Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bucarest (suite)

Bucarest, ville d’histoire et d’art

Les vestiges d’habitat humain sur le territoire actuel de la ville remontent au Paléolithique et témoignent de la continuité de la vie en cette zone de la plaine roumaine jadis recouverte par les forêts de la Vlăsia. Les découvertes archéologiques attestent l’existence, au xive s., d’un fort autour duquel la ville s’est développée ; mais le nom de Bucarest est mentionné pour la première fois sur le parchemin du 20 septembre 1459 signé par Vlad l’Empaleur, voïévode de Valachie, qui construit la citadelle de Bucarest pour arrêter l’avance des Turcs. En 1659 la ville devient définitivement la capitale de la Valachie. En 1678, la première imprimerie bucarestoise est créée ; une académie de langue grecque est fondée au temps du voïévode Constantin Brîncoveanu (1688-1714).

Le destin de Bucarest est marqué au xixe s. par l’affirmation de la conscience nationale (fondation de l’école de Saint-Sava en 1818) et par la pénétration des idées novatrices de la Révolution française. La ville réagit au mouvement révolutionnaire de Tudor Vladimirescu (1821), à la révolution de 1848, puis au large mouvement populaire pour l’union des principautés roumaines. En 1862, devenue capitale de la Roumanie, qui conquiert son indépendance en 1877, la ville connaît un rapide essor industriel, commercial et culturel, qui s’accentue après 1918, lorsqu’elle devient la capitale de l’État national unitaire roumain. Le 23 août 1944, Bucarest est au cœur de l’insurrection nationale qui aboutit à la liquidation de la dictature d’Antonescu et à l’adhésion de la Roumanie à la coalition antihitlérienne. C’est toujours à Bucarest que sont proclamées en 1947 l’abolition de la monarchie et l’instauration de la république.

Quatre traités de paix européens ont été signés à Bucarest : le 28 mai 1812, à la fin de la guerre russo-turque de 1806 à 1812 ; le 19 février et le 3 mars 1886, le traité qui mit un terme à la guerre de 1885-1886 entre la Serbie et la Bulgarie ; le 10 août 1913, la paix entre la Bulgarie, d’une part, et la Serbie, le Monténégro, la Grèce et la Roumanie de l’autre, marquant la fin de la seconde guerre balkanique (1913) ; le 7 mai 1918, le traité conclu entre la Roumanie et les Puissances centrales, momentanément victorieuses.

Parmi les monuments historiques et architecturaux remarquables de Bucarest, il faut citer : l’église de Curtea Veche (xvie s.) ; l’église de Radu Vodă (1568) ; celle de Mihai Vodă (v. 1590) ; la Patriarchie (1665) ; l’église de Colţea (1701-1702) ; l’église Creţulescu (1722), synthèse de l’architecture de l’époque de C. Brîncoveanu ; l’église Stavropoleos (1724) ; le palais Ştirbei (v. 1835), actuellement musée d’Art populaire ; le palais Şuţu (1832-1835), actuel musée de la Ville de Bucarest ; l’université (1859-1866) ; l’Athénée roumain (1886-1888) ; le palais de justice (1896) ; le « Buffet », l’une des premières constructions en style roumain pur due à l’architecte Ion Mincu (1852-1912) ; le palais de la République (1937) ; enfin, le palais du Conseil des ministres.

P. P.

A. B.

➙ Roumanie.

Bucer (Martin)

Réformateur alsacien (Sélestat 1491 - Cambridge 1551).


Issu d’une famille pauvre, Martin Bucer entre à l’âge de quinze ans dans l’ordre des Dominicains. Vivant à partir de 1516 au couvent de Heidelberg, il suit les cours de l’université de cette ville et y subit l’influence de l’humanisme d’Érasme*.

L’événement décisif, dans son évolution spirituelle, est la rencontre avec Martin Luther*, lors de la dispute de Heidelberg (avr. 1518), où le futur réformateur, à la suite de la publication des 95 thèses d’octobre 1517, comparaît devant un chapitre général de l’ordre des Augustins. Bucer, gagné par l’extraordinaire courage et la forte personnalité de Luther, embrasse son parti : il se fait délier de ses vœux, se marie et s’en va prêcher la Réforme à Wissembourg, d’où l’évêque de Spire ne tarde pas à le faire expulser.

Pendant ce temps, des événements décisifs ont lieu à Strasbourg : Matthäus Zell (1477-1548), prêtre habitué de la cathédrale, gagné aux idées de Luther par la lecture de ses ouvrages, se met à prêcher sur l’épître aux Romains, de façon telle que le peuple en foule se presse pour l’écouter, ce qui ne tarde pas à lui valoir une accusation d’hérésie. Zell, en 1523, publie pour sa défense un véritable manifeste réformateur : Responsabilité chrétienne. Cherchant des alliés dans sa lutte, il les trouve en Wolfgang Köpfel — ou Capiton (1478-1541), le prévôt du chapitre de Saint-Thomas, théologien et prédicateur de renom, collaborateur d’Érasme, professeur à l’université de Bâle et conseiller de l’archevêque de Mayence — et en Martin Bucer.

Ce dernier commence à donner des cours bibliques à l’usage du clergé et des laïcs ; il publie aussi de petits traités (Que nul ne vive pour soi-même, mais pour les autres, Sommaire des prédications de Wissembourg) qui connaissent un succès considérable. Non seulement ils gagnent définitivement à la Réforme Capiton, qui hésitait encore, et Hédion (1494-1552), que le chapitre de la cathédrale avait fait venir pour contrebalancer par ses prédications l’influence de Zell, mais encore, il convainc les autorités civiles et de larges couches de la population de la vérité des positions luthériennes.

Invités par les autorités civiles à expliquer en public l’Écriture sainte, Capiton se lance dans le commentaire de l’Ancien Testament et Bucer dans le Nouveau, et spécialement des Évangiles. Conquérant toutes les paroisses de la ville, les deux prédicateurs, entourés bientôt d’une pléiade de compagnons et appuyés en particulier par Jakob Sturm, le « Stettmeister » ou président du sénat de la ville, mettent en œuvre une réforme du culte en 1524, avec, notamment, l’introduction de la « messe allemande ». À la fin de cette année, Bucer, dans son Fondement et cause des innovations, justifie les transformations introduites dans la liturgie.