Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bragance (dynastie de) (suite)

C’est dans cette perspective qu’il faut situer l’œuvre du comte d’Ericeira, le Colbert portugais. Une dévaluation réussie, la création d’une industrie nationale sont autant de palliatifs pour équilibrer la balance commerciale. Or, en 1703, en ouvrant le pays aux draps anglais, le traité Methuen marque la fin de cette politique industrialiste et mercantiliste. C’est que le Portugal n’en a plus besoin : l’arrivée de l’or brésilien la rend inutile. Ce traité ne semble pas avoir eu pour le Portugal les conséquences néfastes que d’aucuns ont voulu y voir. En assurant un marché pour ses vins, le Portugal a été gagnant. Inversement, les produits anglais n’ont pas envahi le pays : l’isolement de l’intérieur, la pauvreté générale ont été des barrières plus efficaces qu’une législation douanière.

Pendant le règne de Jean V, le Portugal connaît une nouvelle période faste, grâce essentiellement à l’or (25 t en 1720, chiffre record) et aux diamants brésiliens. Mais cette richesse est mal utilisée : thésaurisée, dilapidée en donations ou dépenses de prestige, elle n’a aucune influence stimulante sur l’économie du pays.

En face d’un pouvoir royal faible, les deux forces traditionnelles retrouvent leur importance : la noblesse foncière d’abord, et l’Église. Celle-ci est redoutable par sa richesse, mais aussi par ses prétentions politiques. Autant qu’une réaction contre la morale relâchée de l’époque, la jacobeia est une conception politico-mystique de la vie terrestre ; on n’est pas sans songer aux dévots français du xviie s. Une monarchie menacée, une richesse aux bases fragiles — l’effondrement des arrivées d’or dans les années soixante le montre —, ce sont autant de problèmes que Jean V laissait en 1750 à son faible successeur.


Lumières et révolution

L’iluminismo ne doit pas être confondu avec la brève période du despotisme éclairé : il se développe pratiquement sur tout le siècle. Toutefois, le mot recouvre des réalités diverses, depuis les lumières aristocratiques du règne de Jean V jusqu’au courant plus radical de la petite bourgeoisie de la fin du siècle, en passant par le despotisme pombalien. Prolongeant cette période de large ouverture qui succède, avec l’indépendance retrouvée, à la phase de tutelle espagnole, un effort de rénovation s’ébauche dès le début du siècle, sous des aspects divers. Une des tendances serait d’inspiration aristocratique, avec Ericeira, et cléricale, avec l’Oratoire. L’autre est plus radicale, avec les « Portugais de l’étranger » : António Nunes Ribeiro Sanches (1699-1782) et surtout Luís António Verney (1713-1792). C’est dans ce dernier courant que Pombal* a puisé son inspiration, mais en le pliant aux intérêts de l’État.

La puissance royale n’a pas été restaurée par le roi Joseph, faible et velléitaire, mais par son ministre. Le règne avait commencé sous de fâcheux auspices, avec le terrible tremblement de terre de Lisbonne de 1755. Cette épreuve surmontée, désormais assuré de l’entière confiance du souverain, Pombal put se consacrer à sa tâche : renforcer la puissance de l’État. Sur le plan politique d’abord, il fallait briser les résistances. Un attentat contre le roi fournit le prétexte de frapper durement la grande noblesse et de la réduire au silence. L’exploitation politique de certains incidents permit d’éliminer les prélats trop indépendants et de briser la jacobeia.

C’en était fini de cette conception mystique : le régalisme rationaliste l’emportait. Un État fort ne se concevait pas sans une économie solide. Pombal s’efforça de la restaurer. Il fallait réduire les importations (de là les encouragements aux industries locales et aux tentatives de colonisation) et valoriser les exportations (c’est le but de la législation viticole). Mais, surtout, il était indispensable de contrôler cette prodigieuse source de richesses qu’était le commerce brésilien, fût-ce en ayant recours à des compagnies à monopole. L’œuvre accomplie dans le domaine de l’enseignement n’est pas moindre : l’université de Coimbra est totalement transformée et, sous le règne de Joseph, on assiste à la première ébauche d’un enseignement primaire d’État.

Cette œuvre — critiquable par certains aspects, aux résultats inégaux — est compromise avec le décès du souverain et la disgrâce de Pombal (1777). La reine Marie prend, en matière politique, le contre-pied du règne précédent. Haute noblesse et prélats retrouvent leur influence à la Cour. Si l’effort en matière économique est poursuivi, l’œuvre scolaire de Pombal est sacrifiée. Mais un certain humanisme, dans la tendance johanine, se poursuit avec l’abbé Correia da Serra et le duc de Lafôes ; la petite bourgeoisie, quelques intellectuels gauchissent l’aspect réformateur dans un sens de plus en plus radical. C’est moins la conséquence de la pénétration des idées françaises que les aspirations d’une catégorie sociale qui s’affirme, mais ne trouve pas sa place dans le xviiie s. finissant.

Le long règne de Marie (1777-1816) — en fait, à cause de la folie de la souveraine, c’est le prince Jean qui assure la régence à partir de 1792 — est dominé par les problèmes extérieurs. Les premiers événements de France furent accueillis avec une stupéfaction indignée. Libéraux et francs-maçons furent pourchassés ; des troupes envoyées sur le front catalan. Le revirement politique de l’Espagne allait être lourd de conséquences. Alliée de la France révolutionnaire, elle profita des atermoiements de la cour de Lisbonne pour s’emparer de quelques places, dont Olivença. Le Portugal refusant d’appliquer le Blocus continental, une armée franco-espagnole envahit le pays en 1807, l’occupant rapidement, mais sans toutefois pouvoir capturer la famille royale. Cette occupation allait être brève ; dès l’année suivante, les troupes de Junot devaient quitter le pays. En 1809, Soult, venu du nord, ne dépassa pas le Douro ; l’offensive de Masséna, en 1810, vint se briser sur les lignes de Torres Vedras. Brèves ou localisées, les invasions françaises ont eu néanmoins des conséquences désastreuses pour l’avenir du Portugal.