Carpeaux (Jean-Baptiste) (suite)
Le succès est immédiat, et désormais Carpeaux participe aux plus importantes commandes du second Empire. Au Pavillon de Flore, à Paris, il montre que la sculpture monumentale a un rôle essentiel à jouer et peut même imposer à une façade son propre rythme. L’héroïne du Triomphe de Flore, par le « gras des contours » et le naturel de sa pose, pouvait faire songer à Rubens. À l’Opéra, le groupe de la Danse fit scandale, et seuls les événements de 1870 évitèrent la dépose. Oubliant la vie qui entraîne cette ronde, le public fut surtout sensible à la « vulgarité », au réalisme de ces figures livrées à la joie païenne du mouvement. Enfin, avec les Quatre Parties du monde de la fontaine de l’Observatoire (mise en place en 1874), Carpeaux atteignait la puissance et la sérénité conjuguées.
Parallèlement à ces grandes œuvres, qui l’épuisent physiquement et financièrement, Carpeaux a une incessante activité de portraitiste mondain, du buste d’Anna Foucart (musée des Beaux-Arts de Valenciennes), où les Goncourt retrouvent le sourire du xviiie s., à celui de la princesse Mathilde (Louvre). Il n’est pas paradoxal que Carpeaux soit devenu l’artiste officiel du règne, dans la mesure où il traduit la gaieté, la frénésie de vivre et de réaliser qui marquent cette époque. À côté du compassé Winterhalter, il sait donner du prince impérial une image aussi sensible que digne, peint le Bal costumé aux Tuileries en 1867, ou encore l’Attentat de Berezowski (tous deux au Louvre), avec une fougue et une nervosité qui évoquent Alessandro Magnasco.
Aussi bien Carpeaux semble-t-il infatigable : le dessinateur, le modeleur croque et ébauche dans une frénétique quête de la vie. Ses carnets, comme ses innombrables esquisses, témoignent de cette activité créatrice menée à un rythme qui devait l’épuiser et que même les conflits familiaux et les souffrances physiques des dernières années ne purent tempérer. C’est pourquoi l’on doit apprécier l’artiste dans la totalité de son œuvre : griffonnis de carnets et peintures, ébauches à la terre crue ou sculptures achevées. En se montrant capable de dépasser toutes les oppositions : classicisme ou romantisme, idéalisme et réalisme, Carpeaux devait être moins un chef d’école qu’un exemple, celui-là même qu’allait suivre Rodin*.
B. F.
A. Mabille de Poncheville, Carpeaux (Alcan, 1925). / Sur les traces de Jean-Baptiste Carpeaux (Musées nationaux, 1975). / N. Jouvenet, Carpeaux (Marlière, Valenciennes, 1975).