Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

byzantin (Empire) (suite)

De l’hellénisme au byzantinisme (ive et ve s.)

Trois traits caractérisent cette période, qu’on peut qualifier de « prébyzantine ». La culture se répartit entre plusieurs centres : à côté de Byzance, il y a la Grèce continentale avec Athènes et Thessalonique, l’Égypte et l’Asie Mineure, notamment la Syrie, la Palestine, la Cappadoce. En outre, le latin est encore langue officielle : la concurrence du grec n’aboutira que deux siècles plus tard à une complète hellénisation. Enfin, la production littéraire présente parallèlement une double inspiration : païenne et chrétienne ; la première prolonge la pensée antique en un ultime éclat par la philosophie, la rhétorique, l’histoire, la poésie, le roman ; la seconde, remarquable surtout au ive s. avec les auteurs sacrés (les Cappadociens Basile de Césarée, Grégoire de Nazianze et Grégoire de Nysse, Jean Chrysostome d’Antioche), va réaliser progressivement la fusion du christianisme et de l’hellénisme en pénétrant peu à peu dans les genres littéraires profanes.

La philosophie ne se sépare pas de la théologie. Elle lutte contre les doctrines païennes, mais elle se trouve engagée, sur son propre dogme, dans un conflit au sujet de la personne du Christ. L’école d’Antioche insiste sur sa nature humaine, celle d’Alexandrie sur sa nature divine. Chacune de ces thèses a son défenseur : Nestorius* (Homélies, traité du Théopaschite) donne son nom au « nestorianisme », doctrine d’Antioche, que condamne le concile d’Éphèse, tandis que Cyrille d’Alexandrie (v. 376/380 - 444), lui-même inquiété pour ses idées, se réhabilite en défendant le christianisme contre les idées de Julien l’Apostat (331-363) et contre les hérésies (Catéchèses). Par ailleurs, à la violence des affrontements doctrinaux s’oppose une théologie plus édifiante, tournée vers la spiritualité et l’ascèse avec Palladios le Galate (v. 363 - v. 431) [Histoire lausiaque] et Marc l’Ermite (Sur la loi spirituelle).

L’historiographie, qu’avait créée et illustrée Eusèbe de Césarée (v. 265-340), retrouve sa faveur auprès d’érudits tels que Socrate et Sozomène, qui continuent l’histoire ecclésiastique. Théodoret de Cyr, historien de l’Église pour la période de 323 à 429, est également historien des idées quand il étudie les hérésies et quand il compare les thèses des écoles helléniques et des écoles chrétiennes au profit de ces dernières.

La littérature de caractère sentimental fait son apparition dans la production chrétienne. Le roman, issu de l’épopée et du roman païen, vient s’ajouter à la littérature des idées et des événements, et faire diversion avec elle. Le récit en vers de l’impératrice Athénaïs Eudoxie († 460) [Cyprien d’Antioche] est le premier « roman chrétien » : l’atmosphère du roman profane cède devant une vision de l’univers sensible à la nature humaine.

Le théâtre a longtemps continué les mimes romains, mais il n’en reste rien. Au contraire, le théâtre savant a servi à la propagande et aux polémiques théologiques. La manifestation la plus célèbre est le Christ souffrant, récit de la Passion avec dialogues et chœurs, dont les parties lyriques inspirèrent les mélodes.

À la fin du ve s., la pensée byzantine est déjà fortement élaborée. L’esprit théologique règne sur l’ensemble de l’activité intellectuelle. Si le paganisme se maintient encore, le christianisme s’efforce de l’éliminer et de conquérir toutes ses positions.


Première réalisation de la pensée byzantine (vie-xe s.)

C’est à partir du moment où Constantinople exerce une action centralisatrice en tous domaines dans l’Empire que triomphe le byzantinisme. L’activité créatrice s’ordonne selon une certaine hiérarchie, au sommet de laquelle se situent les genres qui traitent des concepts théologiques et philosophiques ; viennent ensuite ceux qui ont trait à la vie religieuse dans le comportement humain ; enfin les genres profanes font diversion à l’austérité des précédents. La pensée païenne cède définitivement devant le christianisme, que soutient l’Empire et dont il est lui-même le soutien (fermeture par Justinien des écoles philosophiques d’Athènes en 529). La vie intellectuelle se concentre dans la capitale. La production se manifeste d’abord avec éclat, se stabilise pendant deux siècles pour connaître une nouvelle renaissance à la fin de cette période.


Le vie siècle

La littérature religieuse, abondante, atteste trois formes. Doctrinale (contre les hérésies nestorienne ou monophysite), elle trouve en Leontios de Byzance (v. 485 - v. 542) un grand théologien, qui, par l’alliance du platonisme et de l’aristotélisme, fonde véritablement la scolastique byzantine. Un courant ascétique se développe en même temps : mysticisme populaire d’un Johannes Moschos († 619) [le Pré spirituel], d’une part, mysticisme élevé, de l’autre, avec Jean Climaque (v. 579 - v. 649) [l’Échelle spirituelle]. Cette création de prose est complétée par la haute poésie des mélodes, dont le plus célèbre est Romanos (ou Rhômanos) auquel on doit une riche production hymnographique.

La chronique et l’histoire rattachent à l’univers chrétien le monde profane pénétré de religiosité. Si les historiens religieux (Théodore le Lecteur, Evagre) ne font guère que continuer l’œuvre de leurs prédécesseurs en étudiant l’histoire ecclésiastique, les historiens profanes sont plus variés et originaux. Jean le Lydien (essai sur les Magistratures) et surtout Procope de Césarée († v. 562) [Histoire des guerres, Traité des édifices, Histoire secrète] sont les figures les plus attachantes de cette époque. La chronique est plus spécialement représentée par Hésychius de Milet et Jean Malalas. Voyageurs et géographes (tels Cosmas Indikopleustês, l’Exploration des mers indiennes) complètent l’œuvre historique.


Les viie et viiie siècles

Ils consolident les résultats de la production du siècle précédent malgré les difficultés qu’éprouve l’Empire à l’extérieur (recul devant les assauts étrangers) et à l’intérieur (crises religieuses du monothélisme et de l’iconoclasme).