Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

bouddhisme (suite)

L’essentiel de cette dernière repose sur la conception des « cinq périodes », des « huit doctrines » et des « trois corps » du Bouddha. Les « cinq périodes » (qui sont admises par toutes les doctrines bouddhiques) correspondent, selon le tendai, aux cinq phases successives de l’enseignement du Bouddha, des doctrines du Petit Véhicule, de celles du Grand Véhicule, de la « perfection de la sapience » et des prêches de la vérité définitive. Les « huit doctrines » correspondent aux enseignements exotériques, à ceux du Petit Véhicule, du Grand Véhicule » et du hokke-kyō. Les « trois corps » sont les trois aspects que prend le Bouddha : en tant que « corps d’essence » (dharmakāya, hosshin), qui représente le Bouddha existant comme Idéal ou Principe, c’est-à-dire sans existence personnelle ou historique ; en tant que « corps de fruition » (sambhogakāya, hōshin, juyūshin), qui représente le corps obtenu par le Bouddha comme effet des actions passées et comme il se manifeste aux bodhisattvas ; et en tant que « corps de métamorphose » ou de « correspondance » (nirmāṇakaya, ōshin, ōjin, keshin), qui représente l’aspect que le Bouddha peut assumer pour sauver tous les êtres. Tous les bouddhas, il va de soi, possèdent simultanément ces trois « corps ». Cependant, le grand bouddha solaire Vairocana (Dainichi Nyorai) est vénéré sous l’aspect d’un « corps d’essence », tandis que le bouddha historique Śākyamuni l’est sous celui d’un « corps de métamorphose »...

L’absolu, selon les doctrines du tendai, ne peut être atteint que par une longue instruction dans la loi et à la suite d’une pratique ardue de la méditation. Cependant, des tendances à l’ésotérisme commencèrent très tôt à se développer dans les doctrines de la secte du tendai, peut-être sous l’influence du shingon, surtout après le retour du moine Ennin, tendances qui, une fois acceptées, furent considérées comme des aspects différents d’un même enseignement : tout ce qui existe possède la « nature de bouddha », et l’Absolu comme le Relatif, la Matière comme l’Esprit procèdent de la même Essence.


shingon-shū

Ainsi que nous l’avons déjà vu, la doctrine du shingon fut rapportée de Chine en 806 par le moine Kūkai (774-835), après qu’il en eut reçu l’enseignement du maître chinois d’ésotérisme Huige (ou Houei Ko, Keika en japonais). En Chine, celui-ci aurait reçu d’Amoghavajra, un sage indien, la « clé » de l’enseignement du shingon. Cette doctrine est essentiellement fondée sur l’interprétation du « maṇḍala des Deux-Mondes » (Ryōkai mandara), que Kūkai a exposée dans ses essais critiques. D’après les doctrines du shingon, le fidèle peut obtenir dès cette vie-ci l’état de bouddha, à la condition qu’il se livre aux pratiques dites « du triple mystère » (sanmitsu). Les écrits de Kūkai, qui constituent l’un des fondements de ces doctrines au Japon, s’appuient sur de nombreux sūtra, mais ils sont principalement axés sur l’étude et l’explication du « maṇḍala des Deux-Mondes », qui consiste en deux maṇḍala complémentaires : le Taizōkai mandara, qui représente les aspects manifestés de Dainichi Nyorai et le monde phénoménal, impermanent, matériel ; et le Kongō-kai, qui représente l’Esprit, l’aspect principe idéal, indestructible (Kongō signifie « diamant »), stable, permanent, de la Divinité.

Par ces deux maṇḍala, les doctrines du shingon proposent une sorte de panthéisme dans lequel tout l’univers est une manifestation, une émanation du grand bouddha solaire central Mahāvairocana (Dainichi Nyorai). Elles donnèrent naissance au Japon à une éclosion de formes d’art nouvelles, dans lesquelles les représentations des divinités sont extrêmement diversifiées et où les gestes symboliques (mudrā, in-zō) ainsi que les postures sont significatives de la nature et des fonctions de chaque divinité. Ce panthéisme tantrique devait, lui aussi, admettre en son sein les nombreuses divinités, ou kami, du shintō et favoriser le syncrétisme shintō-bouddhique sous une forme particulière au shingon, le ryōbu-shintō, ou « shintō des deux parties de l’univers ».


jōdo-shū

La secte du jōdo tire son nom de celui de la « Terre pure » de l’Ouest ou du « Monde » (Paradis) occidental, qui est censé être la demeure du bouddha Amida (Amitābha), le Gokuraku Jōdo. Cette secte aurait été rapportée de Chine en 847 par le moine Eun (798-869) et se serait développée surtout au début de l’époque des régents Fujiwara, c’est-à-dire aux xe et xie s., avec les écrits de Genshin ou Eshin (942-1017) [l’Ojōyōshū, ou « Questions et réponses sur la mort », en 984], de Ryōnin (1071-1132) et surtout de Hōnen (appelé aussi Genkū [1133-1212]). Bien que cette secte n’ait pas été tout d’abord reconnue comme indépendante de celle du tendai, elle tendit à populariser le bouddhisme au Japon en simplifiant à l’extrême les doctrines de salut de celui-ci. La seule adoration du bouddha Amida et la répétition constante (japa, litanies) de son nom sous forme d’invocation (« Namu Amida Butsu », parfois abrégée en « Nammanda Butsu »), appelée « nembutsu », doivent suffire pour assurer à l’être humain, après sa mort, l’entrée dans le « Paradis de l’Ouest » (Sukhāvatī, Gokuraku Jōdo), où il pourra se perfectionner pour atteindre finalement l’état de bouddha. C’est une doctrine purement piétiste, selon la définition de Nāgārjuna : « Dans le grand océan de la loi du Bouddha, le seul moyen d’entrer est la foi. »


Le bouddhisme de l’époque de Kamakura (1192-1333)

Avec la décadence du régime des Fujiwara et les troubles qui s’ensuivirent, la croyance à l’entrée dans la période du mappō, ou « ère finale de dégénérescence de la loi du Bouddha », prit un caractère de plus en plus dramatique. L’avènement du gouvernement militaire de Kamakura et les luttes de celui-ci avec le pouvoir impérial et les aristocrates de Heian-kyō allaient profondément marquer l’évolution du bouddhisme au Japon. De nouvelles sectes apparurent plus ou moins en réaction contre les autres, considérées comme trop aristocratiques, comme celle du zen, qui eut la faveur des guerriers, ou celles du jōdo-shinshū et de nichiren, qui s’adressèrent principalement au peuple ignorant des campagnes et aux bushi, ou guerriers des classes moyennes et inférieures.