Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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cabale ou kabbale

Ensemble des commentaires mystiques et ésotériques juifs sur l’Ancien Testament (de l’hébreu qabbala, « tradition reçue et transmise »).


Remontant à l’époque du Second Temple de Jérusalem, c’est-à-dire aux environs du ier s., la cabale, comme doctrine propre, s’est développée à partir du xiiie s. Elle traduit le désir intense de l’homme de se fondre en Dieu ; pour réaliser cette fusion, elle fait appel à la contemplation et à l’illumination intérieure. Selon la cabale, cette illumination fut accordée à Adam, le premier homme, puis à Moïse, qui en reçut la révélation en même temps que la Torah, la loi divine.

Les cabalistes admettent que la chaîne de cette tradition a été rompue fréquemment, que la révélation originelle s’est altérée et dégradée par suite des circonstances, notamment sous l’effet d’influences étrangères comme l’occultisme antique. Cependant, au xiiie s., la cabale devient une théologie mystique typiquement juive. Il faut distinguer entre la cabale théorique, ou spéculative, et la cabale pratique, encore que les deux se conjuguent étroitement. La cabale a marqué de son empreinte le judaïsme mystique en approfondissant la signification spirituelle des enseignements de la loi écrite, ou Torah, en laissant entrevoir la véritable dimension de la doctrine juive.

Les antécédents de la cabale se trouvent déjà dans la tradition orale la plus ancienne, c’est-à-dire dans le Talmud et le Midrash, qui en sont les sources originelles. Les débuts du mouvement en faveur de la cabale au Moyen Âge se situent en Provence, à Arles et à Marseille, et dans d’autres villes du Midi comme Lunel, Béziers et Toulouse, sans oublier les centres juifs d’Espagne tels que Gérone, Barcelone, Tolède et Burgos. Partant de ces centres, le rayonnement de la cabale s’amplifiera dès la fin du xiie s. L’ouvrage cabalistique le plus connu est le Zohar (Livre de la Splendeur), dont la partie la plus importante est datée du xiiie s. Le Zohar, écrit majeur de l’ancienne littérature cabalistique, est un ouvrage de morale religieuse ; il décrit le lien mystique qui unit le monde d’en haut au monde d’en bas, et exalte le destin de l’homme et sa fonction dans l’univers. L’auteur du Zohar est inconnu. À partir du xve s., la cabale subit une nette évolution sous l’influence, sans doute, de l’expulsion des Juifs d’Espagne, en 1492. De plus, la cabale, jusque-là cultivée dans des milieux fermés, se répandit largement. En particulier, elle développe la notion de Tikoun, c’est-à-dire de la répartition du mal dont souffre le monde et de la défaite des puissances maléfiques. Ce renouvellement de la cabale s’exprime surtout dans les milieux de Safad, en Palestine, et imprime sa marque sur la vie religieuse des juifs d’Allemagne, de Pologne, d’Italie, de Turquie, de Perse et du Yémen. À Safed, le représentant typique de la cabale est Moïse Cordovero (1522-1570) ainsi que son beau-frère Salomon Alkabetz, auteur du célèbre poème liturgique « Viens ma fiancée » (Le’ha Dodi), chanté de nos jours dans les synagogues du monde entier pour accueillir le septième jour, le sabbat. Cependant, la figure la plus célèbre de cette époque fut Isaac Luria (1534-1572). Son système, fondé sur la méditation, exerça une influence déterminante sur la vie religieuse des juifs de son temps. La cabale suscita au xive et au xve s. une opposition sévère ; elle dégénéra en une véritable lutte au sein du judaïsme quand Sabbatai Zevi (1626-1676), l’un des représentants de la cabale de cette époque, se convertit à l’islām. Au xviiie et au xixe s., les tenants du mysticisme juif s’efforcèrent d’éliminer ses formes cabalistiques. Néanmoins, l’étude de la cabale ne fut pas abandonnée pour autant ; bien plus, elle trouvera une inspiration nouvelle dans le hassidisme*. La doctrine de la cabale part de l’idée que Dieu ne peut être reconnu que dans la perspective de la création ; Dieu lui-même est appelé l’Être infini (Ein Sof), inaccessible dans son essence. Cependant, il se manifeste dans l’univers, c’est-à-dire dans l’histoire comme dans la nature, et au moyen d’émanations, ou Sefirot, qui expriment le rayonnement divin. Les Sefirot sont au nombre de dix, à savoir : Couronne (Keter) ; la Sagesse (Hochman) ; la Raison (Bina) ; la Grandeur (Gedoula) ou la Grâce (’Hesed) ; la Force (Gevoura) ou le Jugement (Din) ; la Beauté (Tiferet) ; la Miséricorde (Ra’hamin) ; la durée infinie (Netsa’h) ; la Splendeur ou la Majesté (Hôd) ; le Juste (Tsadik) ou fondement du monde (Yesod Olam) ; l’Empire (Malkout) ou la Couronne (Atara).

Parmi les nombreux enseignements de la cabale, une place importante est attribuée à l’anthropologie. Pour la cabale, l’homme est la forme cosmique parfaite et la plus élevée, la forme qui contient toutes les autres. La cabale enseigne la « voie mystique » par l’extase, la méditation et la prière.

H. S.

➙ Bible / Judaïsme.

 G. G. Scholem, les Grands Courants de la mystique juive (en hébreu, Jérusalem, 1941 ; 2e éd., 1946 ; trad. fr., Payot, 1950) ; Ursprung une Anfänge der Kabbala (Berlin, 1962 ; trad. fr. les Origines de la kabbale, Aubier, 1966). / G. Vajda, l’Amour de Dieu dans la théologie juive au Moyen Âge (Vrin, 1957) ; Recherches sur la philosophie et la kabbale dans la pensée juive du Moyen Âge (Mouton, 1963). / F. Secret, Le Zohar chez les kabbalistes chrétiens de la Renaissance (Mouton, 1965).

Cabezón (Antonio de)

Compositeur et organiste espagnol (Castrillo-Matajudíos, près de Burgos, 1510 - Madrid 1566).


Aveugle de naissance, il étudie sans doute avec un organiste de la ville avant de se perfectionner auprès de García de Baeza, titulaire de l’orgue de la cathédrale de Palencia. En 1526, âgé seulement de 16 ans, il devient organiste de la chapelle de la maison royale de Castille, restaurée pour l’impératrice Isabelle à l’occasion de son mariage avec Charles Quint. À cette époque, l’empereur, qui n’a pas de chapelle espagnole régulière, fait souvent appel aux musiciens de l’impératrice, dont Cabezón. En 1538, celui-ci épouse Luisa Niñez, originaire d’Ávila. Un an plus tard, à la mort de leur mère Isabelle, le prince Philippe et les infantes María et Juana se partagent les services alternés de Cabezón et du claveciniste Francisco de Soto. À partir de 1548, Antonio de Cabezón suit le prince Philippe, devenu régent, dans ses voyages, qui le mèneront de 1548 à 1551 en Italie, en Allemagne, aux Pays-Bas puis, de 1554 à 1556, en Angleterre et de nouveau aux Pays-Bas. Cabezón restera jusqu’à sa mort au service du régent, devenu en 1556 Philippe II d’Espagne.