Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Caen (suite)

Siège, depuis 1542, d’une généralité, avec neuf élections en Normandie, la ville est embellie de promenades par les intendants de l’époque classique. En 1790, elle devient le chef-lieu du département du Calvados. En 1793, l’année même où disparaît l’université, Caen, patrie de Charlotte Corday, sert de refuge à nombre de Girondins proscrits et est l’un des principaux foyers du fédéralisme en France jusqu’à la défaite des Girondins près de Vernon (13 juill. 1793).

P. P.


La capitale régionale

Située à 10 km de la mer, sur la basse vallée de l’Orne, la ville de Caen occupe une position relativement centrale au cœur de la plaine de Caen, qu’entourent les bocages du pays d’Auge, du Bessin et le Bocage normand. Elle resta jusqu’à une période toute récente la capitale d’une province rurale, se consacrant au commerce, à l’administration et aux services beaucoup plus qu’à l’industrie. Sa zone d’influence s’étend sur presque toute la Basse-Normandie (soit les trois départements du Calvados, de la Manche et de l’Orne), à l’exception de l’Avranchin, qui hésite entre Caen et Rennes, et du Perche ornais, directement attiré par Paris. Cette fonction régionale se manifeste par la présence à Caen de toutes les administrations liées à une préfecture régionale, d’une cour d’appel et d’une université. La ville est animée en outre par un important appareil commercial. Elle est bien reliée à Paris par des moyens de transport en cours de modernisation (autoroute de Normandie en construction et turbotrain), mais les liaisons avec une zone d’influence très vaste restent mal assurées. Si elle exerce sur la Basse-Normandie une forte attraction commerciale, elle n’a jamais contribué à son animation industrielle autrement qu’en fixant elle-même quelques industries. C’est encore une capitale de province plus qu’une véritable métropole régionale.


Le port

Le port est situé immédiatement à l’est de la ville. Il comprend quatre bassins principaux (bassin Saint-Pierre, Nouveau bassin, bassins de Calix et d’Hérouville), que le canal de Caen à la mer aboutissant à Ouistreham, parallèle à l’Orne, relie à la Manche. Ce canal permet au port d’accueillir des navires de 10 000 à 15 000 t. Dans la hiérarchie des ports français, Caen reste un port secondaire. Mais son trafic, compris selon les années entre 2 et 2,5 Mt, n’est pas négligeable. Il est surtout animé par les escales des cargos de la Société navale caennaise et par les expéditions et les approvisionnements de la Société métallurgique de Normandie, dont les installations sidérurgiques dominent le bassin d’Hérouville.


Le centre industriel

Jusqu’en 1910, Caen ne disposait d’aucune industrie importante. La Société métallurgique de Normandie, appartenant au groupe Schneider, prit après la Première Guerre mondiale la relève des capitaux allemands, qui avaient fondé en 1910 une première usine à Mondeville, tout près de Caen. La S. M. N. forme maintenant un ensemble sidérurgique assez important, qui comprend plusieurs hauts fourneaux, des aciéries avec tréfileries et laminoirs. Employant quelque 6 000 ouvriers et produisant entre 0,6 et 0,8 Mt d’acier par an, elle est la plus grande entreprise industrielle de toute la Basse-Normandie et une des plus importantes de l’Ouest français. Très profondément enracinée dans la réalité régionale, elle reçoit son minerai de Soumont et sa castine de la carrière des Aucrais, dans la plaine de Caen. Elle importe ses fines de coke par le port de Caen. Ainsi s’est greffé, il y a un demi-siècle, tout un ensemble industriel fort différent de la vieille ville de Caen, à quelques kilomètres de celle-ci : port de marchandises lourdes (houille, coke, bois, hydrocarbures), usine sidérurgique de la S. M. N., cités ouvrières de Mondeville et de Colombelles.

Une deuxième vague d’industrialisation s’est développée entre 1958 et 1964. De nouvelles entreprises en expansion ont été attirées à Caen en raison de conditions favorables : relative proximité de Paris (distant de 210 km), présence de l’université, existence de terrains industriels et de multiples moyens de transport, et surtout larges disponibilités de main-d’œuvre offertes par la région. Après la Seconde Guerre mondiale, la Basse-Normandie se distingue par des taux de natalité particulièrement élevés, tandis que la modernisation de l’agriculture libère de la main-d’œuvre. Ainsi, l’agglomération caennaise se présente-t-elle comme le principal centre d’une vaste région où existent des excédents de main-d’œuvre considérables, mais de faible qualification. Plusieurs grandes firmes s’installent à Caen pour profiter de ces possibilités : la S. A. V. I. E. M., filiale de la Régie Renault, spécialisée dans la fabrication des poids lourds (3 400 ouvriers) ; une usine de fabrication de pièces détachées des automobiles Citroën (800 ouvriers) ; plusieurs établissements employant surtout de la main-d’œuvre féminine pour des montages de transistors (la Radiotechnique, 1700 ouvriers), d’appareils électroménagers (Moulinex, 700 ouvriers), de postes de télévision (Sonormel, 700 ouvriers) ou d’appareils de mesure et de tableaux de bord (Jaeger, 500 ouvriers). Caen devient ainsi un véritable centre industriel, où travaillent en 1968 près de 15 000 ouvriers habitant dans l’agglomération, auxquels s’ajoutent de nombreux travailleurs qui résident dans les communes rurales de la région.

Caen, ville industrielle, n’a pas encore trouvé son équilibre. Depuis 1964, aucune création nouvelle importante n’a été réalisée. La S. M. N. est maintenant une entreprise ancienne. Les firmes récemment installées n’offrent pas une gamme d’emplois assez différenciés. Les récentes périodes de tension ont brusquement révélé à lui-même un prolétariat composite, où se côtoient de vieux ouvriers et de jeunes ruraux ayant quitté récemment le bocage pour l’usine.


La ville et l’agglomération

Parmi les agglomérations françaises de son importance, Caen est une de celles dont la population a le plus progressé depuis la dernière guerre. La ville ne comptait pas 40 000 habitants dans la première moitié du xixe s. Elle est passée de 68 000 à plus de 110 000 habitants entre 1954 et 1968. L’agglomération (à peine plus étoffée que la ville elle-même avant 1940) avoisine 185 000 habitants en 1975. Cette augmentation s’explique par le jeu conjoint d’un fort accroissement naturel et d’une immigration soutenue par l’attraction qu’exercent les créations industrielles sur les ruraux des régions voisines.