Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Castille (suite)

L’indépendance

Dès le début du xe s., les relations entre les souverains de León et les comtes de Castille sont peu amicales : le roi de León Ordoño II (914-924) en fait exécuter plusieurs en 920 sous prétexte de trahison, car ils n’ont pas participé à la bataille de Valdejunquera (920).

Alors que Ramire II (931-951) est au pouvoir, Fernán González (923 ou v. 930-970), comte de Lara et de Burgos (dont les exploits seront chantés dans un romancero écrit entre 1250 et 1271), regroupe la plupart des petits comtés de la région et d’Álava et se soulève contre le roi. Celui-ci le fait incarcérer à León, mais, à la mort de Ramire II, Fernán González se sert des dissensions qui opposent Ordoño III (951-956), Sanche Ier le Gros (956-958 et 960-966) et Ordoño IV le Mauvais (958-960) pour déclarer héréditaire sa dignité de comte et pour acquérir une autonomie proche de l’indépendance (v. 951). Son fils García Ier Fernández (970-995) est tué par al-Manṣūr sur les rives du Douro (995) après avoir perdu plusieurs forteresses, que reconquiert Sanche Ier Garcés (995-1017) grâce à l’anarchie qui suit la disparition d’al-Manṣūr (1002).

En 1029, avec l’assassinat de Garcia II Sánchez (1017-1029), s’éteint la branche masculine de Fernán González, et la Castille passe sous la domination de Sanche III le Grand de Navarre (v. 1000-1035), mari de Munie (ou Elvire), sœur du comte défunt.


L’union provisoire de la Castille et du León

À la mort de son père, Sanche III, Ferdinand Ier (1035-1065) reçoit, avec le titre de roi, la Castille, à laquelle ont été joints les territoires situés entre le Pisuerga et le Cea, que Sanche III a enlevés au roi de León. La guerre éclate entre Ferdinand Ier et son beau-frère Bermude III, roi de León, qui est tué en 1037 à la bataille de Támara (Palencia). Le León et la Castille sont alors réunis sous la même couronne (1037). Ferdinand Ier, jugeant que son royaume n’est pas assez peuplé pour pouvoir coloniser de nouvelles terres, se borne à recueillir les tributs que doivent lui payer les roitelets arabes plutôt que de les combattre et laisse à ses descendants un royaume pacifié à l’intérieur, dont dépendent militairement et économiquement les royaumes de Badajoz, de Séville, de Tolède et de Saragosse.

Avec l’avènement de la dynastie navarraise, l’influence culturelle mozarabe et musulmane diminue au profit des courants venus d’outre-Pyrénées grâce aux moines de Cluny, que Ferdinand Ier protège comme l’avait fait son père.

Au cours d’une assemblée générale de notables réunis à León, le roi partage ses terres entre ses enfants : il attribue la Castille à Sanche, le León et le pays situé entre le Pisuerga et le Cea à Alphonse, le préféré, la Galice à García, tous les monastères à Urraque et à Elvire à condition qu’elles restent célibataires.

C’est avec Sanche II (1065-1072) qu’apparaissent en Castille des idées de suprématie par rapport au León : Rodrigo Díaz de Vivar, le Cid, est l’incarnation de cette politique. Sanche II tente de rétablir l’unité rompue par la décision de son père en battant son frère Alphonse à Llantada (1068), puis à Golpejera (1071), en s’emparant de son royaume et en l’exilant à Tolède. Il se retourne ensuite contre García, qui se réfugie à la cour du roi de Séville. Par contre, la ville de Zamora, dominée par Urraque, résiste à Sanche II, qui est assassiné pendant le siège par le traître Bellido Dolfos.

Alphonse VI (1072-1109) se rend alors à Zamora, reprend possession de son royaume et est reconnu également souverain de la Galice. Il doit cependant souffrir l’humiliation, imposée par le Cid au nom des Castillans, de jurer, dans l’église Santa Gadea de Burgos, qu’il n’est absolument pas mêlé au meurtre de son frère.

À la mort de Sanche IV de Navarre (1076), il reprend tout ce qui avait appartenu auparavant à la Castille et y ajoute la partie méridionale de la Navarre, c’est-à-dire la Rioja jusqu’à l’Èbre. En 1085, Tolède, point stratégique sur le Tage, capitule. De cette époque primordiale pour la « Reconquista » naît la Nouvelle Castille. Voulant en finir avec l’Espagne musulmane, Alphonse VI impose dans les grandes villes la présence de gouverneurs chargés de recouvrer l’impôt. Le roi de Séville, Muḥammad al-Mu‘tamid, s’y oppose et demande l’appui d’‘Alī ibn Yūsuf, souverain des Almoravides. Ce dernier débarque avec ses troupes à Algésiras et inflige aux chrétiens la cuisante défaite de Sagrajas (ou Zalaca) en 1086. Seul le Cid, avec lequel Alphonse VI s’est réconcilié, est capable de tenir tête aux Almoravides et même de se tailler une véritable principauté à Valence.

En 1090, Alphonse VI donne la partie septentrionale du Portugal à Henri, cadet de la famille ducale de Bourgogne et mari de sa fille naturelle Thérèse. De cette union va naître Alphonse Ier Henriques, premier roi du Portugal. Pendant le règne d’Alphonse VI, l’influence française s’accentue : les moines de Cluny, qui constituent une grande partie du clergé, suppriment de la liturgie espagnole les rites visigoths ou mozarabes ; les pèlerinages à Saint-Jacques-de-Compostelle se développent, entraînant la repopulation des villes se trouvant sur le passage ; le roi lui-même épouse des Françaises et marie l’une de ses filles (Urraque) à Raimond de Bourgogne et l’autre (Thérèse) à Henri de Bourgogne.

Le royaume passe à Urraque (1109-1126), puis à son fils Alphonse VII (1126-1157), qui, en 1135, se fait couronner à León empereur de toute l’Espagne après avoir soumis Alphonse de Portugal, Ramire II d’Aragon, le comte de Barcelone, le roi de Navarre et plusieurs seigneurs français. Grâce à la conquête d’Almería (1147). Alphonse VII porte la frontière jusqu’au Guadiana, ce qui libère la Nouvelle Castille des attaques maures.


La séparation de la Castille et du León

Par son testament, il sépare la Castille et le León, laissant la première à Sanche III et le second ainsi que la Galice à Ferdinand II. Cette division facilite l’avance des Almohades. Les débuts du règne d’Alphonse VIII (1158-1214), fils de Sanche III (1157-1158), sont très agités : le nouveau souverain n’a que trois ans et Sanche VI de Navarre en profite pour se saisir de plusieurs places fortes de la Rioja. Les luttes qui déchirent la noblesse empêchent la Castille de faire face aux attaques des Almohades. La protection des frontières est assurée par les milices municipales et par les ordres militaires d’Alcántara, de Calatrava et de Saint-Jacques, qui commencent à répandre l’élevage en Estrémadure et dans la Manche, tandis que les moines de Cluny mettent en culture des terres jusqu’alors inexploitées au nord et introduisent de nouvelles méthodes agricoles.