Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

camisards (suite)

Devant l’inutilité de la répression, on décide de recourir aux grands moyens. Bâville avait un plan, la dévastation des Cévennes, c’est-à-dire la démolition et la déportation de 31 paroisses comprenant 466 villages et plus de 13 000 personnes. On voulait par là couper les insurgés de leurs bases. Le 14 octobre 1703, le « Grand Roi » autorise ce « brûlement » d’une partie de ses États. On imagine sans peine les horreurs d’une telle exécution, les massacres, les tortures exercées par une soldatesque qu’on laisse se déchaîner ; en représailles, Cavalier rase bourgs et villages catholiques. Mais tout cela échoue et ne fait qu’exaspérer les camisards. Au début de 1704, l’anarchie règne partout, et des compagnies franches de catholiques, les « Cadets de la Croix », prônés par les évêques, font régner la terreur, ce qui n’empêche pas Cavalier d’être vainqueur à Martignargues (14 mars 1704), où 300 soldats et 20 officiers généraux sont tués. Cette défaite entraîne la disgrâce de Montrevel, qui est remplacé par Villars.


La défaite, la répression

Au même moment, Cavalier est battu à Nages (16 avril), et, quelques jours après, une trahison livre aux catholiques son refuge des grottes d’Euzet, où étaient soignés les blessés et où étaient entassés les vivres et les armes. C’est une perte irréparable pour les camisards ; aussi Villars va-t-il trouver à son arrivée sa tâche facilitée. Le 16 mai 1704, Cavalier, à qui on a fait miroiter un brevet de colonel, fait sa soumission à Villars à Nîmes. Mais presque tous les camisards l’abandonnent pour suivre Roland, plus lucide, et qui comprend que l’essentiel, la liberté de conscience, n’est pas accordé.

Tandis que Cavalier passe en Suisse puis en Angleterre, où il mourra, Roland continue la lutte, mais, trahi, il est tué en août. Privés de chefs et découragés, les camisards se rendent les uns après les autres, et Villars peut quitter le Languedoc. En 1705, les intrigues anglaises vont ranimer une insurrection : quelques chefs reviennent de Genève et forment un complot qui doit leur livrer Nîmes, Montpellier et enlever Bâville et les évêques, mais le 19 avril les conjurés sont découverts puis exécutés. Ensuite, une amnistie est publiée, ce qui n’empêchera pas de nombreux camisards de périr sur les galères du roi.

Un dernier sursaut aura lieu quelques années plus tard lorsque Abraham Mazel, qui avait été le premier à prendre les armes, essaiera en 1709 de soulever le Vivarais puis, l’année d’après, stimulé par un éphémère débarquement anglais à Sète, s’emploiera une dernière fois à fomenter l’insurrection des Cévennes. Trahi, il est arrêté en octobre 1710, puis exécuté avec deux autres chefs. C’est la fin des camisards.

La résistance va prendre une autre forme, plus pacifique, et s’organiser sous l’impulsion de quelques pasteurs, dont le célèbre Antoine Court (1695-1760). Le 21 août 1715, quelques jours avant la mort de Louis XIV, se tient non loin de Nîmes le premier synode des églises du « Désert », et, lorsqu’en 1718 Bâville quitte le Languedoc, l’hérésie renaît partout. En 1788, les mentalités ayant changé, Louis XVI accordera aux protestants un édit qui met au second plan la question protestante et consacre la tolérance de fait, conforme aux tendances du siècle et à l’esprit de charité chrétienne. On semblait comprendre enfin les mots de Fénelon : « Nulle puissance humaine ne peut forcer le retranchement de la liberté du cœur. »

P. R.

➙ Louis XIV / Protestantisme / Réforme.

 A. Ducasse, la Guerre des camisards (Hachette, 1946 ; nouv. éd., 1970). / C. Almeras, la Révolte des Camisards (Arthaud, 1960). / Journaux camisards (1700-1715), présentés par P. Joutard (Union gén. d’éd., 1965). / J. Cavalier, Mémoires sur la guerre des camisards (Payot, 1973).

Camões (Luís Vaz de)

Poète portugais (Lisbonne 1524 ou 1525 - id. 1580).


Le plus grand poète de langue portugaise est un peu au Portugal ce que Cervantès est à l’Espagne, Shakespeare à l’Angleterre ou Dante à l’Italie. Son épopée des Lusiades fait entrer la littérature portugaise dans la littérature universelle, et son œuvre lyrique le place parmi les meilleurs poètes européens du xvie s. Sa vie, mal connue, explique en partie ses œuvres. S’il était resté en Europe, il n’aurait pas écrit les Lusiades, et il n’aurait été, à condition de ne pas trop mal tourner, qu’un poète de cour plus doué que les autres.

Né probablement à Lisbonne, il appartient à une famille de petite noblesse originaire de Galice, que des choix politiques malheureux avaient conduit à vivre dans une semi-disgrâce au Portugal. Le poète aura rang d’escudeiro-fidalgo et, par sa mère, il est apparenté à la famille de Vasco de Gama.

On ne sait rien de son enfance. Il fait ses études à Coimbra, mais pas à l’université. Il lit Platon, s’initie au système de Ptolémée et découvre le pétrarquisme dans les poèmes de Sá de Miranda. De 1542 à 1545, il est à Lisbonne, où la Cour lui est ouverte au titre de jeune noble et de poète. Camões y triomphe dans les joutes poétiques à l’ancienne mode. Une passion jugée indiscrète le fait exiler dans le Ribatejo, puis, comme tous les jeunes nobles, il va servir pendant deux ans en Afrique. Le temps des grandes entreprises était passé. Sans doute est-ce au cours d’une escarmouche que Camões perdit l’œil droit.

De retour à Lisbonne, ses fréquentations douteuses le font tenir de plus en plus à l’écart. Le 16 juin 1652, jour de la Fête-Dieu, il blesse d’un coup d’épée dans la nuque Gonçalo Borges, fonctionnaire du palais. L’affaire avait les proportions d’un sacrilège. Toutefois, en mars 1553, une lettre de pardon du roi libérait le poète de la prison du Tronco. Jean III avait eu pitié de ce « jeune homme pauvre » qui allait le servir aux Indes.

Camões devait passer quatorze ans loin du Portugal. Il prend part à des expéditions militaires sur terre et sur mer. Son engagement de trois ans achevé, il devient fonctionnaire. Il négocie, s’enrichit, puis se ruine. On relève sa présence aux Moluques et en Chine, il fait naufrage à l’embouchure du Mékong. On le trouve en prison, puis fêté par les fidalgos de première noblesse, protégé par les vice-rois. Il fait représenter des autos de sa composition, il célèbre la jeune Dinamène qui périt en mer et, le premier, chante une esclave « au teint sombre », ancêtre de la Vénus noire. Mais, surtout, il travaille à la composition des Lusiades, où son génie poétique fera se fondre sa culture, son expérience de la vie des marins et des soldats, sa connaissance directe des lieux et des hommes.