Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Campana (Dino) (suite)

 C. Pariani, Vite non romanzate di Dino Campana scrittore e di Evaristo Boncinelli scultore (Florence, 1938). / C. Bo, Otto studi (Florence, 1939). / G. Bonalumi, Cultura e poesia di Dino Campana (Florence, 1953). / G. Gerola, Dino Campana (Florence, 1955). / O. Macri, Caratteri e figure della poesia italiana contemporanea (Florence, 1956). / E. Falqui, Per una cronistoria dei « Canti Orfici » (Florence, 1960). / P. Bigongiari, Poesia italiana del Novecento (Florence, 1965) ; Capitoli di una storia della poesia italiana (Florence, 1968). / C. Galimberti, Dino Campana (Milan, 1967).

Campanella (Tommaso)

Philosophe et dominicain italien (Stilo, Calabre, 1568 - Paris 1639).


Il entre très jeune chez les Dominicains et s’initie à la culture de son temps : mathématiques, philosophie, droit. Il adhère aux idées scientifiques et naturalistes du philosophe Telesio, dont le De rerum natura est publié entre 1565 et 1586, et par là devient suspect au clergé. Dans sa Philosophia sensibus demonstrata, il défend les idées de son maître (1591).

C’est à Naples qu’il a son premier procès ecclésiastique (1590-1592) : il est invité à renoncer aux idées de Telesio pour revenir au thomisme, et à quitter Naples pour rentrer dans sa province. Ce qu’il fait ; mais pour aller à Rome, puis à Florence. Il espère obtenir une chaire à l’université de Pise, mais ce poste lui est refusé par le grand-duc, qui le soupçonne d’anti-aristotélisme. Campanella part alors pour Padoue, mais il est arrêté à Bologne sur ordre du Saint-Office, et le manuscrit de ses œuvres lui est enlevé. On lui intente un procès pour mœurs, mais celui-ci échoue faute de preuves. En 1593, au cours d’un troisième procès, on lui reproche d’avoir adhéré aux idées de Démocrite ; en 1595, il est accusé de ne pas avoir révélé qu’il avait eu une dispute avec un théologien juif. Arrêté, il est alors emmené à Rome ; en prison, il fait peut-être la connaissance de Giordano Bruno*. Libéré quelques mois après, il entre en contact avec certains milieux scientifiques, où se professaient l’astrologie et l’occultisme et où se faisaient jour des idées millénaristes à l’approche de la fin du siècle.

Parti pour Naples, il gagne la Calabre en 1598, où il est immédiatement suspecté pour ses interventions dans les procès entre les autorités religieuses et civiles espagnoles. Il se retire alors dans le couvent de sa ville natale ; sous les apparences d’une vie contemplative, il prépare pour l’année 1599 un soulèvement paysan contre le pouvoir politique et l’autoritarisme de l’Église, et pour l’instauration d’une république théocratique.

Trahi, arrêté, torturé avec quelques conjurés, il réussit à échapper à la peine capitale en simulant la folie ou en profitant des dissenssions entre le gouvernement espagnol et l’autorité ecclésiastique. En 1602, à la fin du procès, il est condamné à la prison à vie. C’est pendant les années de sa détention que Campanella écrira l’essentiel de son œuvre (Metaphysica, Monarchia Messiae, Atheismus triomphatus, Philosophia rationalis) et mettra au point son œuvre la plus connue, la Cité du Soleil. En même temps, il envoie lettres sur lettres au pape, aux souverains, aux cardinaux, leur soumettant des projets de conversion des infidèles, d’empire universel, etc. Il laisse la défense de la religion naturelle pour se faire le champion de la Contre-Réforme, ce qui lui attire l’intérêt du pape. En 1626, il sort de prison sur ordre du vice-roi d’Espagne. Il part pour Rome, mais il est arrêté, un mois plus tard, par le Saint-Office. C’est Urbain VIII qui le fait libérer. Campanella pose sa candidature pour un poste au Saint-Office. Il défend alors ouvertement Galilée, dont il veut publier les œuvres complètes. Il est en butte à l’hostilité des cardinaux et des représentants de l’Espagne, qui l’accusent de pousser le pape à se rapprocher de la France.

Une révolte des Napolitains contre les Espagnols sert à ces derniers de prétexte pour demander au pape l’extradition de Campanella de Rome ; Urbain VIII refuse, mais conseille au philosophe la fuite. Ce qu’il fait en 1634, et définitivement. Il va à Paris, où il espère le soutien de Louis XIII. Il obtient l’autorisation de la Sorbonne de publier ses œuvres ; mais il meurt au milieu de cette tâche.

« La Cité du Soleil »

La Cité du Soleil, écrite en italien et en latin, parut dans cette dernière langue à Francfort en 1623. Historiquement, elle s’inscrit dans la tradition des constructions politiques échafaudées depuis Platon et More, et se rattache étroitement au mouvement de la Contre-Réforme ; pour nous elle constitue aussi l’une des plus remarquables utopies*. La cité que décrit Campanella est située à Ceylan ; elle s’élève sur une haute colline, entourée de sept murailles qui correspondent aux sept planètes. Au sommet se trouve le temple du Soleil, où réside le prêtre qui a le gouvernement de la ville (système théocratique) et dont le nom est Hoh (ce qui signifie « le métaphysicien »). Ce prêtre est assisté de trois chefs, que nous appellerons Puissance, Sagesse et Amour. Le premier a la guerre en partage, le second l’éducation, le troisième surveille la procréation. Le second a fait peindre sur les murs les grandes lois scientifiques, qui s’inscrivent ainsi dans l’esprit des enfants dès qu’ils viennent au monde. Il n’existe pas de propriété privée, et la division du travail ne repose pas sur la distinction maître et serviteur, mais sur l’égalité. La vie quotidienne est commune : repas, dortoir. L’ordre est assuré par des magistrats, dont le nombre est un multiple du nombre des vertus.

La procréation est l’objet d’une attention toute particulière : il s’agit de viser à l’amélioration physique et morale de la race. Ainsi des fonctionnaires procèdent-ils à la sélection des couples destinés à procréer.

Les activités économiques mettent l’agriculture sur le même plan que les autres. Elles ignorent l’argent et reposent sur le troc.

Le système politique implique des assemblées où tous — hommes et femmes de plus de vingt ans — participent en donnant leurs critiques. La justice repose sur le talion ; les prisons ne sont faites que pour les prisonniers de guerre.

La religion de la Cité du Soleil est un christianisme naturel, reposant sur l’adoration de l’univers comme manifestation visible de Dieu, mais sans certitude sur le système des sanctions prévues après la mort. De plus, il est admis que les astres peuvent avoir une influence maléfique sur le comportement humain.

L’harmonie visée par l’utopie de Campanella entre l’égalité des conditions économiques et la hiérarchie des structures politiques et religieuses repose sur une conception astrologique : les influences des astres régissent autant le sort de chacun que celui de l’ensemble, et la société humaine trouvera le bonheur en se conformant à l’harmonie céleste.

D. C.

 L. Blanchet, Campanella (Alcan, 1920). / N. Badaloni, Tommaso Campanella (Milan, 1965).