Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

aéroporté (suite)

Avec un retard de cinq ans au départ, les Allemands vont, en moins de quatre ans, dépasser les Soviétiques. Au début de la guerre d’Espagne, la Luftwaffe effectue le transport de 9 000 soldats franquistes de Tétouan à Séville, et la Wehrmacht expérimente l’emploi de détachements de parachutistes, dont le premier régiment est créé en 1938. À la même époque, en Éthiopie, les Italiens ravitaillent entièrement par air trois importantes colonnes, auxquelles sont larguées plus de 1 700 tonnes de matériel.


La Seconde Guerre mondiale : développement prodigieux des aéroportés

Dès 1940, les Allemands affirment leur maîtrise : en face des deux compagnies d’infanterie de l’air françaises, la Wehrmacht aligne une division aéroportée, la 7e Fliegerdivision du général Kurt Student, composée de trois régiments de parachutistes, d’un détachement de planeurs et d’une escadre de transport. Utilisées comme avant-garde stratégique, ces forces jouent un rôle déterminant au Danemark et en Norvège en avril 1940. Le mois suivant, en s’emparant des terrains d’aviation et des ponts, elles permettent aux Panzer de conquérir la Hollande et de crever la défense belge en quatre jours. L’action la plus audacieuse sera la conquête le 10 mai 1940 du fort d’Eben-Emael, sur le canal Albert, par une compagnie de parachutistes déposée sur la superstructure de l’ouvrage par 15 planeurs. Un an plus tard, Student, à la tête d’un corps de 4 500 parachutistes (700 avions de transport, 750 planeurs), conquiert la Crète en dix jours au prix de très lourdes pertes, dues surtout à la D. C. A. britannique. Ce sera la dernière grande opération aéroportée de la Wehrmacht, car la perte définitive de la supériorité aérienne lui interdira désormais de renouveler de tels exploits.

Les Alliés, toutefois, ne prennent le relais que deux ans plus tard. Leurs deux premières divisions aéroportées, engagées en Sicile (1943), y sont durement éprouvées par suite d’une méprise tragique de la D. C. A. amie. Intensifiant leur effort, ils mettent sur pied successivement un corps d’armée puis une armée aéroportée, avec lesquels ils effectueront quatre grandes opérations en Europe (Normandie, Provence, Arnhem en 1944, franchissement du Rhin en 1945) et une en Birmanie (mars 1944).

Celle d’Arnhem fut de loin la plus importante et la plus audacieuse. La Ire armée aéroportée y participa tout entière, mais ce fut un grave échec, dû à la fois au mauvais temps et à la violence de la contre-attaque blindée allemande. En dix jours 3 000 avions et 2 000 planeurs transportèrent 34 000 hommes, 5 000 tonnes de matériel, 600 canons et 1 700 véhicules. L’opération de Birmanie restera sur le plan technique et stratégique la plus brillante réussite des aéroportés alliés. En quatre jours une division fut aérotransportée en pleine jungle avec ses 9 000 hommes, ses 1 300 mulets et 250 tonnes de matériel, puis ravitaillée par air pendant un mois.


Missions spéciales et commandos

Moins spectaculaires mais souvent plus efficaces et moins coûteuses, les missions spéciales et les actions de commandos ont joué un rôle très important dans la conduite des opérations de la Seconde Guerre mondiale.

Au printemps de 1940, les Allemands larguèrent de très nombreux agents pour préparer le débouché de leurs troupes en Europe occidentale. Mais leur action de commando la plus célèbre fut l’enlèvement de Mussolini, effectué le 12 septembre 1943 par un détachement qui se posa en planeur sur un éperon rocheux à plus de 2 000 m d’altitude. Quant aux parachutistes russes — une vingtaine de brigades —, ils eurent essentiellement pour mission de lutter au profit et aux côtés des partisans, notamment sur les arrières du front.

Dès la fin de 1940, les Anglais créèrent des formations spécialisées pour chaque type de mission. Le Bureau central de renseignements et d’action (B. C. R. A.), chargé pour le compte de la « France libre » de la recherche du renseignement, parachuta plus de 4 000 agents dont 2 500 furent tués. Des équipes dites « jedburgh », composées de deux ou trois officiers, prirent contact avec les maquis des pays occupés. Les 5 bataillons de la brigade S. A. S. du colonel Sterling, mis sur pied en Angleterre, furent spécialisés dans les actions de commandos : la destruction du radar de Bruneval, en février 1942, fut leur premier exploit. Les deux bataillons français (2e et 3e régiment de chasseurs parachutistes) de la brigade S. A. S. s’illustrèrent en 1944, le premier en Bretagne (Saint-Marcel), le second, utilisé par sticks séparés dans le reste de la France au fur et à mesure de l’avance alliée.


1945-1960 : l’évolution des aéroportés

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la composition et l’emploi des aéroportés ne varient guère. Seule leur mobilité stratégique s’accroît par la mise en service d’avions de transport à plus grande capacité et à plus long rayon d’action, tels le « TU 114 » soviétique et le « C 141 » américain, capables de transporter 150 à 200 hommes équipés ou le tonnage équivalent à des vitesses de 700 à 800 km/h.

Au cours de cette période, de nombreuses opérations aéroportées sont exécutées aussi bien par les grandes que par les petites puissances, notamment là où éclatent des conflits locaux ou des rébellions. Mais elles ne mettent jamais en ligne des effectifs supérieurs au groupement aéroporté interarmes. À eux seuls les Français exécutent en Indochine de 1945 à 1954, avec leurs douze bataillons de parachutistes, plus de 150 opérations, pour la plupart de type commando. Pendant les 56 jours du siège de Diên Bien Phu, la garnison de 12 000 hommes sera uniquement ravitaillée et renforcée par air. Cinq bataillons de parachutistes y seront largués et chaque jour 120 tonnes de matériel.


L’apparition des unités aéromobiles

À partir de 1960, l’emploi généralisé de l’hélicoptère va peu à peu modifier le style des opérations aéroportées. Les Français seront les premiers en Algérie à confier à des détachements héliportés des missions jusque-là réservées aux parachutistes. Au Viêt-nam, les Américains en généraliseront et en intensifieront l’emploi, en engageant dès 1965 une division de cavalerie aéromobile, ainsi nommée parce qu’elle possède ses propres hélicoptères puissamment armés et capables de transporter, de soutenir et de ravitailler trois groupements interarmes. Notons à titre d’exemple que, en novembre 1965, les hélicoptères de cette division effectuèrent plus de 50 000 sorties, transportant 73 000 hommes et plus de 13 000 tonnes de matériel en perdant seulement 14 appareils.

Ainsi la mobilité et la puissance de feu des grandes unités aéroportées ne cessent de s’accroître, mais la menace que font peser sur elles, dès la mise à terre, les missiles à longue portée et les projectiles atomiques constitue désormais un lourd handicap pour leur emploi.