Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Canada (suite)

Trouver la route d’Asie devient secondaire. Il faut certes, par ailleurs, « rechercher des mines d’or, d’argent, etc. » ; mais les instructions royales précisent la nécessité d’évangéliser, avec pour conséquence logique une colonisation intense : « Vous devez surtout peupler, cultiver et puis habiter les dites terres le plus promptement, le plus soigneusement et dextrement que le temps, les lieux et les commodités le peuvent permettre. » Si Champlain se consacre à l’exploration des côtes, certains de ses compagnons entreprennent la première colonisation du Canada.

Après des débuts qui se sont révélés difficiles, les premières récoltes sont prometteuses, et l’on obtient même du raisin. Mais, dès 1613, la petite colonie sera mise à sac par les Anglais, première manifestation de la rivalité qui se développera pendant cent cinquante ans.


Fondation de Québec et nouvelles découvertes

Entre-temps, la découverte revient au premier plan, et, en 1608, Champlain reçoit pour mission de « parachever de découvrir dans les terres le grand fleuve S. Laurens ». Sa base de départ est Québec, où une « habitation » commence à être édifiée le 3 juillet 1608. Très vite, l’un des processus majeurs de l’implantation française apparaît : l’alliance avec certains « sauvages », les Hurons de la vallée du Saint-Laurent, contre les Iroquois, établis plus au sud. En 1609, une « promenade militaire » et la terrifiante arquebuse de Champlain permettent de disperser les tribus ennemies de la région entourant le lac qui portera le nom du fondateur de Québec. L’exploration reste primordiale dans les instructions de 1613 : on demande encore à Champlain de trouver la route de Chine, ce qui le conduit, en 1615-16, dans la vallée de l’Ottawa et jusqu’au lac Huron.


Première ébauche agricole

Ces grandes randonnées, qui ne mènent ni sur la route de Chine, ni à des gisements d’or, sont décevantes. L’intérêt pour la colonisation reprend en 1618, lorsque Champlain demande à Louis XIII le moyen d’établir à Québec trois cents familles. Depuis un an, le premier colon de la région, Louis Hébert (1575-1627), est à l’œuvre, et Champlain se réjouit de voir ses terres « ensemencées et chargées de beaux bleds ». En 1623, Hébert bénéficie de la première concession de terre canadienne, au Sault-au-Matelot.

En fait, la mise en valeur agricole est à peine une ébauche : les grands personnages auxquels une vice-royauté a été confiée sur les terres nouvelles, Henri de Bourbon, prince Condé (1612), le duc Henri de Montmorency (1619), Henri de Lévis, duc de Ventadour (1625), ne se soucient guère d’engager des frais, bien peu rentables, pour transporter laboureurs et artisans au-delà des mers. Enfin, en 1627, le cardinal de Richelieu met fin à ce système et crée la Compagnie des Cent-Associés, qui devra, en principe, installer chaque année de deux à trois cents immigrants : ils ne sont encore que soixante... Le progrès devait donc être immense. Tout est bouleversé par la guerre qui éclate, cette même année 1627, entre Français et Anglais. En 1629, ces derniers s’emparent de Québec, après un siège d’un an, mais, en 1632, ils doivent restituer la localité par le traité de Saint-Germain-en-Laye.

Il faut tout reprendre, pratiquement de rien. Champlain réussit à rétablir à peu près la situation, mais il meurt en 1635, sans obtenir les renforts désirés qu’il sollicite (120 hommes) pour lutter contre les Iroquois, de plus en plus agressifs.


Les débuts d’un peuplement notable

Au lendemain de la disparition de Champlain, la population française totale du Canada ne doit guère dépasser 200 personnes : les Anglais sont déjà 40 000 en Amérique du Nord. Le destin de la Nouvelle-France est bien menacé : jamais l’évolution des deux populations ne laissera l’espoir de renverser le rapport de forces.

Pourtant, un certain effort de peuplement va désormais se faire sur le Saint-Laurent, et l’on comptera 2 500 Français vers 1665. Le départ est donné par les gens du Perche, qui arrivent au nombre de 43 en 1634 et qui sont surtout des artisans. Originaires de Normandie, des petits nobles désargentés les suivent en 1636. Puis on sélectionne sévèrement de vertueuses épouses pour les célibataires. Des concessions de terre sont allouées à des « seigneurs », qui en gardent une partie pour leur exploitation personnelle et qui doivent attribuer le reste à leurs censitaires. Cette première colonisation reçoit l’appui des successeurs de Champlain. Leurs vues sont plus larges que celles des marchands de Québec, dont la préoccupation essentielle est le commerce des fourrures.


Coureurs des bois et missionnaires

La recherche des peaux de castor et des autres animaux de la forêt est un élément essentiel de l’influence française sur les immensités du « haut pays ». Les agents des commerçants québécois, les « coureurs des bois », vont toujours plus loin chez les Indiens pour rechercher les peaux, qui procurent d’immenses profits. Certains se font interprètes et deviennent des intermédiaires indispensables entre les négociants et les chasseurs de castors. Ils permettent ainsi de développer considérablement les connaissances sur les Indiens et leurs contrées. L’un d’eux, Etienne Brûlé (v. 1591-1633), atteint le lac Ontario en 1615. La fourniture massive d’eau-de-vie facilitera l’entreprise des coureurs des bois, mais sera vivement condamnée par un autre groupe de pionniers, les missionnaires. L’évangélisation a, en effet, été envisagée dès les premiers projets d’expédition en Amérique : les premiers récollets sont arrivés en 1615, et les jésuites dix ans plus tard. C’est à une vague mystique que l’on doit la fondation de Ville-Marie (Montréal) [1642], par la Société de Notre-Dame de Montréal. Mais, surtout, le mouvement jette vers la grande forêt une élite de candidats au martyre. « Le Canada du xviie s. était surpeuplé, non pas d’hommes mais de diables » (C. de Bonnault). Et leurs représentants sur la terre, en particulier les Iroquois, feront bien souvent subir d’épouvantables tortures à ceux qui vont leur apporter une foi dont ils n’ont que faire et qu’ils critiquent avec une embarrassante subtilité lorsqu’ils consentent à discuter de l’au-delà autrement que par le coutelas ou l’eau bouillante. Les résultats des missionnaires seront bien décevants, puisqu’on ne comptera qu’une centaine de convertis vers 1665.