Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Brésil (suite)

Les plantations de caféiers de la zone de São Paulo et du nord de l’État de Paraná ont connu, elles aussi, une évolution. Ces plantations furent tout d’abord de grandes propriétés qui firent la fortune des familles de São Paulo, et furent, au moins partiellement, à l’origine des investissements qui transformèrent la région en une zone industrielle. La crise de surproduction de 1929, en atteignant la vente du café, dont la plus grande partie est exportée, a entraîné de grandes difficultés pour les propriétaires, dont un certain nombre furent contraints à vendre ou du moins à morceler leur domaine. Aussi existe-t-il, à côté des grandes propriétés qui subsistent, des exploitations plus modestes cultivées en famille avec l’aide d’un ou deux ouvriers agricoles. Les petites exploitations sont parties intégrantes d’une grande propriété et mises en valeur par un fermier ou un métayer, contre redevance au propriétaire, ou la propriété même de celui qui les cultive, par suite du lotissement d’un ancien grand domaine.

La zone de production du cacao est plus récente. Elle s’est développée à la fin du xixe et au début du xxe s., dans la partie méridionale de l’État de Bahia, particulièrement propice à cette culture. Son évolution structurelle est inverse de celle du café. Le cacao fut d’abord cultivé par de petits exploitants ou de petits propriétaires, dont il fit souvent la fortune. Mais, par la suite, ces petites exploitations, touchées par des crises, furent rachetées soit par des maisons de commerce spécialisées dans la vente de cacao, soit par de grands propriétaires. Actuellement, la zone du cacao comporte à la fois des plantations typiques dans le cadre de grandes propriétés et un certain nombre d’exploitations modestes, qui subsistent, mais doivent vendre leur récolte de cacao brut aux grandes propriétés, seules équipées pour le traiter.

Dans la région de Rio de Janeiro, la culture spéculative des fruits tropicaux se fait dans d’immenses propriétés de plusieurs milliers, ou même plusieurs dizaines de milliers d’hectares appartenant à de grandes sociétés. Les fruits, dont le conditionnement s’effectue dans les installations modernes de la plantation, sont destinés au marché international. Au contraire, dans le Nordeste du Brésil ou en Amazonie, l’exploitation des arbres fruitiers tropicaux prend beaucoup plus l’aspect d’une activité de cueillette, utilisant les arbres et les palmiers qui poussent à l’état naturel. Cette activité s’effectue la plupart du temps dans de grandes propriétés, elle est assurée par des ouvriers agricoles.


Une tradition de polyculture de subsistance pauvre

Pour diverses raisons historiques, l’espace agricole comprend également des zones de petites, même de trop petites propriétés. Elles sont situées sur les marges des plantations, où se sont installés les esclaves lors de l’abolition de l’esclavage, ou dans les zones inutilisées par les grands propriétaires et où, progressivement, se sont établis des paysans sans terres. Enfin, les petites propriétés du sud du Brésil résultent d’une colonisation en lotissements de petites dimensions réalisée lors de la grande vague d’immigration du xixe s. et du début du xxe s.

Quelles que soient leurs origines, ces petites propriétés se caractérisent toutes par des systèmes de culture demeurés très archaïques en raison de l’absence totale de moyens financiers de leurs exploitants, incapables de fournir les engrais et machines nécessaires à une modernisation. En outre, ces petits propriétaires, généralement analphabètes, sont dépourvus de la formation technique indispensable à la pratique d’une agriculture moderne intensive. Aussi, comme dans le cas de la grande propriété, l’utilisation du sol reste-t-elle précaire, fondée sur le brûlis de la végétation naturelle et sur la rotation des terres. Toutes ces petites propriétés pratiquent, à une toute petite échelle, plusieurs cultures destinées à produire les aliments de base, manioc, haricots, maïs, riz ou igname, selon les climats. Quelques arbres fruitiers complètent toujours cette petite polyculture de subsistance. C’est seulement près des grandes villes, à proximité des marchés de consommation, que quelques excédents sont commercialisés. Mais dans l’ensemble du Brésil tropical, cette commercialisation des excédents, dominée par les intermédiaires qui gardent pour eux la plus grande partie des bénéfices, n’aboutit guère à élever le niveau de vie des petits propriétaires, qui demeure pratiquement aussi bas que celui des ouvriers agricoles des plantations. Seules les zones de colonisation italienne ou allemande du Brésil méridional se consacrent à une polyculture plus commercialisée, reposant sur la vigne, les arbres fruitiers tempérés, le blé ou le riz, qui permet la formation d’un paysannat beaucoup plus aisé et susceptible d’enrichissement. Quelques foyers de colonisation japonaise, en particulier autour de São Paulo. connaissent une évolution semblable.

L’agriculture n’utilise finalement qu’une partie relativement faible de l’espace national, de grandes étendues étant encore occupées par la forêt, notamment en Amazonie où les taches de défrichement sont infimes, et le reste du territoire étant utilisé par l’élevage extensif.


Une tradition d’élevage extensif

Dès l’époque coloniale s’est développé un élevage destiné à fournir en viande et en animaux de trait les zones de monoculture. Les terres d’élevage se situaient en marge des zones de plantations installées dans les plaines littorales, c’est-à-dire sur les plateaux intérieurs bordant ces plaines, puis, progressivement, elles s’étendirent à l’ensemble du Brésil intérieur. Aujourd’hui, cet élevage se présente comme une survivance sans transformation du système traditionnel ou sous une forme améliorée. Les fermes d’élevage de l’intérieur du Nordeste ou de l’intérieur du Plateau central, dans les États de Goiás ou Mato Grosso sont généralement très grandes, souvent de plusieurs dizaines de milliers d’hectares, et appartiennent à des propriétaires urbains qui confient le soin de leurs troupeaux à un vaqueiro. Ce dernier est une sorte de régisseur rémunéré, non pas en espèces, mais par le droit de garder un veau sur quatre parmi ceux qui vont naître dans le troupeau. Il est aidé par des gardiens de troupeau qui parcourent à cheval la propriété et rassemblent le troupeau à certaines époques. En effet, les bêtes sont laissées en liberté, se nourrissent de la végétation naturelle et se reproduisent librement, quelques taureaux de race achetés en Europe occidentale étant parfois ajoutés, pour améliorer la qualité. À certaines périodes, les gardiens réunissent tout le bétail dans un enclos proche de la ferme pour procéder au tri des bêtes à vendre et au marquage des jeunes animaux nés dans l’année. Jusqu’à une époque récente, les bêtes à vendre étaient acheminées en troupeau vers les zones de consommation des grandes villes littorales, parcourant à pied 1 000 à 2 000 km. Épuisées à leur arrivée, elles devaient séjourner dans des prairies de repos avant leur abattage. Maintenant le développement des routes dans l’intérieur a entraîné l’utilisation croissante du camion pour le transport des animaux. La pénétration du modernisme se traduit aussi, dans un certain nombre de fermes d’élevage, par quelques améliorations : division de la propriété en parcelles où les bêtes passent successivement après avoir pâturé totalement la parcelle précédente, amélioration des races, etc. Mais, seuls, la zone du Sud-Est brésilien dans les alentours de São Paulo et de Rio de Janeiro et le sud de l’État de Minas Gerais pratiquent un élevage beaucoup plus évolué, orienté vers la production de lait, alors que l’élevage traditionnel ne produit que de la viande et du cuir.