaux de ruissellement. Ce sont des « trogloxènes accidentels ». Appartenant aux espèces les plus variées, ils trouveront le plus souvent de quoi s’alimenter, mais ils sont condamnés à mourir prisonniers, et leur cadavre sera la proie de la population cavernicole.

La biospéléologie, ou étude de la vie dans les grottes, se réfère en général uniquement aux troglobies ou bien aux animaux dont la troglophilie est si accentuée qu’on peut presque les considérer comme troglobies.


Origine de la faune des cavernes

En raison de l’uniformité très grande des conditions météorologiques, les diverses associations vivant ensemble dans les cavernes se mêlent plus ou moins sur les confins de leur habitat. L’air des cavernes étant souvent saturé de vapeur d’eau, les animaux aquatiques (Niphargus, Cœcosphœroma) peuvent sortir de l’eau et se rencontrer avec les terrestres. Inversement, des animaux menant une vie aérienne peuvent pénétrer dans l’eau. Des Isopodes terrestres et même des Diplopodes courant sur le sol peuvent pénétrer, sans ralentir leur course, dans les flaques d’eau.

Le peuplement des cavités souterraines artificielles semblait, en tant qu’expérience naturelle, pouvoir expliquer la genèse des caractères spéciaux des cavernicoles. Or, les troglophiles qui y sont rencontrés ne présentent, depuis de nombreuses générations, aucune modification sensible par rapport à leurs alliés du milieu extérieur ; mais, comme il s’agit là d’espèces qui vivaient déjà dans des conditions analogues (fissures du sol, dessous de pierres, mousse, etc.), elles présentent souvent une cécité plus ou moins marquée et une décoloration plus ou moins accentuée ; elles sont préparées morphologiquement à la condition de troglobies (notion de préadaptation).