Bucer (Martin) (suite)
Ces profonds changements dans la vie des paroisses s’accompagnent d’une réforme des couvents et des écoles : ces dernières reçoivent une partie des biens monastiques, rendus libres par la fermeture des communautés, l’autre partie allant à l’assistance publique. À chaque paroisse est désormais attachée une école primaire mixte, et, en 1527, un catéchisme dû à la plume de Capiton devient la base de la formation chrétienne des jeunes.
Mise en cause par l’autorité impériale, la ville, représentée à Spire par Jakob Sturm, se joint à la célèbre « protestation » (1529), et, en vue de la diète d’Augsbourg (1530), Bucer et Capiton rédigent un texte symbolique, qui, approuvé par Constance, Lindau et Memmingen, reçoit le nom de « Confession tétrapolitaine ». Bucer et ses amis tiennent une place de conciliateurs entre les cantons suisses zwingliens et les États allemands luthériens. Mais, après la défaite de Rappel (1531) et la mort de Zwingli*, les Strasbourgeois se rapprochent des gens de Wittenberg et, en 1536, signent la « Concorde de Wittenberg », qui traduit, en particulier, un accord entre Bucer et Luther sur l’eucharistie.
Relativement à l’abri des menaces représentées par les méfiances impériales, Bucer et ses amis, vainqueurs aisés du parti catholique à Strasbourg, ont affaire à la menace représentée par les anabaptistes* et les illuministes de toutes sortes. Les mesures diverses prises par le magistrat contre les « enthousiastes » lui paraissant insuffisantes, Bucer, en 1531, organise la structure intérieure des paroisses, adjoignant à chaque pasteur un conseil de laïcs, chargés de veiller et sur le pasteur et sur le troupeau. Cette disposition est, jusqu’à aujourd’hui, une des caractéristiques fondamentales des communautés protestantes. Pour combattre l’individualisme paroissial, il fait convoquer en 1533 un synode qui met au point un règlement ecclésiastique, fondé sur la Confession tétrapolitaine, et institue un « couvent ecclésiastique », réunion hebdomadaire des pasteurs et de trois anciens, dans le but de discuter des questions de doctrine et du ministère. Il en est le premier président.
Pour former les conducteurs de l’Église, Bucer, en 1538, procède à la création d’une « haute école », dont le premier recteur est Johannes Sturm (1507-1589), ancien professeur au Collège royal de Paris. Cette institution, où la théologie tient une place de choix, ne tarde pas à avoir un rayonnement considérable, bien au-delà de Strasbourg.
Mais l’empire ne désarme pas et, en 1547, à la suite de la défaite de la ligue de Smalkalde, à laquelle Strasbourg appartenait, Jakob Sturm (1489-1553) doit faire amende honorable devant l’empereur, au nom de la ville dont il est le chef civil. La ruine de l’œuvre de réforme entreprise s’annonce, et Bucer, qui refuse de cautionner les compromis qui l’inaugurent, est banni en 1549, sous la pression conjuguée de l’empereur et de l’évêque et malgré la résistance des autorités civiles. Réfugié en Angleterre et nommé professeur royal à l’université de Cambridge, il y meurt en 1551, ayant trouvé moyen pendant ce court laps de temps de contribuer à la refonte du Prayer Book (v. anglicanisme) et de rédiger son traité théologique le mieux structuré : De regno Christi.
À Strasbourg, « l’ouverture d’esprit et la largeur de cœur » (H. Strohl) de la réforme bucérienne ne survécurent pas à la disparition de son fondateur. Dans l’espoir de sauver les communautés protestantes des menaces qui pesaient sur elles, Johann Marbach (1521-1581), luthérien intransigeant, s’engagea sur la voie d’un dogmatisme strict et d’une orthodoxie figée.
G. C.
➙ Calvin / Luther / Protestantisme / Réforme.
H. Strohl, le Protestantisme en Alsace (Oberlin, Strasbourg, 1950). / F. Wendel, Martin Bucer : Esquisse de sa vie et de sa pensée (Société pastorale, Strasbourg, 1951). / N. Peremans, Érasme et Bucer (1523-1536) d’après leur correspondance (Les Belles Lettres, 1971).