Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bruegel (Pieter II), dit Bruegel le Jeune ou Bruegel d’Enfer (suite)

« Très habile dans la copie et l’imitation des œuvres de son père », telle était l’appréciation — assez exacte — de Van Mander. Ses répliques et copies, tantôt fidèles, tantôt accusant des variantes, sont d’une qualité inégale. Le dessin est parfois très gauche, et on ignore jusqu’à quel point cette gaucherie doit être imputée à la main inexpérimentée d’un élève. En comparaison avec le génie pictural de son père, son talent apparaît plutôt mièvre. Son savoir-faire est honnête, mais nettement plus sec. Grâce à une technique saine, ses panneaux ont souvent conservé une grande fraîcheur, mais il n’a rien compris à la puissante stylisation propre à l’œuvre bruegélien et encore moins à son contenu philosophique. Le caractère anecdotique et folklorique est encore accentué dans les compositions de son propre cru.

R. H. M.

 G. Marlier, Pierre Brueghel le Jeune, édition posthume annotée par J. Folie (R. Finck, Bruxelles, 1969).

Bruegel (Jan I), dit Breugel de Velours

Peintre des anciens Pays-Bas méridionaux, deuxième fils de Pieter Bruegel l’Ancien (Bruxelles 1568 - Anvers 1625).


Selon Van Mander, il aurait appris la peinture à la détrempe chez sa grand-mère maternelle, Maria (ou Mayken) Verhulst, dite Bessemers, miniaturiste de son métier et veuve de Pieter Coecke Van Aelst. Ensuite, il aurait étudié la peinture à l’huile chez le peintre anversois Pieter Goetkint. Devenu majeur, il se rend en Italie, où il demeure six ans. Rentré à Anvers, il devient membre de la gilde de Saint-Luc, corporation des peintres dont il sera doyen en 1601-02. Marié en 1599 avec la fille du graveur sur cuivre Gérard de Jode, il est veuf en 1603 et se remarie deux ans plus tard.

Ce fut un peintre à succès, vivant dans l’aisance. Son portrait de famille, dû au pinceau de Rubens* (Londres, coll. priv.), en témoigne. Protégé de Frédéric Borromée, archevêque de Milan, et, depuis 1609, peintre de la cour de l’archiduc Albert, il se rendit en Allemagne dans les années 1610-1620 ; on le retrouve notamment à Prague, à Nuremberg, à Heidelberg et à Frankenthal. Il fut emporté, semble-t-il, par le choléra. On lui connaît six enfants, dont Jan II (1601-1678) et Ambrosius (1617-1675), peintres à leur tour. Sa fille Anna épousa en 1637 David II Teniers*. Avec lui, l’orthographe « Breug(h)el » (au lieu de « Bruegel ») devient plus fréquente.

Au début de sa carrière, on retrouve dans ses tableaux des éléments boschiens et des sujets mythologiques. Il a même copié des œuvres de son père. Mais, si les paysages de ce dernier lui ont servi de point de départ, il s’est montré bien plus indépendant et original que son frère Pieter. Il semble avoir beaucoup appris de Gillis Van Coninxloo : d’aucuns estiment que ce fut plutôt lui qui étudia chez ce peintre, et non son frère Pieter, comme le veut Van Mander.

Il a largement contribué, à partir de 1608, à la création du tableau de fleurs, spécialité qui lui valut le surnom de « Bloemenbreugel » : Breugel-aux-fleurs. Il eut comme apprenti un autre « fleuriste » célèbre, Daniel Seghers (1590-1661).

L’inquiétude philosophique n’est guère son fait. Ses Paradis et ses séries, tels les Quatre Éléments ou les Cinq Sens, lui servent de prétexte pour composer des scènes charmantes, peuplées d’une multitude d’objets, d’animaux exotiques et de fleurs. Breugel « de Velours », son surnom le plus connu, lui a probablement été donné à cause de son métier d’une extrême finesse, dont il était au demeurant très fier, et de son coloris précieux.

Il a réalisé un très grand nombre de tableaux en collaboration avec d’autres peintres : Johann Rottenhammer, Hendrik Van Balen, Hendrik de Clerck, Joost de Momper, Paulus Bril, Pieter Neefs, Sebastiaan Vrancx, Frans II Francken, sans oublier Rubens, avec lequel il était très lié. Tantôt c’était lui qui « étoffait » leurs tableaux de personnages ou de guirlandes de fleurs, tantôt c’étaient ses confrères qui exécutaient les « accessoires ». Aussi, les attributions posent-elles parfois des problèmes quasi insolubles, d’autant plus que son fils, Jan II, semble avoir produit des tableaux du même genre à une échelle que l’on peut qualifier d’industrielle.

R. H. M.

 J. Denucé, Bronnen voor de Geschiedenis van de Vlaamsche Kunst, III, Brieven en documenten betreffende Jan Breugel I en II (Anvers, 1934). / J. Combe, Brueghel de Velours (Éd. du Chêne, 1943). / M. Eemans, Breughel de Velours (Meddens, Bruxelles, et Éd. du Centurion, Paris, 1964). / G. Winkelmann-Rhein, Blumen-Brueghel (Cologne, 1968 ; trad. fr. Brueghel de Velours, Desclée de Brouwer, 1972).

Bruges

En néerl. Brugge, v. de Belgique, ch.-l. de la province de la Flandre-Occidentale ; 117 220 hab. (Brugeois).
De toutes les grandes villes flamandes situées sur une ligne ouest-est au contact des collines et de la « vallée flamande », Bruges, au fond d’un golfe (le Zwin), est la plus occidentale, la plus proche de la mer du Nord.



Les origines, l’ascension

Née au pied d’une forteresse (castrum) servant de résidence au comte de Flandre Baudouin Ier (866-879), dotée aussitôt d’un atelier monétaire, Bruges est sans doute dès l’origine un centre commercial. En témoignent son nom « Brugge », synonyme de débarcadère, et sa localisation à l’extrémité du golfe « Sincfal », en un point où les voies navigables recoupent les voies terrestres menant à Gand, à Courtrai et à Ypres depuis la seconde transgression dunkerquienne (ive-viiie s. apr. J.-C.). En fait, le recul, dès le ixe ou le xe s., de la mer, mal compensé par la concentration des eaux de l’ancien golfe « Sincfal » dans les deux chenaux canalisés de la Reie à l’est (entre Bruges et Damme), puis du « Vieux Zwin » à l’ouest, diminue très rapidement la valeur du site portuaire, que complète heureusement la rade étendue et profonde du golfe de Zwin, créé par le raz de marée de 1134.

À cette date, la fusion en une seule agglomération du castrum comtal (le Bourg) et du portus marchand (castellum forinsecum, le « Faubourg ») est concrétisée par la construction, au plus tard en 1127, d’une enceinte enserrant une superficie de 86 ha.