Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

brucelloses

Maladies infectieuses causées par des germes du genre Brucella. La plus répandue est la fièvre de Malte, ou fièvre ondulante, due à Brucella melitensis, les autres étant surtout des maladies animales, provoquant des avortements chez les Vaches et les Truies.



Historique

C’est le médecin australien David Bruce (1855-1931) qui, en 1887, trouva dans la rate d’un soldat anglais en garnison à Malte, mort de fièvre ondulante, Micrococcus melitensis. En 1897, le vétérinaire danois Bernhard Bang (1842-1932) découvrit Abortus bovis, à l’origine d’avortements chez les Bovidés. Puis Traum mit en évidence Abortus suis, pathogène chez la Truie. En 1918, la parenté entre ces trois germes fut établie par Alice Evans (née en 1881).


Bactériologie

Les Brucellas sont de petits bacilles Gram négatif de 1,5 μ, immobiles, qui ne poussent bien que sur des milieux spéciaux. Certaines exigent une atmosphère enrichie en CO2. Les colonies apparaissent en trente-six à quarante-huit heures.

Ces germes fermentent peu les sucres. La rapidité variable de leur action uréasique, la qualité de leur production d’hydrogène sulfuré (H2S), l’inhibition de leur culture par certains colorants permettent une identification biochimique des trois variétés. Leur structure antigénique est complexe.


Pathologie animale

• Pouvoir pathogène naturel. Si chaque espèce a une affinité particulière pour une famille animale, la spécificité n’est pas absolue. La maladie, parfois inapparente, se traduit par des avortements chez les femelles et des infections génitales chez les mâles.

Brucella melitensis atteint surtout les Caprins et les Ovins, mais aussi les Porcs, Brucella abortus bovis surtout les Bovins, mais aussi les Chèvres, et Brucella suis les Porcs.

Chevaux, Chiens peuvent être atteints, ainsi que certains animaux sauvages.

• Expérimentation. Le Cobaye est l’animal de laboratoire le plus sensible. Il a permis de démontrer que les brucelloses se développent dans les cellules du système réticulo-endothélial et essaiment dans les différents organes où apparaissent les lésions secondaires.


Épidémiologie et pathologie humaine

Il n’y a pas de contamination entre humains. L’homme se contamine au contact des animaux malades :
— soit par contamination directe dans deux tiers des cas, lors des soins, de la traite des animaux (les litières sont très contaminantes) ;
— soit par contamination indirecte, par le lait cru (surtout le lait de Chèvre), les fromages frais, l’eau.

La fièvre ondulante est essentiellement une maladie rurale et professionnelle.

Le germe se développe dans les ganglions lymphatiques, à partir desquels il passe dans le sang en décharges successives (septicémie). Il se localise ainsi aux différents viscères.

La maladie humaine se manifeste soit comme une septicémie, soit comme une atteinte localisée à certains organes.


Forme septicémique

C’est la forme sudoro-algique (avec sueurs et douleurs). Dans un délai variable après la contamination, de dix à soixante jours (incubation), apparaissent les signes de la maladie : fièvre ondulante, en règle générale bien supportée ; sueurs abondantes, permanentes ; douleurs diffuses musculaires, osseuses, d’intensité variable.

L’examen peut retrouver une augmentation de la rate, du foie et des ganglions. Le diagnostic doit être confirmé par les examens de laboratoire.

Traitée, la septicémie guérit en quelques jours dans la majorité des cas, mais le traitement doit être prolongé.


Formes avec localisations

Les localisations sont :
— ostéo-articulaires (aiguës ou chroniques) de survenue tardive et de diagnostic difficile, atteignant surtout la colonne vertébrale, les hanches sous forme d’arthrites aiguës ;
— glandulaires (aux testicules surtout [orchite]) ;
— nerveuses, se traduisant par une atteinte méningée ou, plus rarement, cérébrale ;
— hépatiques et endocardiques, exceptionnelles.

Ces foyers se manifestent après la phase septicémique ; l’évolution en est longue et le traitement difficile.


Diagnostic

Il est confirmé par le laboratoire. Devant un ensemble de signes cliniques évocateurs, la diminution des globules blancs oriente. Mais seuls l’isolement du germe par les hémocultures ou la mise en évidence d’anticorps par le sérodiagnostic de Wright (v. agglutination), qui devient positif au dixième jour, peuvent permettre de reconnaître la maladie.

On peut également recourir à des réactions d’immunofluorescence ou rechercher l’hypersensibilité retardée par l’intradermo-réaction à la mélitine (filtrat de B. melitensis, par analogie avec la tuberculine, filtrat de bacille tuberculeux).

Facile dans les formes septicémiques vues tôt, le diagnostic devient très malaisé lorsqu’une localisation survient isolément.


Le traitement

Il associe, en fonction du stade de la maladie, les antibiotiques (tétracyclines, streptomycine) et l’antigénothérapie (vaccins). Les corticoïdes sont réservés aux formes graves.

La prophylaxie des brucelloses, maladies à déclaration obligatoire, repose sur l’élimination du cheptel malade et la vaccination animale. L’hygiène manuelle et alimentaire (lait, fromages) est essentielle.

P. V.

Bruckner (Anton)

Compositeur autrichien (Ansfelden 1824 - Vienne 1896).


Peu de compositeurs ont été influencés autant que Bruckner par leurs origines et par leur foi catholique. Né dans une petite bourgade de Haute-Autriche, il poursuit d’abord modestement une double carrière d’instituteur et d’organiste adjoint. En 1856 seulement, nommé organiste à la cathédrale de Linz et bénéficiant de la protection de son évêque F. J. Rudigier, il peut abandonner ses activités d’enseignant et échapper à son milieu provincial. Accepté comme élève par Simon Sechter (1788-1867), célèbre professeur de contrepoint résidant à Vienne, il se rend régulièrement chez lui jusqu’en 1861. Le directeur du théâtre de Linz Otto Kitzler lui communique sa passion pour Wagner : Bruckner assiste, en 1865, à la création de Tristan à Munich. Rencontrer Wagner et se faire apprécier de lui devient un de ses objectifs les plus chers, réalisé en 1873 au cours d’un séjour à Bayreuth, suivi plus tard de quatre autres (1876 pour la Tétralogie, 1882 pour Parsifal, 1886 et 1892). Ses premiers chefs-d’œuvre datent de sa quarantième année. D’une production abondante se détachent onze symphonies, dont deux dites respectivement « en fa mineur » (1863) et « no 0 » (1864-1869), trois messes en (1864), en mi (1866) et en fa mineur (1868) dans la tradition de Haydn et de Schubert, un quintette à cordes (1879) et un Te Deum (1884). Par-delà leurs personnalités propres, les symphonies ont des traits communs : quatre mouvements, avec scherzo en seconde position dans les deux dernières ; sonorités non pas wagnériennes, mais évoquant plutôt l’orgue, faites pour une acoustique de cathédrale avec silences subits, brisant de manière abrupte l’éclat des cuivres ; premiers mouvements à trois thèmes ; adagios fort mystiques, tendant vers d’impressionnants sommets précédés d’une sorte d’ascension immatérielle appelée par certains « échelle céleste » ; scherzos faisant appel ou non au rythme de Ländler ; finals affirmatifs, superposant parfois en leur point culminant, comme celui de la huitième, les thèmes de tous les mouvements en une polyphonie magistrale. Des neuf symphonies numérotées, dont la dernière inachevée, seule la première (1866) précède les deux dernières messes. La deuxième date de 1871-72. Avec la problématique troisième (1873) se clôt le premier groupe, fait d’œuvres en mineur et non sans rapports avec les trois grandes messes. Le groupe suivant, auquel se rattache le quintette, comprend trois partitions en majeur : l’avenante quatrième (1874), dite « romantique » ; la cinquième (1875, 1876-1878), grandiose avec son final fugué ; l’instable et étrange sixième (1879-1881). Les trois dernières s’opposent au subjectivisme des premières et au romantisme plus ou moins fantastique des médianes par leurs dimensions encore plus vastes et par leurs aspirations spirituelles : ce sont la septième en mi majeur (1881-1883), dédiée à Louis II de Bavière et dont les ultimes mesures du sublime adagio furent conçues sous le coup de la mort de Wagner, la monumentale huitième en ut mineur (1884-1890), dédiée à l’empereur François-Joseph, et l’audacieuse neuvième en mineur (1887-1896), dédiée au Bon Dieu. Ces œuvres et leur auteur eurent du mal à s’imposer. Bruckner devint professeur au conservatoire de Vienne en 1868 et à l’université en 1875. Mais, installé dans la capitale, il y fut en butte aux attaques de la faction brahmsienne, menée par le critique Eduard Hanslick (1825-1904), et n’obtint son premier grand succès qu’à soixante ans, avec la création, à Leipzig, de la septième symphonie (30 déc. 1884). Maladroit dans sa vie sentimentale, trahissant à chaque instant ses racines paysannes, il s’opposa totalement au type d’artiste alerte et cosmopolite à nous légué par le xixe s. et personnifié par Mendelssohn ou Berlioz, Liszt ou Wagner. Il délaissa le lied, le poème symphonique et l’opéra, et il resta complètement étranger au côté philosophique et métaphysique de Wagner, déclarant, malgré son culte pour ce maître, ne rien savoir de l’intrigue du Crépuscule des dieux, pour lui vaste symphonie plutôt que partition dramatique. Mais il reste le seul de son temps à avoir poursuivi, dans un contexte pas toujours favorable, mais plus ambitieusement que Brahms, la grande symphonie beethovénienne et schubertienne. D’où, compte tenu aussi de son imprégnation par une foi naïve par moments, mais toujours sincère, l’effroi des éditeurs, des interprètes, du public ; d’où également, par retour, un manque de confiance en soi encore accru et qui le poussa à des révisions multiples de sa musique : il en existe fréquemment plusieurs versions (même éditées), dont les plus tardives ne sont pas toujours préférables. L’exécution de la huitième symphonie à Vienne, le 18 décembre 1892, valut à son auteur un second grand triomphe. Bruckner ne fut pourtant plus, après 1890, qu’un homme malade, qui dut abandonner successivement ses fonctions officielles. De décembre 1894 au matin de sa mort, il travailla au final de sa neuvième symphonie, et c’est au début de la coda que la plume lui tomba des mains.

M. V.