Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Bourgogne (suite)

L’expansion de la Bourgogne, en effet, a pris au xve s. des proportions considérables. Son centre de gravité se déplace alors vers la mer du Nord, et le duché proprement dit n’en est plus qu’un des territoires. La politique matrimoniale d’abord, puis les achats, les donations, les marchandages jouent leur rôle. Par son mariage avec Marguerite de Flandre, Philippe le Hardi reçoit en 1384 l’Artois, la Flandre, les comtés de Bourgogne (Franche-Comté), de Rethel et de Nevers, qui forment l’apanage de son dernier fils, Philippe. Le mariage de sa fille Marguerite avec Guillaume de Bavière lui donne des prétentions sur l’héritage des Wittelsbach dans le nord de l’Europe. Celles-ci seront réalisées par Philippe le Bon. Jacqueline de Bavière, fille de Guillaume et héritière de Hollande, de Zélande, de Hainaut et de Frise, épouse le petit-fils de Philippe le Hardi (fils d’Antoine, mort à Azincourt), Jean IV de Brabant. Après des difficultés, tout l’héritage va au duc de Bourgogne (1427-28). Le Limbourg lui a été donné par Jeanne de Brabant, sœur de Marguerite de Flandre ; il a acheté en 1421 le comté de Namur. Il met la main sur le Luxembourg (1443). Le duc de Bedford épouse la sœur de Philippe le Bon et cède à celui-ci les comtés de Mâcon et d’Auxerre, la châtellenie de Bar-sur-Seine, qui lui sont reconnus au traité d’Arras. Charles le Téméraire annexe la Gueldre en 1472 et convoite la Lorraine ; il ambitionne le titre de roi des Romains, qu’il marchande sans succès auprès de l’empereur Frédéric III avec le projet de mariage de sa fille et de Maximilien d’Autriche.

L’expansion du xve s. donne à l’État bourguignon une richesse économique considérable, où les pays flamands jouent le rôle essentiel. La vitalité industrielle des villes drapantes (Gand, Ypres, Bruges) est atteinte par la concurrence anglaise. Mais l’industrie textile se développe dans le plat pays, où l’on fabrique de la sayetterie. Charles le Téméraire s’efforce de lutter contre les particularismes économiques des villes et accepte de faire un traité de libre-échange en 1470. D’autres vocations apparaissent dans les cités flamandes. Par elles, l’État bourguignon devient le lieu de transit des marchandises venues de toute l’Europe, le centre bancaire grâce à l’utilisation de la lettre de change. Bruges (une succursale Médicis s’y établit) et Anvers ont des banques internationales. Les foires de Champagne sont donc concurrencées par les foires d’Anvers. Les ducs procèdent à une unification monétaire : le Philippus prime le marché des changes.

Dans ce grand État, les ducs de Bourgogne mènent une existence fastueuse. Les « joyeuses entrées », les pas d’arme (l’Arbre de Charlemagne à Marsannay en 1443, la Fontaine des Pleurs à Chalon en 1449, le Vœu du Faisan à Lille en 1454) sont restés célèbres. L’éclat de la Cour est particulièrement grand au temps de Philippe le Bon, fondateur en 1429 de l’ordre de la Toison d’or. Le mécénat des ducs annonce celui de la Renaissance ; mais ceux-ci ne résident plus guère en Bourgogne et se laissent de plus en plus attirer par la Flandre. L’État bourguignon n’a plus de véritable capitale.

La mort de Charles le Téméraire en 1477 met fin au grand duché d’Occident. Marie de Bourgogne, sa fille, par son mariage avec Maximilien d’Autriche porte aux Habsbourg toute une partie de l’héritage, source de rivalités futures avec la France. Mais Louis XI rattache le duché à la France.


La province de Bourgogne

Lieu de passage au voisinage de la Suisse, la Bourgogne voit se développer la Réforme, qui apparaît dans la province dès 1524. La nouvelle religion gagne des milieux très divers : artisans, compagnons, serviteurs, bourgeois, notables exerçant des professions libérales. Des conseillers au parlement, Jacques de Vintimille et Jacques Bretagne, lui donnent leur appui, tandis que le conseiller Jean Bégat et Bénigne Martin en sont les vigoureux adversaires et apportent leur soutien au lieutenant général de la province Gaspard de Saulx de Tavannes. L’édit de tolérance de 1562 rencontre une vive opposition en Bourgogne : au parlement, aux états, à la chambre de ville. Jean Bégat est délégué auprès du roi et en obtient le retrait. Cette décision est suivie de mesures coercitives contre les protestants et d’une réaction de ceux-ci ; celle-ci est vigoureusement matée par Tavannes, qui empêche ainsi un fort parti protestant de se constituer. À Tavannes succède en 1571 Léonor Chabot de Charny, qui évite à la Bourgogne le massacre de la Saint-Barthélemy. Mayenne, gouverneur de la province en 1573, fait de celle-ci un des fiefs de la Ligue à la suite de l’assassinat de son frère, Henri de Guise, en 1588. Antoine du Prat, baron de Vitteaux, Jean de Tavannes, et Pierre Jeannin (futur ministre d’Henri IV) donnent leur appui à Mayenne.

Le parlement est alors divisé : le parlement de Bourgogne, ligueur ; le parlement de Flavigny, royaliste, dirigé par Bénigne Frémyot. La misère de la province et l’appel des ligueurs aux Espagnols favorisent la cause d’Henri IV. En 1595, les Espagnols sont battus à Fontaine-Française. Mayenne doit se soumettre et abandonner son gouvernement.

La misère atteint la Bourgogne dans la première moitié du xviie s. : la peste — violente surtout en 1636 —, la famine, les excès des gens de guerre et la mortalité ravagent la province, sans compter une dure fiscalité. En 1629 éclate à Dijon la révolte du Lanturelu, provoquée par un édit qui fait de la Bourgogne, pays d’états, un pays d’élections (circonscriptions fiscales) ; l’édit est supprimé dès 1631.

La Bourgogne, province frontière et route d’invasion, est ravagée par la guerre de Trente Ans. Elle subit la présence des troupes de Matthias Gallas en 1636. Dole est assiégé, mais Saint-Jean-de-Losne est délivré la même année. La Fronde déchire la province à la suite de l’emprisonnement (1650) de son gouverneur, le prince de Condé. Des factions s’affrontent : partisans de Condé, appelés Albions ou Principions, avec le président Jean Bouchu, l’intendant Machault, Pierre Lenet et le comte de Tavannes ; Frondeurs ou Mazarins avec le marquis de Tavannes et Millotet, maire de Dijon. Remplacé par César de Vendôme, puis par le duc d’Epernon, Condé retrouve le gouvernement de Bourgogne en 1660.