Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bourgogne (suite)

Les progrès de l’absolutisme royal entraînent le recul des particularismes. L’acquisition de la Franche-Comté par la Couronne enlève à la Bourgogne sa situation de province frontière. Au xviiie s., le calme et la prospérité sont rétablis. Manifeste dès le début du xviie s., la montée sociale de la bourgeoisie s’accroît tout au long de l’Ancien Régime par l’achat des offices et l’acquisition des seigneuries. Le parlement tient une place éminente dans la noblesse de robe. L’économie fait des progrès considérables : l’exploitation des crus de Bourgogne et leur commerce s’élargissent. Les forges à bois sont actives (Buffon en établit une sur ses terres) ; la découverte des houillères transforme l’économie du Creusot. Le réseau des voies navigables est en extension : le canal de Briare est creusé au xviie s., et le canal de Bourgogne au xviiie.

Le renouveau catholique, intense au xviie s., se manifeste en Bourgogne : fondation des Ursulines de Dole (1606), fondation des Visitandines de Dijon par Jeanne de Chantal (1572-1641), multiplication de collèges de Jésuites. Paray-le-Monial et son couvent des Visitandines deviennent le centre de la dévotion au Sacré-Cœur.

La Révolution met fin à l’unité administrative de la Bourgogne. À l’organisation provinciale se substitue désormais la division en départements. C’est la fin d’une histoire profondément originale.

L. D.


L’art en Bourgogne


Les origines

Si le mobilier funéraire du mont Lassois (commune de Vix), célèbre par un énorme cratère de bronze du vie s. av. J.-C. (musée de Châtillon-sur-Seine), atteste l’existence de rapports entre la Bourgogne celtique et la culture grecque, la domination romaine a néanmoins laissé des traces plus profondes. Les fouilles d’Alésia, de Vertillum (Vertault, commune de Laignes), du sanctuaire des sources de la Seine ou des Fontaines-Salées, près de Vézelay, ont livré de nombreux objets de bois, de bronze et d’argent, notamment des figures votives. Mais c’est à Autun* que subsistent les principaux monuments, surtout les deux portes triomphales de la ville.

Aux invasions barbares paraît avoir succédé une période assez brillante, dont témoignent de rares vestiges : cryptes de l’abbaye de Flavigny-sur-Ozerain (viiie-ixe s.) et de Saint-Germain d’Auxerre* (ixe s.), avec ses peintures murales.


Le premier art roman

La Bourgogne a eu sa part de la « blanche robe d’églises » qui, selon le chroniqueur Raoul Glaber, recouvrit le monde chrétien aussitôt après l’an mille. Ainsi apparaît Saint-Vorles de Châtillon-sur-Seine. À Dijon*, il ne reste de l’église abbatiale de Saint-Bénigne (1001 à 1016) que l’étage inférieur de la rotonde, qui lui servait de chœur. À Saint-Philibert de Tournus, la crypte et le narthex à étage sont les témoins de l’église rebâtie vers l’an mille ; la nef, un peu plus tardive, a d’énormes piles cylindriques et des voûtes en berceau disposées perpendiculairement à son axe. À cet édifice capital font escorte, en Mâconnais, de petites églises, comme celle de Chapaize.


L’épanouissement de l’art roman

La Bourgogne romane doit une grande part de son éclat à l’abbaye bénédictine de Cluny*, qui fut un moment le centre spirituel de la chrétienté. Reconstruite de 1088 à 1130 sur un plan grandiose, son abbatiale fut détruite au début du xixe s. Mais plusieurs églises bourguignonnes en reproduisent les traits essentiels : élévation intérieure à trois étages ; voûte en berceau brisé sur la nef ; voûtes d’arêtes sur les collatéraux ; abside à déambulatoire et chapelles rayonnantes ; emploi général de l’arc brisé et de pilastres de tradition romaine dans la décoration intérieure ; présence fréquente d’un narthex. Tel est en gros l’aspect de Paray-le-Monial, sorte de Cluny en réduction, des abbatiales de Saulieu et de La Charité-sur-Loire, de la collégiale de Beaune*, de la cathédrale d’Autun.

Une autre famille d’églises est caractérisée par une élévation intérieure à deux étages, la présence de voûtes d’arêtes au-dessus de la nef, la préférence donnée à l’arc en plein cintre sur l’arc brisé et aux colonnes engagées sur les pilastres : ainsi à Anzy-le-Duc (fin du xie s.) et surtout à Vézelay. Il faut accorder une place spéciale à l’art cistercien*, dont l’abbaye de Fontenay, fondée en 1119, montre un ensemble d’une admirable logique de construction.

L’austérité cistercienne n’admettait qu’une décoration très simple de motifs végétaux et géométriques. C’est l’exception en Bourgogne romane, où la sculpture figurative a été à l’honneur. Ses traits distinctifs sont la liberté de ciseau, la verve, la primauté de la figure humaine sur les thèmes ornementaux, l’allongement des proportions, la finesse calligraphique des draperies, une inspiration ardente et parfois dramatique : chapiteaux de Cluny, suivis du triple portail de Vézelay, du tympan d’Autun et des chapiteaux de ces deux édifices, sans oublier ceux de Saulieu ni les tympans d’Anzy-le-Duc, de Montceaux-l’Étoile ou de Perrecy-les-Forges. Aux deux portails de Charlieu s’observe une tendance à la virtuosité, qui réapparaît, vers le milieu du xiie s., à Avallon.

La peinture murale a tenu aussi une place importante : crypte de la cathédrale d’Auxerre ; ensemble de Berzé-la-Ville, à défaut de Cluny, dont le style relève de la tradition byzantine ; peintures d’Anzy-le-Duc, apparentées à celles de la France de l’Ouest. Quant à l’enluminure des manuscrits, c’est à Cîteaux qu’elle a été pratiquée avec le plus d’éclat (bibliothèque de Dijon).


L’art gothique

Les Cisterciens ont largement contribué à l’adoption de la croisée d’ogives. Dès le milieu du xiie s., celle-ci apparaît dans la salle capitulaire et le scriptorium de Fontenay, ainsi que dans la nef de l’église de Pontigny. Le chœur de Vézelay est un chef-d’œuvre de la première architecture gothique, mais sans plus de caractère local que n’en aura celui de la cathédrale d’Auxerre. Plus typiquement bourguignon est un groupe d’églises du xiiie s. : Saint-Père-sous-Vézelay, Semur-en-Auxois, Saint-Seine-l’Abbaye, Notre-Dame de Dijon, etc. Leurs traits communs sont la légèreté de structure, fruit d’une science consommée de l’équilibre, et la richesse de la décoration sculptée. On y trouve souvent des voûtes sexpartites, des galeries de circulation au niveau des fenêtres, une tour-lanterne à la croisée, un vaste porche. L’église de Saint-Thibault (fin du xiiie s.) se signale par la hardiesse de son élévation. Plusieurs portails (Semur, Saint-Thibault, Saint-Père, etc.) offrent des sculptures d’une forte sève, au réalisme déjà robuste, tandis qu’une grâce raffinée prévaut dans les bas-reliefs de la cathédrale d’Auxerre.

On voit de belles maisons gothiques à Dijon, à Vitteaux, à Bèze, à Cluny. Plusieurs châteaux bourguignons datent du xiie ou du xiiie s. dans leurs parties les plus anciennes : Semur et Rully, de plan rectangulaire ; Chastellux et Bazoches, en trapèze ; Époisses, polygonal.