Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bourbonnais (suite)

C’est seulement au xe s. que l’on voit les sires de Bourbon* profiter de l’anarchie pour étendre et cristalliser leur domaine avec des territoires détachés du Berry, de l’Auvergne et de l’Autunois. Ces puissants seigneurs s’appuient sur les Capétiens, qui, en retour, trouvent avantageux de pénétrer vers le centre de l’Aquitaine, terre longtemps fermée à l’influence royale.

Quatre châteaux-forteresses leur servent de luxueuses résidences : Bourbon, avec ses hautes tours, démantelé comme Murat, Chantelle mutilé, Moulins enfin, réduit à la « Mal-Coiffée ». La trahison du Connétable, en 1523, a été fatale aux uns et aux autres. Les châteaux des grands vassaux des Bourbons sont Huriel, dont le donjon du xiie s. est toujours débout, Montaigu-le-Blin, ruiné mais imposant, Billy et Hérisson, Lapalisse (xve s.), célèbre par une chanson ironique et par l’admirable tenture des Preux (tapisseries de la fin du xve s.) qui y est conservée.

Face à l’autorité féodale des ducs et avec leur aide, l’Église sut implanter de solides établissements religieux, bien que le Bourbonnais fût divisé entre les trois diocèses voisins de Clermont, de Bourges et d’Autun. Parmi les monastères bénédictins, Saint-Pourçain, Ebreuil (fin du xie s.), Saint-Menoux (xiie s.), il faut mettre à part le prieuré de Souvigny, le plus illustre. Deux grands abbés de Cluny, saint Maïeul, en 994, et saint Odilon, en 1049, vinrent y mourir. Leurs tombeaux amenèrent les foules de pèlerins. Les ducs tinrent aussi à y être inhumés et firent du prieuré le Saint-Denis de la dynastie. Saint-Pierre de Souvigny est le meilleur exemple des rencontres d’influences qui se croisent en Bourbonnais, où il n’y a pas d’école romane caractérisée. On y voit confluer style auvergnat venu du sud, style berrichon venu de l’ouest, style bourguignon, enfin, venu de l’est. Celui-ci se révèle par le plan à double transept et les deux clochers rappelant l’église de Paray-le-Monial. Les maîtres d’œuvre et sculpteurs de Cluny, qui affectionnent les nefs non éclairées à berceau brisé, les bas-côtés voûtés d’arêtes, les pilastres cannelés à l’antique, feront école aux églises de Besson et d’Ygrande. Mais celles de Veauce, de Chantelle et de Châtel-Montagne s’inscrivent dans l’orbite auvergnate.

À l’époque gothique, les édifices sont plus faciles à cerner. À Souvigny même, vers 1435, on rebâtit chevet, second transept et nef haute, et on élève la « chapelle neuve ». Notre-Dame de Montluçon est due aux libéralités de Louis II de Bourbon, mort en 1410. À Moulins, la collégiale (devenue cathédrale) est terminée en 1507. Elle offre une large nef de style flamboyant, éclairée par des fenêtres hautes à vitraux remarquables, sans triforium. Déambulatoire et chevet plat sont fort originaux par l’implantation en quinconce des piliers portants. Le trésor de la cathédrale conserve une des œuvres les plus célèbres de la peinture française, le triptyque dit « du Maître de Moulins », qui éclipse quelque peu en Bourbonnais les fresques d’Ébreuil (xiie s.), celles de Jenzat (xve s.) ou le polyptyque de Montluçon (fin du xve s.).

Les sculpteurs attirés par la cour de Moulins, autour de Michel Colombe*, ont laissé dans les églises des productions nombreuses : mises au tombeau, Vierges à l’Enfant d’une élégance assez distinguée pour définir une école réellement bourbonnaise.

Après cette brillante époque, charnière entre le monde gothique et la Renaissance, vient le déclin. Les malheurs de Charles de Bourbon, tué comme chef de bande devant Rome en 1527, amènent la confiscation de ses biens et le rattachement du duché à la Couronne.

Réforme et guerres de Religion n’épargnent pas la province : l’art est paralysé. Au début du xviie s., ce sont les troubles de l’insurrection de Condé : de nombreuses forteresses sont rasées. Dans la seconde moitié du siècle, l’architecture ne se signale que par la chapelle des Montmorency (ancien couvent de la Visitation) à Moulins, avec un tombeau solennel dû principalement à François Anguier (1651-1658), et par le château de Souys (1655), bâti pour Mme de Montespan.

Robert de Cotte est appelé pour restaurer le château de Montaret (1705). Couvents et hôtels de ville se mettent à la mode du xviiie s., mais d’une manière modeste, très provinciale.

Le Maître de Moulins

Le mystère de son auteur anonyme ajoute encore à l’attrait du triptyque dit « du Maître de Moulins ». Au centre de la composition, fondée sur la répétition de cercles symboliques, la Vierge, drapée de rouge, trône sur un arc-en-ciel entouré d’une guirlande d’anges. Sur les volets latéraux, les donateurs, le duc Pierre II de Bourbon et la duchesse Anne, fille de Louis XI, sont présentés l’un et l’autre par leur saint patron. On date l’œuvre, d’une élégance détendue bien que fermement construite, d’environ 1501. Dans un compte de 1502-1503, parmi les officiers de la cour de Pierre II, figure un « Maistre Jehan le paintre » : les historiens d’art ont échafaudé hypothèse sur hypothèse depuis un demi-siècle pour tenter de l’identifier. Était-ce Jean Bourdichon, Jean Perréal, Jean Prévost ? La réponse semble avoir été apportée avec pertinence par Charles Sterling, qui, dans la Revue de l’art (1968, I), a mis en avant le nom de Jean Hey, Hollandais établi en France et cité en 1504 par Lemaire de Belges comme seul grand peintre français vivant, à côté de Jehan de Paris (Perréal). La première œuvre connue du maître, proche de Van der Goes* mais déjà marquée par l’ambiance spirituelle française, est la Nativité du musée d’Autun (v. 1480-1483). Du même artiste, on peut voir au Louvre deux volets de triptyque avec les Bourbons (1492), ainsi que les portraits de la petite Suzanne de Bourbon, fille du duc Pierre II et d’Anne, et du dauphin Charles-Orlant (tableau daté de 1494). Autres œuvres à Munich, Bruxelles, Glasgow.

F. E.

 A. Allier, l’Ancien Bourbonnais (Desrosiers, Moulins, 1835-1839 ; 3 vol.). / P. Pradel, le Bourbonnais (Arthaud, Grenoble, 1938). / M. Genermont, Châteaux en Bourbonnais (Crépin-Leblond, Moulins, 1949). / A. Bernard et C. Gagnon, le Bourbonnais (Gallimard, 1954). / A. Leguai, Histoire du Bourbonnais (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1960 ; 2e éd., 1974) ; De la seigneurie à l’État, le Bourbonnais pendant la guerre de Cent Ans (Impr. réunies, Moulins, 1969). / Dictionnaire des églises de France, t. II (Laffont, 1966). / J. Favière, Berry, Nivernais, Bourbonnais (Arthaud, 1976).