Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bourgogne (dynastie de) (suite)

Mais, par leurs richesses, leurs privilèges, le système des clientèles, les ordres privilégiés peuvent représenter un danger, surtout pour un monarque faible, tel Sanche II. C’est avec le haut clergé que les heurts sont les plus violents : au problème purement interne s’ajoute celui de la suzeraineté pontificale. Dès les premiers règnes, les souverains se heurtent aux puissants prélats du Nord, de Porto ou de Braga. Alphonse III est même excommunié. Il faut attendre le règne de Pierre Ier pour voir triompher l’autorité royale. Contre la noblesse, la royauté dispose d’une arme excellente : le contrôle des titres de possession.

Une dernière étape est franchie avec Alphonse IV. Les concelhos avaient pris trop d’importance et pouvaient, à leur tour, être d’autant plus dangereux que leur rôle de contrepoids était moins nécessaire. Des juizes de fora, magistrats nommés par le roi, vinrent limiter l’autorité des fonctionnaires élus. Malgré les protestations des Cortes, la monarchie ne revint jamais sur cette initiative ; bien au contraire, elle la systématisa.


La vie économique

Certes, l’essor économique est antérieur au xiiie s., mais l’intégration du Midi musulman a été un facteur décisif dans le développement de l’artisanat et du commerce. Dès le xiie s., les côtes du Nord ont une vie maritime fort active : des relations se nouent avec les villes hanséatiques, Bruges, Londres et les ports français. Le long règne de Denis fut, pour le royaume, une période particulièrement faste.

À la monarchie conquérante succède la « monarchie agraire » ; à une politique de conquêtes fait suite une politique de mise en valeur du pays. Les récoltes deviennent excédentaires, et le Portugal peut même exporter des céréales. En Algarve, plantations de canne à sucre et vergers se développent. Vin, huile, liège et fruits sont, avec le sel, les principaux produits exportés. Du nord du Douro, la zone d’exploitation des salines descend progressivement vers le sud : Aveiro, Lisbonne, Setúbal. La pêche, en plein essor, et l’élevage fournissent aux exportations un important contingent de poissons, salés ou fumés, et de cuirs.

La marine portugaise est extrêmement active. La pêche de la baleine ou la pêche hauturière au large du Maroc sont une excellente école de navigation. Ce sont des navires portugais qui assurent les liaisons avec les ports septentrionaux ; en 1226, Jean sans Terre avait accordé plus de cent sauf-conduits à des Portugais. Une bourgeoisie portugaise se crée et prend de plus en plus conscience de sa force. Des marchands portugais fondent la première factorerie européenne à Bruges ; ils ont toute une rue à Séville.

Cet essor se poursuivra durant les premières décennies du xive s. C’est à cette époque que se situent les débuts de l’expansion portugaise : en 1341, une expédition touche les Canaries, Madère et sans doute les Açores. Alors que l’histoire monétaire se place sous le signe de la dévaluation, Pierre Ier a eu le mérite de doter son pays d’un système monétaire cohérent et n’a jamais émis que dé la bonne monnaie, signe, par excellence, de la prospérité économique. Pourtant, dès ce règne, elle était menacée.


La crise du xive siècle

En 1348, le Portugal est, à son tour, atteint par la terrible épidémie de peste noire. Sur une population de 1 000 000 à 1 300 000 âmes, plus de la moitié disparaît. Les fortunes sont bouleversées par des héritages inespérés ; les campagnes se dépeuplent ; la production s’effondre. La hausse des salaires dans les campagnes entraîne un durcissement de l’attitude des propriétaires fonciers, fortement atteints dans leurs revenus. La bourgeoisie nationale est, à son tour, touchée dans ses intérêts : alors qu’au milieu du xive s. elle avait encore le monopole du commerce extérieur, désormais des étrangers lui font concurrence à Lisbonne même.

Ferdinand Ier tente de remédier à cette situation. La loi des sesmarias, en 1375, veut encourager et protéger les fermiers. Le roi s’intéresse aux armateurs nationaux, créant même une sorte de compagnie d’assurances. Mais ses efforts restent insuffisants. Bien plus, sa politique aventureuse en Castille aggrave la situation. Des sorties d’argent inconsidérées désorganisent le système monétaire, tandis que le poids des impôts devient de plus en plus lourd. Après la mort de Ferdinand, en 1383, survint un changement de dynastie.

J. M.

➙ Aviz (dynastie d’) / Portugal.

Bourguiba (Ḥabīb ibn ‘Alī)

Homme d’État tunisien (Monastir 1903).


Né d’un père officier dans la garde beylicale, Bourguiba fait ses études secondaires à Tunis au collège Sadiki, puis au lycée Carnot et devient bachelier en 1924. La même année, il part pour Paris, où il s’inscrit à la faculté de droit et à l’École libre des sciences politiques. Trois ans plus tard, en 1927, il reviendra à Tunis exercer la profession d’avocat.

Il est alors acquis aux idées nationalistes. En 1920, la lecture d’un pamphlet, la Tunisie martyre du cheikh Tahalbi — l’un des premiers artisans du mouvement national tunisien —, lui révèle les vices du régime colonial. À la même époque, Bourguiba suit avec passion l’épopée de Mustafa Kemal. Son admiration pour Atatürk s’accentue davantage lorsque ce dernier s’engage dans une politique de laïcisation. À Paris, dans une France républicaine et laïque, Bourguiba complète sa formation : il découvre les grands principes de la Révolution française.

À son retour à Tunis, Ḥabīb Bourguiba, libéral, laïque et anticolonialiste, est mis en contact, de par son métier d’avocat, avec la population tunisienne.


Le militant nationaliste

D’emblée, le jeune avocat s’engage dans la lutte de libération nationale. Peu après son retour de Paris, il s’inscrit au parti libéral constitutionnel (al-Ḥizb al-Ḥurr al-Dustūrī), ou Destour. Très vite, il manifeste son opposition à la Commission executive de ce parti, à laquelle il reproche son intransigeance. Avec certains de ses amis, formés comme lui à l’université française, il réagit contre cette attitude, considérée comme stérile, dans le journal la Voix de la Tunisie.

Bientôt, la jeune équipe, animée par Bourguiba, crée son propre organe : l’Action tunisienne. Elle entre alors en lutte ouverte avec la direction du parti. Contre les « vieux turbans » traditionalistes du Destour, l’Action tunisienne défend des idées modernistes.

Bourguiba et ses compagnons proposent comme idéal un État laïque qui assure l’égalité de tous ses citoyens devant la loi sans distinction de race et de religion. Parallèlement, ces jeunes gens, issus pour la plupart de milieux petits-bourgeois, plaident dans leur journal pour la population rurale, que la direction du Destour semble jusque-là ignorer.