Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Brandebourg

En allem. Brandenburg, Mark Brandenburg ou Mark ; en pol. Brandenburgia, région de l’Allemagne du Nord qui a été le noyau de la Prusse.



Les origines

Le terme de Brandebourg désigne une région géographique aux frontières changeantes, entre l’Elbe et l’Oder, comprenant une partie du bassin de la Havel et de son affluent, la Sprée, séparée de la Baltique par le plateau lacustre du Mecklembourg* et ses prolongements poméraniens, et limité au sud par les hauteurs du Fläming et de la Lusace. Le paysage de cette plaine glaciaire, chanté par Willibald Alexis et Theodor Fontane, est marqué par le sable, l’eau et les forêts (mais il y a aussi des terres plus riches) ; d’ailleurs, ce paysage a été profondément modifié par l’homme.

L’histoire du Brandebourg ne se confond pas avec celle de l’État prussien ni avec celle de la maison de Hohenzollern (d’origine souabe). Terre de passage et de mélange de races, le Brandebourg apparaît dans l’histoire, vers le viie s., comme le terrain de rencontre entre Slaves et Germains (à noter le voisinage probable sur la frontière méridionale de tribus celtes) ; ces rencontres se traduisirent par une interpénétration tantôt pacifique tantôt violente.

Il semble que les divers groupes slaves aient connu un premier stade d’organisation politique, dont divers éléments subsistèrent après l’installation des colons qui sont venus des régions de l’ouest (notamment du bassin du Rhin inférieur et du bassin du Main).

Dès le règne de Charlemagne, il y eut des combats contre les Slaves de l’Elbe, sans succès durable. En 948, un pas important fut fait en direction de l’est par la fondation des évêchés de Brandenburg (aujourd’hui importante ville industrielle sur la basse Havel) et de Havelberg (aujourd’hui ville moyenne sur la Havel, près du confluent de celle-ci avec l’Elbe) ; d’autres fondations suivirent sur l’Elbe supérieure ; toutefois, les combats continuèrent souvent à l’avantage des Slaves, notamment lors de la guerre de 983, curieusement appelée « insurrection » par les historiens allemands. Les princes saxons s’alliaient parfois avec le prince polonais Mieszko contre les peuples entre Elbe et Oder ; cette alliance fit place au début du xie s. à une entente entre Saxons et Slaves contre les Polonais. Pendant de longues années, des guerres coloniales et religieuses eurent lieu, sans que les nouveaux venus aient pu s’installer durablement ailleurs que dans la Nordmark entre la Peene et la Lusace.


Du xiie s. à la Réforme

En 1134, un baron du Harz, Albert, appelé l’Ours, reçoit cette marche, mais il s’était aussi installé dans la Altmark (Vieille Marche), à l’ouest de l’Elbe ; il étend son domaine vers l’est et le nord-est et y installe des colons soit slaves, soit germaniques. Ce n’est qu’en 1157 qu’apparaît pour la première fois le titre de « marchio in Brandenborch » ; à partir de ce moment, les Ascaniens (famille que certaines légendes faisaient descendre d’Énée par Ascanius, nom apparaissant dans la forme latine de Aschersleben) développent leur pouvoir sur la rive droite de l’Elbe, souvent en lutte ouverte contre les marquis de la haute Elbe et l’archevêque de Magdeburg, sans compter les princes slaves de Pologne et de Poméranie. Les successeurs d’Albert firent appel aux Bénédictins (Cisterciens), qui fondèrent entre autres les couvents de Zinna (1170), de Lehnin (1180) et de Chorin (1258) ; en même temps, ils développaient les villes, souvent à l’emplacement des cités slaves, près des gués et au débouché des passages entre les marais ; le matériau utilisé fut, avec le bois, la brique, très caractéristique de l’architecture religieuse et civile des terres germano-slaves. En 1320, quand s’éteignit la famille des Ascaniens, véritables fondateurs du Brandebourg, le territoire de la Marche s’étendait de la haute Aller en direction de la Baltique (largement à l’est de l’Oder), de la Silésie et de la Bohême, mais il y avait de nombreuses enclaves, les unes ecclésiastiques (évêchés de Brandenburg, Havelberg et Lebus [auj. Lubusz]), les autres de seigneurs laïques qui se comportaient en souverains absolus (von Plotho, von Arnstein, etc.).

Au cours du xive s., la Marche perdit les deux Lusaces au profit de la Bohême, la Neumark (sur la basse Netze [auj. Noteć]), vendue en 1402 à l’Ordre teutonique, sans compter d’autres amputations sur toutes les frontières sauf sur celle de l’est. Le territoire connut une longue période de troubles, au cours desquels les grandes familles accrurent leur pouvoir (1345 : institution des états). Le seul événement favorable fut la confirmation en 1356 de la dignité électorale du margrave (marquis) — ce qui d’ailleurs empêcha la Marche d’être annexée par la Bohême (déjà titulaire d’une voix). Malgré un indéniable bien que tardif développement économique, le Brandebourg était plus une base d’opération sur les confins germano-slaves qu’une terre attirante en soi.

Pendant le xve s., le Brandebourg fut administré, et bien administré, par la maison des Hohenzollern, sans que Frédéric Ier (1415-1440) et ses successeurs aient cessé de la considérer comme un appendice de leur territoire franconien bien plus riche.

En 1415, l’empereur Sigismond, de la maison de Luxembourg, conféra le margraviat à un de ses meilleurs alliés, Frédéric, châtelain de Nuremberg (Frédéric Ier). La mission du nouvel Électeur et de ses descendants fut, pendant plus d’un demi-siècle, de rétablir l’ordre et de restaurer l’autorité de l’État dans une terre tombée dans l’anarchie. Ils mirent à la raison les féodaux sans pouvoir les vaincre tout à fait, rétablirent leur autorité dans les villes, reprirent quelques terres perdues, et purent même reprendre l’avance vers la Silésie. En 1470, Albert dit l’Achille put entreprendre une action en profondeur, qui assura l’unité du territoire (Dispositio Achillea) et prépara l’annexion de la Poméranie. Son petit-fils, Joachim Ier dit Nestor (1499-1535), fut le premier souverain d’une époque riche en bouleversements. Il resta fidèle à la papauté, créa l’université de Francfort-sur-l’Oder (1506), unifia la justice et accrut le territoire. Son cousin franconien Albert de Brandebourg-Ansbach devint grand maître de l’Ordre, ce qui préparait (après la sécularisation des terres de Prusse en 1525) l’union au moins personnelle des deux États.