Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

budget (suite)

Avec la forte augmentation des dépenses publiques et donc de la pression fiscale, il est apparu nécessaire de disposer d’autres indicateurs pour guider la politique économique de l’État et planifier le développement par la formulation, pour la nation, d’un certain nombre d’objectifs concrets de développement. Le budget doit être modifié ; il vient alors à être raisonné en termes d’objectifs de développement que la société se donne et dont la politique économique et les dépenses de l’État doivent permettre la réalisation. Il doit être organisé de manière à permettre de voir si les diverses dépenses de l’État concourent bien à la réalisation de ces objectifs d’ensemble. Cette façon de voir conduit à reclasser et regrouper les dépenses de l’État non pas en fonction d’une classification administrative des services dépensiers, mais en fonction des objectifs de la dépense. C’est là l’essentiel de la méthode de gestion introduite par McNamara en 1961 au ministère de la Défense des États-Unis, largement inspirée par les principes de gestion en vigueur dans les entreprises privées, et qui tendait à mesurer les avantages économiques découlant de la réalisation de certains programmes d’action. Cette méthode, connue sous le nom de Planning Programming Budgeting System (PPBS), a été généralisée, en 1965, à l’ensemble de l’Administration. En France, cette orientation est désignée sous le nom de Rationalisation des choix budgétaires (R. C. B.). Le budget n’est plus qu’un sous-produit du programme, lui-même découlant des objectifs.

Le PPBS (ou la R. C. B.) est, avant tout, une nouvelle façon de considérer le budget : l’opération signifie et tend à réaliser de l’intérieur la remise en cause systématique des procédures d’évaluation et de choix des objectifs de l’action administrative. L’essence de la méthode PPBS consiste à définir des objectifs aussi complètement et précisément que possible, et à comparer systématiquement tous les moyens utilisables pour les atteindre. Les avantages et les coûts de chaque action administrative font l’objet d’une évaluation fondée, si besoin est, sur des estimations forfaitaires, afin de développer au maximum les possibilités de calcul. Non seulement les coûts et avantages directs sont pris en compte mais aussi tout ce qui constitue une charge ou un gain indirects pour la collectivité. S’agissant d’un programme de transport, par exemple, on compare, outre les dépenses et les recettes directement imputables aux différents projets (analyse « coût-avantages »), les gains de temps pour les usagers que chacune des réalisations projetées permet de réaliser (analyse « coût-efficacité »). De toute façon, ces évaluations s’appuient sur des techniques de calcul économique parfois assez avancées (modèles de simulation macro-économique à court terme, micro-économique à court terme, macro-économique à moyen terme ou micro-économique à moyen terme). Après l’évaluation vient le classement des projets établis, au vu de bilans actualisés qui donnent une évaluation prospective, à moyen terme, de l’efficacité relative des actions envisagées pour atteindre l’objectif antérieurement défini. L’opération suivante est marquée par la transformation des objectifs en programmes ou en moyens, en passant par l’« analyse de système » propre à indiquer les possibilités et les limites des programmes.

Des exemples ci-contre, il apparaît que l’analyse de système est une critique et une contestation permanentes. Elle peut aboutir à remettre en cause les objectifs assignés à un service administratif. Ainsi, dans la construction d’un métro, il ne s’agira pas seulement de savoir quel est le meilleur tracé pour que ce nouveau moyen de transport atteigne effectivement ses objectifs et sa meilleure rentabilité. Il faudra aussi poser la question de savoir si les problèmes de mouvements et de déplacements de la population de la ville où est construite le métro justifient la construction de ce dernier. Il est possible qu’une nouvelle distribution des lieux de travail et de résidence puisse changer radicalement les données du problème. C’est cette philosophie de la remise en cause qui constitue toute l’originalité et tout l’intérêt de la R. C. B. Il y a reformulation des objectifs pour savoir si ceux-ci sont bien définis et énoncés. Il peut y avoir également reformulation ou modification de ces objectifs si le ou les programmes proposés sont soit non rentables, soit non réalisables, compte tenu des diverses contraintes. Dans ces conditions, la R. C. B. doit tendre à mieux éclairer les choix demandés à tous les niveaux d’autorité, et d’abord aux ministres, chefs des départements traditionnels de l’action gouvernementale. Elle se propose d’introduire dans le secteur administratif un souci de productivité qui a été jusqu’ici propre au secteur privé, mais que les conditions rigoureuses de la concurrence internationale obligent à développer dans l’ensemble des activités nationales tant publiques que privées.

L’évaluation précise des objectifs en permet la somme. Par une appréciation plus exacte du coût et des avantages de chacun d’eux, elle offre aux autorités publiques, à qui incombe la décision, la possibilité d’un choix dans l’affectation des moyens, a priori limités, à tel ou tel des différents objectifs, dont un jugement proprement politique aura établi la hiérarchie. La traduction financière en est le « programme », ensemble cohérent de moyens, définis après analyse du système le plus efficient, et assignés à la réalisation d’un objectif sur une certaine période. Le compte rendu d’exécution ne se ramène plus à la justification de la dépense faite suivant des normes et des procédures étroitement contrôlées, il doit être donné en termes de réalisations d’objectifs selon le programme établi. Ainsi conçoit-on que la méthode des programmes ouvre la perspective à une véritable décentralisation de la décision dans la discipline d’une hiérarchie d’objectifs et de moyens, précisément évalués et exactement assignés. Chaque service à son échelle connaît le sens de son action, peut y adapter ses moyens et devient responsable du résultat, cependant que la remontée d’informations réellement significatives renseigne l’autorité au plus haut niveau sur l’efficacité quotidienne de l’action administrative et lui donne la possibilité de corriger, infléchir, adapter et calculer l’étape suivante avec les moyens nécessaires. Du même coup, la possibilité est offerte d’informer régulièrement l’opinion des objectifs collectifs poursuivis par l’État, de faire comprendre les buts et les raisons de l’action administrative, et, par la diffusion de données chiffrées sur les résultats obtenus, de mieux justifier en des termes plus concrets devant le contribuable les sacrifices qui lui sont demandés : tout ce que, malgré les efforts de présentation, la technique budgétaire en vigueur ne permet pas de faire de façon réellement convaincante.

Néanmoins, entre la théorie et la pratique de la R. C. B., il y a des écarts considérables. L’analyse du système n’est pas susceptible d’une application généralisée à toute l’Administration. Cette technique ne prévaudra que dans des domaines particulièrement bien adaptés, et cela pour différentes raisons.