Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Boulogne-sur-Mer (suite)

Dès le Moyen Âge, la basse ville concentra l’essentiel de l’activité industrielle et commerçante. Les médiocres murailles qui la reliaient à la place forte l’exposèrent jusqu’au xviiie s. aux dévastations. Mais, écarté le danger des guerres, c’est par elle que s’accrurent la superficie (dans des limites municipales changeantes) et la population de la ville, après qu’eurent été asséchés les marécages qui bordaient la Liane et libérées de leurs servitudes militaires de vastes zones rurales. Sur ces terrains récupérés s’installèrent les industries modernes. Boulogne fut la première ville en France à fabriquer les plumes métalliques (Société Blanzy-Pourre, 1846). Elle développa aussi l’industrie des crayons (Société Baignol et Farjon, 1850). La métallurgie lourde apparut au début du xxe s. avec les aciéries de Paris et d’Outreau (1901). Les industries de la pêche, beaucoup plus anciennes, jadis dispersées à travers la ville, sont aujourd’hui regroupées sur la rive gauche de la Liane, autour d’une nouvelle gare de marée. À la fin du xixe s., deux ponts reliaient les rives de l’estuaire, mais la liaison de Boulogne avec les communes limitrophes d’Outreau et du Portel n’a été assurée de façon satisfaisante qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, par la construction de voies en viaduc.

Dès l’origine, la ville a vécu du port. Les Morins utilisaient déjà l’estuaire pour le commerce et la pêche. Sous l’Empire romain, le port recevait l’ambre ou l’étain, exportait les produits locaux de l’industrie textile et de la pêche. Mais c’est le hareng, salé ou sauré, échangé contre vins et eaux-de-vie destinés à l’Angleterre, qui, à partir du xiiie s., a fait la fortune de Boulogne.

Les installations portuaires, longtemps médiocres, ne durent leur essor qu’aux travaux d’envergure entrepris de 1800 à 1804, puis complétés par les réalisations de la chambre de commerce aux xixe et xxe s.

Il est peu d’événements de notre histoire contemporaine auxquels la cité boulonnaise n’ait été mêlée. Sous la Révolution et l’Empire, ses marins participent à la guerre de course contre l’Angleterre. Napoléon Ier, lorsqu’il prépara une descente en Angleterre (camp de Boulogne), établit son quartier général au château de Pont-de-Briques et, le 16 août 1804, il vint procéder lui-même à la distribution des aigles de la Légion d’honneur. Une colonne à la gloire de la Grande Armée perpétue ces événements. Les 5 et 6 août 1840, la garde nationale boulonnaise fit échouer la seconde tentative de pronunciamiento de Louis Napoléon Bonaparte. Lieu de débarquement des forces anglaises pendant la Première Guerre mondiale, Boulogne reçut en juin 1917 le général Pershing et l’état-major américain. Occupée par les Allemands le 24 mai 1940 après une héroïque mais vaine résistance, la ville subit les bombardements très meurtriers de mai-juin 1944. Libérée en septembre 1944 par l’opération « Welhit », sinistrée à 80 p. 100, sa population ramenée de 52 371 (1936) à 35 112 habitants (1946), elle s’engagea ensuite dans un important travail de reconstruction et d’expansion économique.

J. C.

➙ Artois / Boulonnais / Picardie.

Boulonnais

Région historique correspondant à l’arrondissement de Boulogne-sur-Mer et à une partie de celui de Montreuil-sur-Mer dans le département du Pas-de-Calais.


L’ancienneté de l’habitat est attestée par la découverte de sites préhistoriques, du Paléolithique à l’âge des métaux. Avec les Morins, petit peuple issu des migrations celtiques du iiie s. av. J.-C., le Boulonnais entre dans l’histoire. En 56 et 55 av. J.-C., les Morins opposent à César une résistance qui faiblira après la défaite de Vercingétorix pour renaître sous le principat d’Auguste, en 29 av. J.-C. Mais la romanisation de la « cité des Morins », incluse dans la IIe Belgique, ne fut effective qu’après l’incorporation, sous le règne de Claude, de la Bretagne à l’Empire. Conquis par les Saxons et les Francs-Saliens au ve s., partie du royaume franc de Neustrie, le Boulonnais connut une existence propre quand, après avoir été rattaché au Ponthieu sous les Carolingiens, il forma, autour de sa capitale Bononia, le Pagus Bononiensis. Sa transformation en comté héréditaire à la fin du ixe s. fut le résultat des convulsions de l’Empire après la mort de Charlemagne. Illustré par les fils d’Eustache II, Godefroi de Bouillon et Baudouin, premiers rois de Jérusalem, il passa en 1192 de la mouvance de la Flandre à celle de l’Artois. En 1261, la maison d’Auvergne le reçut en héritage, mais Philippe le Bon s’en empara en 1422. Le Boulonnais devint donc possession des ducs de Bourgogne (1435), jusqu’au jour où Louis XI, vainqueur de Charles le Téméraire, s’en attribua la suzeraineté et, par un ingénieux tour de passe-passe, en fit, pour lui-même et ses successeurs, hommage à Notre-Dame (1478).

Jusqu’à l’incorporation au domaine royal par le traité d’Arras (1482), l’histoire du Boulonnais, « le plus précieux anglet de la chrétienté », avait été dictée par sa position de pays frontière (sur les plans politique et linguistique). Il n’en alla pas autrement quand les rois succédèrent aux comtes. Champ clos des luttes de la France et de la maison de Habsbourg, tour à tour dévasté par les Anglais (siège et prise de Boulogne, 1544) ou par les Impériaux (destruction de Thérouanne, 1553), le Boulonnais ne fut libéré de ses ennemis qu’après le traité de Nimègue (1678). Tout au long de ces périodes troublées, les troupes boulonnaises, héritières de l’ost féodal, avaient assumé la défense du pays. En contrepartie de cet « impôt du sang », le Boulonnais exigea de ses suzerains le respect de ses immunités et privilèges. Doté — quoique dépendant de l’intendance et de la généralité d’Amiens — d’une assemblée provinciale depuis 1786, on conçoit qu’il n’ait pas admis sans résistance sa réunion à l’Artois dans le département du Pas-de-Calais en 1790.

J. C.

➙ Artois / Boulogne-sur-Mer / Picardie.

 J. Lestocquoy, Histoire de la Picardie et du Boulonnais (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1962).