Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Caire (Le) (suite)

Les étapes de la croissance

Le Grand Caire englobe les créations citadines successives depuis l’époque romaine. Les ruines de l’antique forteresse égypto-romaine de Babylone se retrouvent dans le quartier du Vieux-Caire aux côtés des monuments coptes. Après la victoire d’‘Amr ibn al-‘Āṣ en 640, le camp militaire arabe de Fusṭāṭ, au nord de la citadelle, devient le berceau de la nouvelle capitale, appelée à remplacer l’antique Memphis, qui se situait sur la rive gauche, à 35 km en amont. Aḥmad ibn Ṭūlūn l’agrandit vers le nord-est (al-Qaṭā’i‘) et fait construire la mosquée qui porte son nom, la plus ancienne de la cité. Ce sont les Fāṭimides de Kairouan, vainqueurs en 969, qui fondent nominalement al-Qāhira, nouvelle ville tracée au carré, au nord de Fusṭāṭ, depuis la rive droite d’un bras du Nil, aujourd’hui comblé, le Khalīdj, jusqu’au pied des hauteurs du Muqaṭṭam, dont la corniche forme la limite orientale de la vallée du Nil. Fondée dès 970, la mosquée d’al-Azhar (la brillante) est terminée en 972 et ouverte aux lettrés en 988.

L’union dans une même enceinte d’al-Qāhira et de Fusṭāṭ en 1169 est l’œuvre de Ṣalāḥ al-Dīn (Saladin), fondateur de la citadelle (1176). Sous l’administration des Mamelouks, la cité s’étend à l’ouest du Khalīdj dans l’île de Būlāq, et la jonction se fait entre al-Qāhira et Fusṭāṭ, tandis que se multiplient les fondations de mosquées et de palais. La domination turque marque une stagnation de l’extension de la ville. C’est à partir du règne de Méhémet-Ali et de ses successeurs, puis sous l’administration britannique que commencent à se spécialiser certains quartiers (ministères, commerces, résidences). Depuis l’indépendance (1936) et surtout depuis le renversement de la monarchie (1952), la ville n’a cessé de s’étendre. Aux quartiers du Caire (ville), le comité de planification du Grand Caire a ajouté les anciens villages de la périphérie, qui appartiennent parfois à des provinces différentes.


La morphologie urbaine

Le Caire (ville) comprend douze quartiers : al-Azbikiya, Bāb al-Cha‘riya, al-Mūskī, al-Darb al-Aḥmar, ‘Ābidīn, al-Djamāliya, al-Ẓāhir, Rūḍ al-Faradj, Būlāq, Qaṣr al-Nīl, al-Sayyida Zaynab et al-Wāylī. Le Grand Caire inclut en outre : à l’ouest du Nil, Ambāba, al-Duqqī, al-Djīza, Pyramides (communes de la province d’al-Djīza) ; au sud de la ville, le Vieux-Caire, al-Khalīfa, al-Ma‘ādī et Ḥilwān ; au nord et au nord-est, Chubrā al-Khayma, Chubrā, al-Maṭariya, al-Zaytūn et Héliopolis.

Le centre administratif et commercial s’étend sur al-Azbikiya (Opéra, offices, hôtels), en partie sur Qaṣr al-Nīl et al-Mūskī (musées, ministères, hôtels), autour de la large place de la Libération (Mīdān al-Tahrīr) en immeubles de plusieurs étages (moyenne de sept à neuf étages par immeuble) le long de rues au tracé géométrique. À la périphérie de ce centre apparaissent les quartiers d’habitat ancien, aux rues plus étroites et plus tortueuses. Des mutations rapides y sont en cours, en particulier dans la pointe sud de Būlāq, à l’est des quartiers ci-dessus, dans al-Sayyida Zaynab, al-Mūskī et al-Ẓāhir. En revanche, les quartiers les plus orientaux, Darb al-Aḥmar, al-Djamāliya, mais aussi Bāb al-Cha‘riya et le Vieux-Caire, gardent leur habitat dense et confus, aux maisons basses et anciennes. Les extensions récentes concernent surtout les communes périphériques, dont les anciens noyaux ruraux dégradés sont ceinturés de grands et moyens ensembles sur Chubrā al-Khayma, al-Maṭariya, Ḥilwān ou de pavillons sur Héliopolis, al-Duqqī, al-Djīza et en partie sur al-Ma‘ādī et Ḥilwān, où prédominent les demeures confortables regroupées sur plan en damier.


La population

La croissance démographique de l’agglomération cairote a été deux fois plus rapide que celle de l’Égypte. L’ensemble du pays a doublé de population entre 1927 et 1966, passant de 15 à 30 millions d’habitants. Il a suffi de vingt ans (1947-1966) pour faire passer la population du Grand Caire de 3 à 6 millions d’habitants. Cette évolution est inégale selon les quartiers. Les quartiers administratifs et commerciaux du centre connaissent le phénomène de « cité », perdant leur fonction résidentielle en faveur des bureaux et des magasins. De 1960 à 1966, Qaṣr al-Nīl, al-Azbikiya, Būlāq, al-Mūskī et Bāb al-Cha‘riya ont perdu 1,7 p. 100 de leurs habitants, et leur population ne représente plus actuellement que 11,5 p. 100 du Grand Caire (contre 15 p. 100 en 1960). En revanche, les quartiers de la grande périphérie accusent entre les mêmes dates des accroissements spectaculaires : Ḥilwān, centre sidérurgique en pleine expansion, s’est accru de 115,6 p. 100 en six ans, al-Maṭariya de 96 p. 100, Chubrā al-Khayma de 72 p. 100 et al-Ma‘ādī de 70 p. 100. Un habitant sur cinq du Grand Caire réside dans ces quartiers. La rive gauche, plus résidentielle, ainsi qu’Héliopolis ont un accroissement modéré (33 p. 100). Entre la cité et les banlieues, les quartiers proches du centre restent les plus populeux avec les plus fortes densités. Le record est détenu par Bāb al-Cha‘riya avec 136 000 habitants au kilomètre carré. La moyenne s’établit entre 35 000 et 45 000 habitants sur al-Wāylī, Chubrā, al-Sāhil, Rūḍ al-Faradj, al-Sayyida Zaynab, al-Khalīfa et le Vieux-Caire. Mais, à l’intérieur même des quartiers, les densités sont très variables suivant le remodelage urbain ou l’implantation de zones inhabitables : cimetières et collines rocailleuses sur les quartiers orientaux (al-Khalīfa, al-Darb al-Aḥmar, al-Djamāliya).

L’accroissement rapide de la population est dû à la fois à une croissance naturelle proche du taux moyen de l’ensemble du pays — 2,5 p. 100 par an de 1960 à 1966 pour Le Caire (ville) — et au solde migratoire largement positif de l’exode rural, qui se retrouve dans le taux de croissance du reste du Grand Caire entre les mêmes dates (4,15 p. 100 par an, soit près d’un demi-million en six ans). Les chiffres de 1960 montraient qu’à cette date 39 p. 100 des hommes et 36,5 p. 100 des femmes recensés étaient nés hors de la capitale. L’attraction de la capitale est conforme au phénomène mondialement constaté de la croissance des villes. Elle trouve sa justification dans le progrès du rôle économique de la capitale et surtout dans le phénomène de centralisation du pouvoir de l’État. Les réformes agraires de 1952 et de 1961 ont entraîné également la migration vers la ville des anciens propriétaires terriens, venus faire fructifier leur fortune en ville, soit dans l’immobilier, soit dans les entreprises industrielles de produits de consommation et le commerce. De 1952 à 1962, le capital investi s’est accru de 62 p. 100. Enfin, la création de l’industrie lourde à Ḥilwān (sidérurgie utilisant le minerai d’Assouan) explique la croissance de ce centre et son intégration progressive au Grand Caire.