Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Brousse (suite)

Brousse possède de nombreux mausolées, datant des xive, xve et xvie s., parfois refaits au xixe s., petits bâtiments carrés ou polygonaux sous coupole, en partie renfermés dans les jardins de la mosquée de Murad II (1424-1427), sorte de panthéon national. Le décor de ces monuments, comme celui des mosquées et des medrese, rompt avec le goût des Seldjoukides : le porche d’apparat disparaît pour s’intégrer à la façade ; la surabondante sculpture s’amenuise et s’appauvrit. Par contre, les stalactites s’emparent des chapiteaux, et la couleur commence à régner : placages de marbre et surtout céramique. La faïence polychrome, alternant avec des plaques à glaçure monochrome verte de grande beauté, couvre les intérieurs et parfois les extérieurs (mosquée Verte). Elle triomphe au tombeau Vert (Yeşil Türbe), construit pour Mehmed Ier au début du xve s. Son sarcophage, avec décor épigraphique sur fond de fleurs, est un des plus beaux morceaux de céramique réalisé en islām.

Les eaux thermales, exploitées depuis l’Antiquité, ont suscité la construction de nombreux bains à valeur architecturale. Ceux de Theodora (Eski-Kaplıca) furent restaurés par les Ottomans à la fin du xive s. et incorporent des éléments byzantins. Proprement turcs sont ceux de Karamustafa (xviie s.) et de Yeni-Kaplıca (xvie s.), ce dernier le plus remarquable de tous.

J.-P. R.

 A. Gabriel, Une capitale turque, Brousse (Bursa) [De Boccard, 1958 ; 2 vol.].

Broussilov (Alekseï Alekseïevitch)

Général russe (Saint-Pétersbourg 1853 - Moscou 1926).


Peu bavard, calme et méthodique, celui qui, avec le grand-duc Nicolas*, fut l’un des plus brillants chefs de la dernière armée des tsars s’était d’abord affirmé comme un des meilleurs techniciens de la cavalerie russe. Colonel à quarante-six ans, général en 1905, Broussilov commandera la 2e division de cavalerie de la Garde, puis, en 1913, le 14e corps. Mis à la tête de la VIIIe armée lors de la déclaration de guerre en 1914, il enfonce en août l’aile droite autrichienne en Galicie, franchit les Carpates, atteint Halicz le 2 septembre, puis résiste dans la région de Przemyśl aux assauts désespérés des Autrichiens. Après la terrible défaite russe en Pologne, il rétablit à la fin de 1915 sa VIIIe armée en Volhynie ; c’est lui qui, en septembre et en octobre, lance en direction de Loutsk la première contre-attaque qui, à la grande surprise des Allemands, témoignera, comme l’écrit Hindenburg, que « l’ours russe saigné de plus d’une blessure n’était pas frappé à mort ».

Broussilov allait, en 1916, en donner la preuve éclatante. Un sursaut national, appuyé aussi bien par la douma que par les zemstvos, avait permis au tsar, commandant en chef depuis septembre 1915, de reconstituer le potentiel militaire russe. Tandis qu’un immense effort est accompli par l’industrie de guerre, 144 écoles « fabriquent des aspirants », qui, à l’ébahissement général, donneront à la Russie les plus belles victoires qu’elle ait connues durant cette guerre. La genèse de l’offensive russe de 1916 remonte aux décisions interalliées arrêtées à Chantilly sous l’inspiration de Joffre en décembre 1915. Pour répondre à l’assaut allemand sur Verdun, les Russes lancent en mars 1916 trois de leurs armées dans la région du lac Narotch. Pour soulager les Italiens, enfoncés dans le Trentin, la stavka accepte d’avancer au 4 juin l’offensive du front russe du Sud-Ouest, dont le commandement vient de passer (6 avr.) du faible général Ivanov à Broussilov. Celui-ci s’est dépensé sans compter pour améliorer la qualité de ses armées, qui rassemblent en tout une quarantaine de divisions. Son intention est simple : pour empêcher l’ennemi de faire jouer ses réserves, il attaquera sur l’ensemble des 400 km de son front. En quinze jours, Loutsk, Doubno et Czernowitz (auj. Tchernovtsy) sont pris, les IVe et VIIe armées austro-hongroises sont volatilisées, et Broussilov lance son ordre du jour célèbre : « La Russie suit vos succès, frappez fort ! » Au sud du Dniestr, la Bucovine est entièrement conquise, et, malgré la vigueur des réactions du G. Q. G. allemand, l’avance russe se poursuit sur Stanislav (10 août) puis sur la frontière hongroise, atteinte entre le 20 et le 30 août.

La victoire de Broussilov portait un coup terrible à l’armée austro-hongroise, qui perdait en trois mois plus de 420 000 prisonniers. Ses conséquences politiques furent aussi importantes, puisque l’arrivée des cavaliers russes du comte Keller le long de la frontière roumaine allait vaincre les hésitations du gouvernement de Bucarest et engager, le 27 août, la Roumanie dans la guerre aux côtés des Alliés. « La guerre est gagnée, déclarait Broussilov, en novembre 1916, à un journaliste américain, il suffit d’avoir la volonté de continuer. »

Mais bientôt la révolution éclatait, provoquant l’abdication du tsar (15 mars) et entraînant la désagrégation des armées du front. Pour arrêter leur décomposition, Kerenski, ministre de la Guerre du prince Lvov, nommait Broussilov commandant en chef le 4 juin 1917 et le pressait de monter une nouvelle offensive en Bucovine. Déclenchée le 1er juillet, cette ultime attaque de l’armée russe aboutit à un désastre. Le 1er août, Broussilov démissionnait. Passionnément attaché à son pays, Broussilov refusera de suivre les « blancs » et se ralliera au régime soviétique. À Denikine, qui lui reprochera son attitude, il répondra : « Croyez-vous que c’est de gaieté de cœur que je brandis le drapeau rouge ? Le pays est malade et je ne connais pas d’autre remède que le drapeau rouge. » L’Introduction à ses Mémoires, édités à Moscou en 1963, nous apprend qu’en 1920 il préside un conseil de généraux de l’ancienne armée chargé de l’organisation de l’armée rouge. Son premier mémento, paru en 1919, n’est autre que l’Art de vaincre de Souvorov, cet évangile éternel de l’armée russe.

J.-E. V.

➙ Guerre mondiale (Première).