Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bourdelle (Antoine)

Sculpteur français (Montauban 1861 - Le Vésinet 1929).


Fils d’un artisan du meuble qui habitait en face du musée Ingres, Bourdelle, dès son enfance, dessine d’après les antiques. Remarqué par le romancier Émile Pouvillon, il obtient des bourses qui lui permettent d’entrer, en 1880, à l’école des Beaux-Arts de Toulouse, puis, en 1884, aux Beaux-Arts de Paris, où il devient l’élève d’Alexandre Falguière (1831-1900).

Installé impasse du Maine (auj. rue Antoine-Bourdelle), il y fait la connaissance de Jules Dalou*, qui le prend comme praticien et le présente à Auguste Rodin*, dont Bourdelle va devenir le collaborateur préféré (finition du plâtre des Bourgeois de Calais ; participation à l’élaboration du Balzac). Il admire son patron, mais aussi les grands sculpteurs du xixe s. — Carpeaux*, Rude*, Barye* — et, dans le passé, Puget*.

C’est sous l’influence de ces maîtres, associée à son amour personnel du primitivisme (« Je sculpte en patois », dira-t-il), qu’il exécute ses premiers ouvrages remarqués (notamment par Gustave Geffroy) : bustes du compositeur Saintis (Salon de 1884), de Léon Cladel, de Jules Tellier ; médaillons de Michelet, d’Arago ; Adam (1888). Conformément, déjà, aux deux principes de son inspiration, Bourdelle traite tour à tour des thèmes héroïques et des sujets familiers (de la Douleur stoïque du guerrier à la Petite Cardeuse de laine). Il reçoit en 1893 la commande du monument aux morts de Montauban (inauguré dix ans après, l’artiste ayant sculpté cinquante-deux têtes préparatoires, dont quarante en grandeur d’exécution). C’est en 1889 qu’il exécute la Tête de Pallas (Torse de Pallas : 1901). Quant à ses Beethoven, le premier date de 1887, et Bourdelle n’en produira pas moins de vingt et un, le dernier datant de 1929.

La Tête d’Apollon (1900) marque dans sa carrière un tournant décisif : « J’y ai, a-t-il dit, trouvé mes lois. » Au réalisme sensitif de Rodin, il entend substituer un réalisme plus intellectuel, plus architecturé : « J’échappai au troué, au plan accidentel, pour chercher le plan permanent. Je recherchai l’essentiel des structures, laissant au second plan les ondes passagères. » Préfaçant en 1905 le catalogue de sa première exposition particulière (à la galerie Hébrard), Elie Faure le louera de posséder « le sens du symbolisme supérieur ».

L’œuvre d’Antoine Bourdelle est de près de mille sculptures, plusieurs milliers de dessins, de pastels, de peintures et de fresques. Le musée municipal Antoine-Bourdelle, fondé en 1949 autour des ateliers du sculpteur, donne de cette énorme production un aperçu très large (876 plâtres originaux). En voici les principales étapes : buste d’Ingres (1908) ; Héraklès archer (1909) ; bas-reliefs et fresques du Théâtre des Champs-Élysées (1910-1912) ; la Mort du dernier centaure (1914) ; monument du général Alvear, à Buenos Aires (commencé en 1915, terminé en 1923) ; Sainte Barbe (1916) ; la Danse du voile (1917) ; bustes d’Anatole France et de James Frazer (1919) ; Vierge à l’Enfant (1920) ; Bacchante portant Éros (1921) ; Victoire au bouclier votif (1922, Chambre des députés) ; buste d’Auguste Perret (1923) ; bandeau pour l’Opéra de Marseille et monument aux mineurs de Montceau-les-Mines (1924) ; Sapho et masque de Bourdelle (1925) ; le Temple d’Héraklès (stade de Toulouse, 1927) ; monument à Mickiewicz (Paris, 1928).

Tant à l’académie de la Grande-Chaumière que dans ses ateliers, Bourdelle eut de nombreux élèves (dont Alberto Giacometti* et Germaine Richier*), qu’il enchantait par son éloquence poétique. Deux livres témoignent de sa pensée : la Sculpture et Rodin (Émile-Paul, 1937) et Écrits sur l’art et la vie (Plon, 1955). Bourdelle définissait l’art comme « une émotion qui a saisi les nombres ». Sa devise était : L’ordre et la liberté, le feu et la raison mêlés.

M. G.

 F. Fosca, E. A. Bourdelle (N. R. F., 1924). / A. Fontainas, Bourdelle (Rieder, 1930). / M. Denis, Discours sur la tombe de Bourdelle (Association du Livre d’art français, 1934). / G. Varenne, Bourdelle par lui-même (Fasquelle, 1937). / M. Gauthier, Bourdelle (les Gémeaux, 1951). / I. Jianou et M. Dufet, Bourdelle (Arted, 1965 ; nouv. éd., 1970).

Bourdon (Sébastien)

Peintre français (Montpellier 1616 - Paris 1671).


Peintre d’histoire, de scènes de genre et de paysages, portraitiste et graveur, il participe étroitement à l’élaboration de l’art classique français.

Fils d’un peintre verrier de confession calviniste, il est envoyé en apprentissage à Paris, dès l’âge de sept ans, chez un peintre nommé Jean Barthélémy. Il retourne dans le Midi lors de sa quatorzième année. Sans ressources, il travaille à Bordeaux et à Toulouse avant de partir pour l’Italie en 1634. À Rome, il subvient à ses besoins en livrant aux amateurs des répliques et des imitations d’après les tableaux d’artistes italiens en renom. Il copie aussi des œuvres de Claude Lorrain* et de Poussin*.

Il connaît bientôt la faveur d’amateurs français, tel Hesselin, avec lequel il rentre à Paris en 1637. Il peint alors des scènes de chasse ou de bataille ainsi que des bambochades, petits tableaux de genre dans l’esprit de Pieter Van Laar (ou Laer), dit il Bamboccio (1599-1642). Une première consécration lui vient en 1643 : il reçoit commande, à l’occasion du « mai » de la corporation des orfèvres, d’un Martyre de saint Pierre pour Notre-Dame de Paris. Le prestige de cette œuvre trouve un écho dans le Sacrifice de Noé (musée d’Arras) ainsi que dans Salomon sacrifiant aux idoles (Louvre). Enfin, en 1648, Bourdon est l’un des douze membres fondateurs de l’Académie* royale de peinture et de sculpture. En 1652, pendant la Fronde, il se rend à Stockholm sur l’invitation de Christine de Suède, qui fait de lui son premier peintre et le portraitiste de la Cour. En 1654, il revient à Paris, où il partagera désormais son temps entre ses activités de peintre et de recteur de l’Académie royale.

La conférence académique que Bourdon prononce le 9 février 1669 sur la Lumière selon les différentes heures du jour témoigne d’une de ses principales préoccupations : « La lumière, dit-il, fait partie du sujet que le peintre doit traiter. » C’est dans l’art du paysage qu’il donne les plus heureuses applications de ses théories. Son Paysage historique (Montpellier, musée Fabre) et son Retour de l’Arche (Londres, National Gallery) reprennent les sources d’inspiration héroïque de Poussin, mais leur originalité réside dans l’emploi d’un coloris à dominante froide (bleu et blanc) ainsi que dans une savante construction des plans, menée parfois jusqu’à l’épure.