Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Carolingiens (suite)

Ne survivant dès lors que sous sa forme religieuse, l’unité de l’Empire est politiquement restaurée à deux reprises avec l’aide de l’Église. Mais les espoirs de cette dernière sont déçus par la mort prématurée de ses bénéficiaires, Charles le Chauve et Charles le Gros, qui cumulent les trois couronnes, le premier de 875 à 877, le second de 884 à 888. Porté dès lors épisodiquement par des rois de Germanie (Arnoul, 896-899) ou d’Italie (Bérenger Ier, 915-924), le titre impérial n’est relevé qu’à la fin du xe s. par une nouvelle dynastie, celle des Empereurs saxons (962), dont la souveraineté ne s’exerce plus que sur les royaumes de Germanie, de Bourgogne et d’Italie, tandis qu’en France les derniers Carolingiens disputent la couronne royale aux Robertiens, au profit desquels ils sont éliminés avec la mort de Louis V (986-87) et l’avènement de son rival, le duc de France Hugues Capet.

Brillante construction dynastique aux assises politiques et administratives insuffisamment établies, l’Empire carolingien n’a donc pas survécu aux dilapidations et aux querelles familiales et intestines des successeurs de Charlemagne, dès lors incapables de s’opposer efficacement aux invasions normandes, hongroises ou sarrasines qui, depuis 810, en ébranlent les assises et en ravagent les terres par des raids destructifs qui se multiplient tout le long du ixe et du xe s. Mais de ses ruines émergent déjà les forces politiques (France, Allemagne), économiques (villes flamandes et italiennes) et religieuses (Église, papauté) dont le jeu fut caractéristique du Moyen Âge chrétien.

P. T.

➙ Charlemagne / Charles II le Chauve / Charles III le Gros / Louis Ier le Pieux / Pépin le Bref.

 A. Kleinclausz, l’Empire carolingien. Ses origines et ses transformations (Hachette, 1902). / L. Halphen, les Barbares (Alcan, 1928 ; nouv. éd., P. U. F., 1940) ; Charlemagne et l’Empire carolingien (A. Michel, coll. « l’Évolution de l’humanité », 1947 ; nouv. éd., 1968). / F. Lot, C. Pfister et F. L. Ganshof, les Destinées de l’Empire en Occident de 395 à 888 dans Histoire générale, sous la dir. de G. Glotz (P. U. F., 1928 ; 2e éd., 1940). / H. Pirenne, Mahomet et Charlemagne (Nouv. Soc. d’éd., Bruxelles, 1937 ; nouv. éd., Club des libraires de France, 1961). / E. Amann, l’Époque carolingienne dans Histoire de l’Église, sous la dir. de A. Fliche et V. Martin (Bloud et Gay, 1941). / J. Calmette, l’Effondrement d’un empire, et la naissance d’une Europe, ixe-xe siècle (Aubier, 1942) ; Charlemagne (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1951 ; 2e éd., 1966). / H. Fichtenau, Das karolingische Imperium (Zurich, 1949 ; trad. fr. l’Empire carolingien, Payot, 1958). / R. Folz, l’Idée d’empire en Occident du ve au xive siècle (Aubier, 1953) ; le Couronnement impérial de Charlemagne (Gallimard, 1964). / E. Perroy, le Monde carolingien (C. D. U., 1953, 3 vol. ; nouv. éd., 1974). / E. Perroy (sous la dir. de), le Moyen Âge (P. U. F., 1955 ; 5e éd., 1967). / W. Braunfels (sous la dir. de), Karl der Grosse, Lebenswerk und Nachleben (Düsseldorf, 1965-1968 ; 5 vol.) ; Charlemagne (catalogue de l’exposition d’Aix-la-Chapelle) [Düsseldorf, 1965]. / J. Boussard, Charlemagne et son temps (Hachette, 1968). / W. Braunfels, Die Welt der Karolinger und ihre Kunst (Munich, 1968). / J. Heers, Précis d’histoire du Moyen Âge (P. U. F., 1968). / J. Hubert, J. Porcher et W. F. Volbach, l’Empire carolingien (Gallimard, 1968). / P. Riché, Grandes Invasions et empires, ve-xe siècle (Larousse, 1968). / M. Pacaut, les Structures politiques de l’Occident médiéval (A. Colin, coll. « U », 1969) ; la Vie quotidienne dans l’Empire carolingien (Hachette, 1973). / G. Duby (sous la dir. de), Histoire de la France, t. I : Naissance d’une nation, des origines à 1348 (Larousse, 1970). / G. Duby, Guerriers et paysans, viie-xiie siècle (Gallimard, 1973).


L’art carolingien

On a souvent tendance à considérer l’art carolingien comme le résultat d’une action délibérée de Charlemagne et de son entourage en vue de renouer le fil de la civilisation antique après des siècles de barbarie. Il est incontestable que la renaissance des arts à l’époque carolingienne s’inscrit dans un mouvement plus général de restauration d’un ordre à la fois romain et chrétien. L’art carolingien est pénétré des croyances et des rêves d’une époque qui prenait pour modèle la Rome chrétienne du temps de Constantin et du pape Sylvestre Ier, considérée comme un abrégé de toute l’Antiquité romaine.

Cette volonté de renovatio se manifeste notamment dans le regain de prestige dont jouit la basilique* paléochrétienne, qui appartenait à la grande tradition romaine de l’Église. Le mouvement en sa faveur débute à Rome à l’époque du pape Léon III (795-816) ; il s’épanouit sous Pascal Ier (817-824) et se poursuit, à un rythme plus lent, jusqu’au milieu du ixe s. Santa Prassede, Santa Cecilia in Trastevere et San Marco, avec leur décor de mosaïques, illustrent fort bien la renaissance d’une architecture religieuse spécifiquement romaine.

De Rome, le courant gagne l’ensemble de l’Empire, et notamment la Germanie. L’exemple le plus frappant était fourni par l’insigne abbatiale de Fulda, rebâtie par l’abbé Ratgar en 794. Elle imitait très fidèlement Saint-Pierre de Rome dans son plan, sa structure et ses dimensions, de sorte qu’elle constitua la plus grande des basiliques construites dans l’Europe d’alors.

Cependant, la référence à l’Antiquité n’était pas chose si nouvelle qu’elle dût apparaître comme une rupture avec le passé immédiat. Une observation plus attentive montre au contraire que l’essor carolingien prit la suite et bénéficia d’expériences préliminaires, caractérisées elles aussi, bien qu’à un moindre degré, par l’imitation de certains motifs antiques ou paléochrétiens*, et réalisées aussi bien dans la Gaule mérovingienne* que dans l’Italie lombarde, les îles Britanniques et la péninsule Ibérique.