Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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cartographie (suite)

Enfin, la description de la surface terrestre implique un autre développement de la cartographie : celui de la représentation de toutes les variables dont les combinaisons forment les paysages. C’est l’objet de la cartographie dite « thématique », qui se propose d’aider non seulement à localiser forêts ou gisements de charbon, mais à les mettre en relation avec le climat ou la structure des couches géologiques. La dénomination de carte thématique, qui remplace celle de carte spéciale, semble d’ailleurs assez mal choisie, puisque la topographie est un thème au même titre que la culture des céréales, et certains auteurs lui préfèrent celle de carte géographique dans la mesure où la géographie est pour eux l’étude des rapports des composantes des paysages.


Les deux tendances majeures de la cartographie

Géodésie et topographie, d’une part, représentation de phénomènes géographiques, de l’autre, sont aujourd’hui les deux grandes orientations de la cartographie. Elles sont héritées d’une longue histoire qui s’est très tôt divisée entre une tradition mathématique et une tradition administrative.

Elles sont issues de deux préoccupations : recueillir des mesures aussi précises que possible du géoïde* et en décrire les aspects écologiques. Cette double tâche se traduit par la coexistence de deux groupes de cartographes : d’un côté des ingénieurs géographes, des ingénieurs hydrographes, des photogrammètres, des topographes, des géomètres ; de l’autre des spécialistes des sciences de la Terre, des sciences humaines et des sciences économiques, qui veulent étudier des distributions spatiales de phénomènes divers et qui s’adressent pour cela à des cartographes-géographes. À cette division correspondent les cartes topographiques et les cartes thématiques.

Loin d’être chose nouvelle, cette division actuelle de la cartographie résulte du développement parallèle de deux traditions historiques : l’une administrative et surtout terrienne, se préoccupant de dresser l’inventaire des ressources régionales ; l’autre maritime, beaucoup plus spéculative, tournée vers les techniques de repérage précis, exigées par la navigation.

Dès la plus haute antiquité, les empires prospères éprouvèrent le besoin de connaître avec précision leurs ressources en hommes et en « subsistances » : le cadastre de Ramsès II, auquel fait allusion Hérodote, est un excellent exemple de ces inventaires spatiaux sur lesquels les administrations peuvent tenter d’établir des plans économiques. Le pharaon de la Genèse qui, suivant les conseils de Joseph, fit accumuler le blé excédentaire de ses provinces en prévision des années de famine inaugurait une politique de planification à laquelle les atlas régionaux de ces dernières années continuent d’apporter leur contribution (le premier atlas régional français, l’Atlas de la France de l’Est, date de 1960). Cependant, à côté des cadastres* à fins utilitaires et fiscales (en France, le cadastre napoléonien renouvelé), à côté des atlas pour planificateurs, aménageurs, urbanistes, se sont détachés de la tradition administrative des inventaires et des analyses spatiales à buts scientifiques. On pourrait citer les cartes géologiques, susceptibles d’applications minières certes (la Société géologique de France a été fondée en 1830 et édite des cartes depuis un siècle), ou mieux, par exemple, les cartes d’isoglosses de la prononciation des mots Fuss ou Haus en dialectes germaniques, qui apparaissent dans l’Atlas linguistique d’Alsace (1969) et dont on ne voit pas, au premier abord, l’utilité administrative.

La tradition maritime semble un peu moins ancienne, puisqu’on ne peut guère la faire remonter beaucoup plus loin que Thalès de Milet et les mathématiciens de l’école ionienne, même si ceux-ci bénéficiaient de l’expérience antérieure des marins phéniciens.

Du cabotage de l’Antiquité on passa, au xvie s., avec les grandes découvertes, à la navigation transocéanique, à laquelle la projection du Flamand Gerhard Kremer, dit Mercator (1512-1594), apporta un outil précieux qui, revu par Carl Friedrich Gauss*, est encore d’un usage courant aujourd’hui. Cette projection a pour caractère d’être conforme, c’est-à-dire de conserver les angles sans altération et de permettre sur la carte le tracé d’orthodromies courbes (routes les plus courtes à la surface de la Terre), que les navigateurs décomposent en loxodromies droites (routes à cap constant).

Après les navigateurs, ce furent les ingénieurs hydrauliciens hollandais qui, au xviie s., contribuèrent aux progrès de la précision cartographique en travaillant sur les plans d’assèchement de marais et de polders. Puis, à la fin du siècle, ce furent les ingénieurs militaires, pour la construction des fortifications, et les stratèges, pour leurs plans d’attaque, qui firent de la cartographie un quasi-monopole. En France, la carte dite « de Cassini » (du nom de César François Cassini* de Thury) a bien été entreprise en dehors du « Dépôt de la guerre », créé par Louvois en 1688, mais c’est au cours d’opérations militaires que Louis XV donna l’ordre de l’exécuter intégralement. Dans bien des pays, les cartes topographiques sont encore levées et éditées par des services militaires, et il a fallu la menace de l’occupation allemande pour qu’en 1940 le Service géographique de l’armée prenne, en France, un statut civil et forme, avec l’ancien Service du nivellement général de la France, l’Institut géographique national. Le Service hydrographique de la marine dépend toujours de l’armée.


Les orientations actuelles

Si la cartographie mathématique et la cartographie thématique divergent au niveau des objectifs et des méthodes, du moins se rencontrent-elles au niveau de nombreuses techniques. Le tableau qui suit se propose d’expliciter leurs rapports.

Parmi les différentes spécialités qu’on vient de citer, il en est qui sont pratiquées de longue date et se trouvent être relativement connues. C’est le cas de l’astronomie ou des procédés d’impression, sur lesquels on ne s’attardera pas malgré leur grande importance en cartographie. On mettra plutôt l’accent sur les techniques et les méthodes qui lui sont plus particulières. Certaines, surtout dans le domaine de la géodésie, de la topographie et de la photogrammétrie, sont aujourd’hui classiques ; mais il y en a d’autres dont l’apparition récente est en train de renouveler l’ensemble de la discipline et qui, si elles n’ont pas encore fait totalement leurs preuves, ne peuvent être ignorées : on pense aux applications de l’informatique à la cartographie automatique, qu’elle soit mathématique ou thématique.