Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Bulgarie (suite)

L’art en Bulgarie


Les origines

La Bulgarie a été habitée depuis le Paléolithique. À l’âge du bronze surviennent les Thraces. À côté de la poterie et des objets en métal, le plus remarquable monument laissé par eux est le tumulus de Kazanlăk, un tombeau unique de la fin du ive s. av. J.-C., décoré de peintures murales bien conservées. Le trésor d’or gréco-thrace de Panagjurište est de la même époque. Les Grecs construisent leurs cités le long du littoral de la mer Noire : Dionysopolis (Balčik), Odessos (Varna), Messemvria (Nesebăr). Philippe II de Macédoine donne son nom à Philippopoli (la Plovdiv actuelle), et les Romains, à leur tour, fondent des villes le long du Danube : Serdica (Sofia), Augusta Trajana (Stara Zagora), Pautalia (Kjustendil).

L’architecture chrétienne débute dès l’époque de Constantin, sur le modèle de la basilique hellénistique. Au iiie s. est construite l’église Saint-Georges de Sofia, aux iv-ve s. celle de Buhovo (près de Sofia), au vie s. l’Église Rouge de Peruštica et Sainte-Sophie de Sofia, grand édifice à trois nefs et trois absides, précédé d’un narthex. Le plan basilical de ces églises et leur technique de construction (alternance des assises de pierre et de brique) sont le legs essentiel de l’Antiquité à l’art bulgare du Moyen Âge. En fait, cet art. qui va constituer un tout organique et original, sera formé de quatre composantes essentielles : architecture hellénistique, traditions populaires des nomades des steppes, art décoratif urbain oriental, art byzantin.


L’art bulgare traditionnel (viiie-xviiie s.)

Les plus anciens monuments bulgares sont de l’époque du premier Empire (viiie-xe s.) ; ils furent construits dans la citadelle de Pliska, siège du prince Boris, puis à Preslav, capitale du tsar Siméon. Siméon élève une rotonde à l’intérieur de son palais et une basilique (« église dorée ») de forme hellénistique. Les deux églises seront ornées de mosaïques et, selon la tradition de la Perse sassanide, de plaques émaillées à motifs géométriques ou figuratifs et d’incrustations de marbre. En même temps apparaît l’architecture byzantine : l’église de Patlejna (xe s.), près de Preslav, est en croix grecque surmontée d’une coupole et suit les modèles du mont Athos*. Elle aussi a été décorée de plaques émaillées et de marbres à la manière de l’art urbain oriental ainsi que de mosaïques et de fresques à la manière byzantine.

Désormais, il existe dans l’architecture religieuse les deux formes basilicale et cruciforme, parfois intimement mêlées. Ainsi, la basilique est souvent réduite à une seul nef à trois travées, voûtée et surmontée d’une coupole au-dessus de la travée médiane (Bačkovo, xie s.), tandis que l’église à plan central peut avoir la forme d’un carré (Zemen, près de Radomir, xiie s.), qui prend parfois de l’extérieur, à cause du narthex, un aspect de basilique (église de Vinica, xe s.). Cette intimité de deux formes architecturales opposées, outre la variété des formes décoratives, constitue l’originalité de l’art bulgare.

Cette tendance se poursuit à l’époque de la domination byzantine (1018-1185) et sous le second Empire, jusqu’à l’invasion ottomane de la fin du xive s. Ainsi, l’église du monastère d’Avradak, près de Preslav, et celle d’Asenovgrad (xie-xiiie s.) sont basilicales, alors que celle de Bojana est cruciforme. Dans la sainte ville de Nesebăr, haut lieu de la chrétienté bulgare du Moyen Âge, les églises, toutes ruinées depuis l’époque turque, appartiennent aux deux types. À Tărnovo, capitale du second Empire, l’église Saint-Démétrios (Sveti Dimităr) est basilicale, alors que celle de Saint-Pierre-et-Saint-Paul (Sveti Petăr i Pavel) est cruciforme ; toutes deux sont en pierre et en brique, et leur décor intérieur présente la même dualité qu’à l’époque précédente.

À la fin du xive s., l’art religieux disparaît presque totalement ; en fait, sous les Turcs, les églises de village obéissent aux lois du mimétisme et ne se distinguent pas des maisons environnantes.


L’époque moderne

Vers la fin du xviiie s., l’interdiction de construire des églises est adoucie. Elle est levée en 1839, et l’architecture connaît un nouveau développement. C’est l’époque du réveil bulgare et de l’affirmation de l’Église orthodoxe comme Église nationale. La conséquence de ce dernier fait est la disparition de la forme basilicale et la généralisation de la forme canonique du mont Athos, avec influence de l’école russe. Les plus importants monuments sont la cathédrale Alexandre-Nevski à Sofia et, plus encore, l’ensemble architectural de Rila. Ce monastère ancien fut reconstruit au xixe s. en forme de vaste pentagone irrégulier. Il constitue en lui-même une somme de l’histoire de l’art bulgare. La sculpture y est non de pierre, mais de bois, selon une tradition qui remonte aux nomades des steppes asiatiques. Si l’architecture religieuse est alors entièrement « byzantinisée », l’art profane qui apparaît au même moment — et la peinture en premier lieu — se nourrira aux sources occidentales.


La peinture en Bulgarie

La peinture murale du Moyen Âge se développe parallèlement à celle de Macédoine. Les plus importantes fresques se trouvent au monastère de Bačkovo (xiie-xiiie s.), dans les églises de Zemen (xiie-xiiie s.), de Berende (xiiie s.), de Bojana (xiiie-xive s.) et de Spasovica, près de Kjustendil (xive s.). Les maîtres bulgares dépassent la rigidité des modèles byzantins par une tendance prononcée au réalisme, en particulier à Bojana, et créent — en partant des schèmes communs à l’art orthodoxe — une peinture originale. Ce courant, connu sous le nom d’école de Tărnovo, est tari par la domination turque, durant laquelle la peinture se réduit, pour l’essentiel, aux icônes exécutées dans les ateliers monastiques selon les prototypes du mont Athos.

Le réveil national du xixe s. se caractérise, sur le plan artistique, par l’ouverture de la Bulgarie au monde extérieur. La peinture se dégage de son traditionalisme régional grâce aux voyages que les artistes font à l’étranger : en Russie, ensuite en Allemagne et enfin à Paris. Le fondateur de l’art nouveau est Zaharij Zograf (1810-1853), qui, à la suite de ses études en Russie, rénove l’art dit « iconographique » du xviiie s. Nikolaj Pavlovič (1835-1894) séjourne à Vienne et à Munich, et suit le courant nazaréen. À la Libération, en 1878, Ivan Mărkvička (1856-1938), d’origine tchèque, crée la peinture nationale bulgare, romantique et patriotique : tableaux historiques, batailles, scènes populaires en costumes nationaux. L’école « moderne » débute avec Vladimir Dimitrov-Majstora (1882-1960), disciple de Mărkvička, Kiril Conev (1896-1961), qui étudie auprès d’Oskar Kokoschka, et Benčo Obreškov (né en 1899), influencé par Cézanne.